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Bénin : Les déguerpis des espaces publics sombrent dans l’oubli

Publié le 16 janvier 2017 par Unmondelibre
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A l’instar de plusieurs pays africains, le Bénin a lancé une opération de déguerpissement qui est rentrée dans sa phase active depuis le 4 janvier. Ces opérations sont justifiées, par le pouvoir central, au nom de la récupération du domaine public, de l'aménagement urbain et surtout la lutte contre l'informel. Si les objectifs de cette opération peuvent sembler justifiés, au vu de l’anarchie qui règne, il faudrait comprendre comment en est-on arrive ?

La responsabilité des gouvernants dans les installations illégales.

Qu’ils soient dans les marchés ou installés sur le domaine public, les commerces au Bénin sont soumis à des taxes régulièrement versées aux maries sous peine de fermeture. Cette pratique, qui dure parfois depuis des dizaines d’années, a laissé croire à la légitimité des  occupations des espaces. Ce qui rend plus difficile les déguerpissements actuels. Bien évidemment en payant des taxes, les occupants estiment payer la contrepartie de leur occupation. Mais dans cette tourmente, les autorités politico-administratives se dérobent face à leurs responsabilités. A Cotonou par exemple, la préfecture chargée de mettre en œuvre la décision de déguerpissement nie toute implication dans la perception des taxes par la mairie. Même si l’équipe dirigeante est  récente, cela remet en cause le principe de la continuité administrative et rend impuissants les commerçants qui n’ont d’autre choix que de s’exécuter. On est donc dans une situation d’instabilité administrative qui n’encourage pas l’entrepreneuriat dans le formel.

Selon le rapport de Doing Business 2017 le Bénin occupe une position de 57ème sur 190 économies prises en compte dans le domaine de la création d’entreprise. Les procédures, la durée et le coût y sont donc relativement faciles pour créer une entreprise. Le Bénin incite donc  les personnes à créer leurs entreprises mais les conditions post-création sont peu reluisantes.

A titre d’exemple, selon le même rapport, pour effectuer un transfert de propriété, il faut 120 jours de procédures alors que la moyenne en Afrique subsaharienne n’est que de 60 jours. Pour la même opération, le Béninois devra débourser 11,50 % de la valeur du bien alors que la moyenne en Afrique subsaharienne s’établit à 8% seulement. Il s’agit donc d’une procédure particulièrement longue et coûteuse par rapport à la moyenne régionale. De même, pour faire exécuter un contrat et faire valoir ses droits, il faut attendre presque deux ans en raison de l’inertie des tribunaux.

En ce qui concerne le raccordement à l’électricité, il coûte l’équivalent de 12581% du revenu par habitant, alors que la moyenne en Afrique subsaharienne est de 3872%. Au Bénin, il existe 57 différents impôts à payer par année contre 39 en Afrique subsaharienne dans un délai de 270 jours au Bénin contre une moyenne de 304  dans la même région considérée.

L’hostilité du climat des affaires au Bénin, rend le coût et le risque d’entreprendre trop élevés, ce qui pousse les Béninois à se réfugier dans le secteur informel en occupant des espaces viabilisés du domaine public.

Le déguerpissement  sans mesures d’accompagnement

Déguerpis de leurs emplacements, les tenanciers de commerces et d’autres activités se retrouvent momentanément sans activités. En considérant l’impact social de cette situation, la responsabilité des gouvernants est directement engagée. Les autorités incitent les déguerpis à utiliser des espaces disponibles dans des marchés nouvellement créés. Les commerçants sont cependant très réticents du fait de l’accès difficile de ces lieux souvent localisés dans les espaces reculés et hors des agglomérations comme le nouveau site du marché Missebo à Sèmè (30 km) de Cotonou.

Malgré une annonce faite six mois plus tôt, les autorités n’ont pas envisagé de solutions communes de relogement ce qui a pour impact une flambée des loyers.

Le paradoxe est qu’un programme de démolition est bien planifié, artère après artère, alors que l’après démolition reste un sujet tabou. Sans solution de remplacement, il est à prévoir qu’une nouvelle vague d’occupations ne tardera pas. L’autre exemple qui illustre la situation est le déguerpissement des vendeurs informels d’essence qui constituent la première source d’approvisionnement en carburant au Bénin. Ceci sans que le gouvernement n’ait réglé le problème d’insuffisance de stations-services et de pénuries fréquentes de carburant.

Même s’il faut reconnaître l’intérêt de l’opération en termes de salubrité et d’assainissement, la méthode et l’ignorance des conséquences qu’elle induit sont porteuses de menaces à la paix sociale.

Les risques de tensions sociales

Sans mesures d’accompagnement, ce sont des milliers de commerces qui sont actuellement en cessation d’activités, augmentant ainsi la paupérisation chez les jeunes et les femmes. A Missèbo, un quartier commercial de Cotonou se trouve le marché de friperie ce sont des milliers de jeunes qui seront sans activités du jour au lendemain. Il convient à ce niveau de rappeler que la problématique de l’emploi des jeunes est intimement liée à celle de la sécurité, surtout dans une sous-région menacée par l’extrémisme violent.

Pour protester contre la décision, un Comité national des revendeurs, vendeurs et artisans du Bénin pour la liberté et le pain (Conarab) a été mis en place. Face à la détermination des membres dudit comité à effectuer des actions de protestation principalement à Cotonou, le préfet  a pris un arrêté interdisant toute manifestation durant le mois de janvier. C’est donc une poche de frustration supplémentaire qui se crée au sein des membres de ce comité.  L’on est en droit de s’inquiéter sur les issues du dialogue social prôné par le gouvernement.

Ainsi, il est urgent de mettre en place des mesures d’accompagnement des déguerpissements. Il s’agit notamment de proposer des sites viabilisés pour reloger les différents commerces. Mieux encore, il faudrait faciliter l’entrepreneuriat dans le secteur formel par des mesures fiscales et administratives idoines. Aussi faudrait-il initier un véritable dialogue social entre les dirigeants et les victimes, en l’occurrence les jeunes. C’est une question de paix et de sécurité sociales.

AHOUANGANSI Mauriacétudiant-chercheurBénin. Le 16 janvier 2017.


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