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In nomine spiritus absentis - Reliques et breloques, de Gaston Cherpillod

Publié le 12 janvier 2017 par Francisrichard @francisrichard
In nomine spiritus absentis - Reliques et breloques, de Gaston Cherpillod

Deux inédits de Gaston Cherpillod ont paru cet automne, aux Éditions de l'Hèbe, In nomine spiritus absentis et Reliques et breloques. L'écrivain les avait adressés, le premier en juin 2012 et le second fin 2011, à Janine Massard et à Pierre Yves Lador, qui avaient déjà transcrit de ses manuscrits depuis 2004

Cherp (1925-2012) leur avait demandé de faire paraître ces deux textes après sa disparition. Ils viennent d'accomplir cette haute mission, après les avoir transcrits, sans sa tutelle, et leur avoir trouvé un éditeur décidé à les diffuser dans les meilleures conditions. Ils font tous deux une présentation de ces deux textes avec bonheur.

Dans In nomine spiritus absentis, sous-titré Oraison, Gabriel Charbonney revisite son passé à la troisième personne: il offre bien des similitudes avec celui de l'auteur. En effet, le père de Gabriel, Matthieu, était ouvrier et Gabriel est un enseignant, un intello, même si l'auteur préfère à ce mot le terme désuet de clerc...

Dans Reliques et breloques, sous-titré, Notes dernières, hormis un dialogue liminaire entre deux copains, Lucas et Léon, dans un bistrot, l'homme Cherpillod se livre une nouvelle fois, sans le truchement de la fiction à laquelle il préfère de toute façon la réalité, le parler vrai et le ton, sans fioritures, sans fards.

Dans un texte comme dans l'autre, il faut suivre Cherp... parce que rien n'est linéaire, tout est en digressions et ruptures, en structures complexes, aussi bien le fond que la forme. C'est pourquoi lire Cherpillod se mérite. Il faut s'accoutumer à sa pensée vagabonde, à son style à nul autre pareil, héritier du grec et du latin.

Cherpillod le dit lui-même: Mon originalité réside dans le ton davantage que dans ma pensée. Et c'est ce ton, révélateur de son âme inquiète, qui emporte la conviction du lecteur et qui le touche par son humanité, parce que - il en serait contristé - ses préoccupations et ses déceptions ne sont pas forcément les siennes.

Dans ses notes, Cherpillod est ainsi préoccupé par l'homo sapiens: La terre dont, déloyal gérant, il a dilapidé, depuis que la production s'élargit, une somme de richesses qui ne lui appartiennent pas, se séparera de lui sans munir l'adieu d'un parachute doré, si sa ligne n'est pas redressée.

Par l'avenir: Le monde que ses maîtres, dans leur fatuité ont orné de l'épithète de développé, sous l'accumulation de biens comptables croule, fussent-ils d'inégale façon répartis entre eux et leurs inférieurs, tire profit de la base globale, excipe de sa victoire sur la matière, quand un malappris émet, alarmé, une critique fondée.

Par la dégradation de la langue (on n'exige plus de l'étudiant l'acquisition du latin d'abord, la tenue d'un français autre que basique): Le marché ne parle que le rudimentaire ricain dans sa publicité, et le pouvoir journalistique s'exprime en sabir, tandis que s'en fichent les législateurs, autant que leurs mandants, de ces périls.

Cherpillod ne peut que toucher le lecteur quand il parle de son irrépressible besoin d'écrire: Aussitôt que j'ai fini un texte, penaud, j'entame le suivant, alors que je m'étais engagé à brider la passion dont je tire un profit équivoque, à noyer mon ennui dans un ruisseau plutôt que dans un encrier: as-tu oublié que, vive, l'eau guérit ta jeune démence?

Il ne peut que le toucher quand il adresse cette dernière prière pour Gabriel, fils de Matthieu, sur laquelle se conclut In nomine spiritus absentis: Pas de discours, quand on l'enfouira, de fétides fleurs de rhétorique du ministère éducatif auquel il se rattachait, juste un mot pastoral, pour que Matthieu, reconnaisse sa progéniture, si l'âme existe.

Francis Richard

In nomine spiritus absentis - Reliques et breloques, Gaston Cherpillod, 288 pages, Éditions de l'Hèbe


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