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(anthologie permanente) Michael Hammerschmid, "il n'y a pas rien", "nicht nichts"

Par Florence Trocmé

Michael Hammerschmid, né en 1972 à Salzbourg, poète, vit à Vienne. Il enseigne à l’« Institut für Sprachkunst » (étude du rapport entre langue, poésie et objet) de l’université des arts appliqués à Vienne. Il a aussi enseigné à la Sorbonne, Paris IV. Depuis 2014, il est avec Kurt Neumann, le responsable et modérateur de deux festivals internationaux de poésie à Vienne. En 2009, il a reçu le prix Reinhard-Priessnitz et en 2015, le prix Heimrad-Bäcker. En 2014, il a publié un recueil de poésies, Nester (en français, « Nids », Éditions Klever, Wien, www.kleververlag.com) et die drachen die lachen (qu’on peut traduire par « rigolants cerfs-volants », Éditions Krill, Wien, www.editionkrill-verlag.com). Il a deux filles, dont Mia Valentina, 12 ans, qui a illustré ce recueil.
la tour Eiffel
regarde-là
elle ressemble à quoi
à un bonhomme ?
à une bouteille ?
et quand ça lui prend
elle s’accroche des nuages…
incroyable tout ce qu’elle sait faire :
mais n’est-elle pas plutôt
une fusée ? -
non,
elle est là tout simplement
et teint chaque matin
ses cheveux de fer
avec les couleurs du soleil
c’est une merveille
ou bien avec des ombres
elle dessine au sol de sombres entrelacs
puis la voilà cachée,
dans le brouillard noyée
parfois tout entière,
serait-elle honteuse
la tour fameuse,
comme un misérable ver de terre ?
et que peut-elle faire s’il y a du tonnerre ?
elle n’a pas de maison
mais elle tient bon,
elle s’est ménagée des trous
pour que le vent ne l’emporte pas,
cet être troué dans lequel
du reste on peut monter
droit vers les nuages
un petit voyage vers la lumière
qu’elle braque le soir
jusque dans les visages
de ceux qui la regardent
et aimeraient savoir
si elle est encore là
cette polissonne.
tu n’en reviens pas,
n’est-ce pas ?
der eiffelturm
schau ihn dir an
er sieht aus wie
ein mann ?
eine flasche ?
und dann und wann
hängt er sich wolken an ...
was der alles kann:
oder ist er doch
eine rakete ? –
nein,
er steht nur da
färbt sich aber jeden tag
sein eisenhaar
mit sonnenfarben
wunderbar
oder mit schatten
malt er sich dunkle latten
und er versteckt sich
im nebel und verschwindet
manchmal ganz,
ob er sich da schämt
der berühmte turm,
als wär er ein elender erdenwurm ?
und was macht er bei sturm ?
er hat ja kein haus
und hält ihn doch aus,
er hat sich ja lücken machen lassen,
damit der wind ihn nicht
fassen kann,
den lückenmann, auf dem
man übrigens hochfahren kann
hinauf richtung wolken
ein stück weit ins licht,
das er abends abstrahlt
bis ins gesicht
von denen, die auf ihn schaun
und wissen möchten,
ob er noch da ist
der wicht.
ganz schön wunderlich,
nicht ?
il n’y a pas rien

la mort n’est pas
rouge.
certains la disent
noire,
je ne sais pas
sa couleur,
tu sais.
en réalité je n’en sais
rien.
et si les gens
existent quelque part,
après, mon enfant
je ne le sais pas
non plus,
j’en ai
parfois
un pincement au coeur.
où sont les autres,
ce que devient une vie,
quand elle est finie :
je vois maintenant
toute sortes de couleurs,
alors que,
tu le sais bien,
je ne les distingue pas vraiment,
très cher enfant.
et j’aime aussi
les questions,
qui me disent quelque chose
peut-être est-on
vraiment, comme tu dis, dans
les airs quand on est plus là
peut-être est-on
comme le vent,
clair ou sombre,
qui parfois
va si vite ?
ou bien on est
rien, c’est possible ?
y a-t-il rien ?
tant qu’on vit
il n’y a pas rien
il me semble,
mais
à chaque phrase
je marque contre mon camp.
alors je préfère
me taire et te
montrer
le ciel où sont
quelques cerfs-volants.
vont-ils rester là-haut,
et jusqu’à quand ?
nicht nichts
der tod ist nicht
rot,
manche sagen
schwarz,
ich weiß nicht,
welche farbe,
weißt du.
ich weiß einfach
nicht.
und ob die menschen
irgendwo sind, danach, kind,
ich weiß es auch
nicht,
das gibt mir
manchmal
einen stich.
wo die anderen sind,
was so ein leben wird,
wenn es aus ist;
ich sehe jetzt
viele farben und
du weißt ja
ich bin farben-
blind,
liebstes kind.
und ich mag auch
die fragen,
die mir etwas sagen
vielleicht ist man
ja wirklich, wie du sagst, in
der luft, wenn man nicht mehr da ist,
und wie der wind,
hell oder finster
manchmal
geschwind ?
oder man ist
nichts, gibt es das ?
gibt es nichts ?
solange man lebt
gibt es nicht nichts,
kommt mir vor,
aber ich schieße mir
mit jedem satz
ein eigentor.
also will ich lieber
schweigen und dir
den himmel und
ein paar drachen
zeigen.
ob die dort bleiben ?
Michael Hammerschmid, extraits de Die Drachen die lachen, illustrations de Mia Schwarcz, traductions inédites de Chantal Herbert, proposées par la traductrice à Poezibao sur une suggestion d’Alain Lance.


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