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Dormir au musée avec Somniculus d'Ali Cherri

Publié le 14 février 2017 par Marcel & Simone @MarceletSimone

    Somniculus, cet état de sommeil léger où des images fantasques peuvent nous surprendre, nous ravir ou nous effrayer. Où l'on peut encore sursauter et se rassurer dans l'éveil alors que le sommeil cherche à nous reconquérir. Où les rêves sont comme des souvenirs voulant s'imposer à notre esprit, alors que le présent tente de les effacer.

    Dans son œuvre vidéo exposée au Jeu de Paume, Ali Cherri donne en spectacle la vision d'un artiste rôdant dans les galeries désertes, à la fois gardien intrusif et spectateur. Sa caméra est son œil s'attardent sur les animaux empaillés du Musée de la Chasse et de la Nature, sur la diversité des visages de cire du Musée de l'Homme ou sur les urnes funéraires et les corps momifiés des collections égyptiennes du Musée du Louvre. Dans la pénombre du Musée du Quai Branly, il réveille les masques africains et transforme leurs expressions figées grâce au faisceau de sa lampe torche.

© Somniculus, Ali Cherri - 2017

© Somniculus, Ali Cherri - 2017

    La caméra adopte le point de vue d'un visiteur qui pourrait à la fois être envouté par les objets exposés, cherchant à s'en rapprocher le plus possible afin de découvrir les secrets, ou bien à s'en détacher et tomber dans un état léthargique lorsque le sens a disparu. Ce montage hypnotique de longs plans fixes floute peu à peu la frontière entre l'animé et l'inanimé. Les objets et la caméra sont immobiles, et l'on croit voir une photographie, mais c'est l'environnement extérieur qui apporte le mouvement, le son et la vidéo.

© Somniculus, Ali Cherri - 2017

© Somniculus, Ali Cherri - 2017

Dans Somniculus, l'artiste se met en scène et semble osciller dans un état semi-conscient. Parfois, il rejoint les objets inanimés dans leur sommeil, en s'endormant au milieu du musée ou dans son lit. Ali Cherri se film alternativement en plan fixe, comme si son visage était l'un de ces masques africains, et se colle des bandelettes sur son visage. Alors que les choses inanimées reprennent vie, le vivant est mortifié afin d'accéder à l'immortalité, comme on momifiait en Égypte antique, ou comme on tuerait un animal pour l'empailler et le conserver dans une posture vivace.

Le Musée peut être vu comme un cimetière de la mémoire, où une civilisation s'en rappelle une autre par les choses qu'elle y a prises. Il est aussi le terrain d'une violence représentative, où des objets rituels voire sacrés sont exposés à la vue de tous, de manière profane. Ali Cherri n'apporte pas que des réponse, il soulève une réflexion sur le rôle de ces espaces d'exposition. Dans leur première vie, les objets-symboles filmés avaient pour fonction de transcender la mort, d'échapper au sommeil éternel et à l'oubli. Une fois sortis de leur contextes premiers, les objets deviennent des œuvres dotées d'un nouveau pouvoir : celui de ressusciter un passé dans l'imagination des visiteurs. 

Ces images semblent nous dire que les civilisations représentées par ces objets ne sont pas enfouies pour l'éternité, à prendre la poussière derrière les vitrines mais bien dans un état de sommeil léger, pouvant revenir à la vie dès qu'un œil ouvert se pose sur elles. 

© Somniculus, Ali Cherri - 2017

© Somniculus, Ali Cherri - 2017

Ali Cherri. Somniculus 

Vidéo HD, couleur, son, 14minutes

Co-production : Jeu de Paume, Paris, Fondation Nationale des Arts Graphiques et Plastiques et CAPC de Bordeaux

Réalisé avec la participation du musée de la Chasse et de la Nature, Paris, du Musée du Louvre, Muséum national d'histoire naturelle, Paris et musée du Quai Branly – Jacques Chirac, Paris

Commissaire : Osei Bonsu

à voir au Jeu de Paume du 14 février au 28 mai 2017

1 Place de la Concorde, 75008 Paris

Mardi de 11h à 21h.
Du mercredi au dimanche de 11h à 19h.

Entrée : 10 €
Tarif réduit : 7,50 €

 

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