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« L’Origine du monde » patadoïdale de Julien Blaine

Publié le 26 février 2017 par Savatier

Gustave Courbet se serait sans doute réjoui que L’Origine du monde continue, un siècle et demi après sa réalisation, d’inspirer les créateurs. L’un des derniers en date, l’artiste plasticien et poète Julien Blaine, revisite en effet ce tableau dans son exposition parisienne L’Origine de l’origine (Galerie Lara Vincy, 47, rue de Seine, jusqu’au 28 février).

« L’Origine du monde » patadoïdale de Julien Blaine

Julien Blaine part de la théorie suivante : « Nous sommes nés de la purée de 4 pommes de terre ». Pour surprenante qu’elle soit, cette hypothèse cosmogonique (et gastronomique) ne semble pas plus délirante que la légende prétendant qu’Eve aurait été créée à partir d’une côte d’Adam (Genèse 2, 21-24)… Le postulat permet à l’artiste de se réapproprier L’Origine du monde, de la recréer en… tubercules.

« L’Origine du monde » patadoïdale de Julien Blaine

Tout commence par une installation délicieusement iconoclaste intitulée « Gustave Courbet et son origine agrandie » ; il s’agit d’une reproduction numérique sur bâche plastifiée et légèrement retravaillée du tableau en grand format (150 x 181 cm). Au pied de ce tirage, bien en évidence, se tient un prie-Dieu qui suggère la dimension iconique de l’image. Accessoire indispensable pour instaurer ce lien au sacré – fut-il ironique-, ce meuble remplace ici le rideau vert que le premier propriétaire de la toile, le diplomate turc Khalil-Bey, avait disposé devant la toile pour mettre en scène une liturgie du dévoilement telle qu’elle se rencontre chez certains chrétiens orientaux. Ce parallèle, que j’avais mis en lumière dans mon essai consacré au tableau de Courbet, tant le cérémonial me paraissait évident, avait suscité l’indignation de quelques lecteurs pour qui, manifestement, un sexe de femme délicatement peint en cadrage serré ne pouvait relever du sacré, oubliant un peu vite le concept de terre-mère ou matrice originelle des cultes primordiaux.

« L’Origine du monde » patadoïdale de Julien Blaine

Sur le mur de droite, l’installation se complète de quatre reproduction de L’Origine ; le graphisme s’estompe sous un nuage laiteux, à l’exception d’un fragment patadoïdal coloré focalisé sur un détail du tableau, comme un plan convexe éclaire un acteur sur une scène obscure.

« L’Origine du monde » patadoïdale de Julien Blaine

Dans la salle suivante, la série « Incarnation et Métamorphose » propose quatre diptyques où figurent, sur la gauche, une reproduction de la toile de Courbet et, sur la droite, une reconstitution du modèle en pommes de terre. L’approche, singulière, crée des « avatars végétaux » assez inattendus mais, somme toute, réussis. Cette mutation parmentière de ce que j’avais appelé le « Monument à la Femme inconnue » puisqu’il restituait à la femme, en une seule œuvre, ce sexe que les conventions lui avaient refusé depuis la Grèce antique, se double d’un clin d’œil facétieux : la principale variété de pommes de terre utilisée par l’artiste est la Mona-Lisa. Une manière plaisante de réunir, dans un diptyque, ne serait-ce que symboliquement, les deux sourires les plus célèbres de l’art occidental.

Illustrations : Julien Blaine, vue de l’exposition avec au centre « Gustave Courbet & son origine agrandie », Hommage à Gustave Courbet, 2016, détail d’installation avec tirage numérique sur bâche plastifiée (150 x 181 cm) et prie dieu. Courtesy galerie Lara Vincy, Paris. – Julien Blaine, vue de l’exposition, « Hommage à Gustave Courbet » (4 patates), 2016, détail d’installation avec 4 tirages numériques sur bâche plastifiée (56 x 70 cm chaque). Courtesy galerie Lara Vincy, Paris. – Julien Blaine, « Incarnation & Métamorphose » Avatar végétal, 2017, tirage numérique sur bâche plastifiée, 44,5 x 84 cm (1/1). Courtesy galerie Lara Vincy, Paris. – Julien Blaine, « Nous sommes nés de la purée de 4 pommes de terre », Pomme de Terre Mona Lisa, 2017, tirage numérique sur bâche plastifiée, 56 x 70 cm (1/1). Courtesy galerie Lara Vincy, Paris.


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