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Se droguer en toute sécurité à Paris

Publié le 01 mars 2017 par Tiavina Kleber @ktiav_
Se droguer en toute sécurité à Paris

En France, l’usage de stupéfiants est interdit par une loi datant de décembre 1970. Cette prohibition entraîne le développement du marché noir et du trafic illégal. Les lieux de trafics et de consommation sont souvent implantés aux mêmes endroits. C’est le cas du quartier de la Gare du Nord à Paris, dans le 10ème arrondissement. Ce quartier est l’un des principaux lieux de vente et de consommation de stupéfiants dans Paris. C’est pourquoi c’est à cet endroit que la première salle de consommation à moindre risque s’est ouverte en Octobre 2016.

Quel est le premier bilan autour de l’implantation de cette structure ?

L’importance des associations de réductions des risques

Les consommateurs de drogues vont se fournir chez leurs marchands préférés pour absorber cette came, plus tard, chez eux, dans des parkings, dans des toilettes publiques, etc. Ces comportements dérangent les riverains qui sont en constante proximité avec les déchets que certains consommateurs laissent dans des endroits inappropriés, à la vue de tous. Au-delà de cela, les consommateurs se réfugient souvent dans les toilettes publiques et les halls d’immeuble, ce qui importune les riverains. De plus, ces comportements peuvent être dangereux pour la santé des consommateurs puisque peu de règles hygiéniques sont alors respectées. Le matériel est-il stérile ? Les lieux d’injection sont-ils propres ? Ont-ils, eux-mêmes, une hygiène adéquate ?

Des associations médico-sociales parisiennes telles que Gaïa Paris ou Safe, se sont penchées sur ces questions et en ont fait leur domaine d’action. Au début des années 1990, aucune association parisienne n’existe encore mais des associations comme Médecin du monde s’attaquent à se problème. Les interventions se font dans un but sanitaire puisque les associations distribuent des seringues stériles dans l’illégalité pour permettre aux consommateurs de limiter les risques d’infection. Cependant, les seringues utilisées sont toujours jetées n’importe où et ainsi, peuvent être récupérées et réutilisées par n’importe qui. Les progrès sanitaires sont donc peu visibles. L’impact sur les riverains est également faible. A la fin des années 90, on voit apparaitre le « bus méthadone » qui est un centre de soins mobile. C’est le premier lieu où les toxicomanes peuvent se faire suivre.Depuis 2009, l’association Gaïa Paris (créée en 2005) négocie et élabore le projet de la salle de consommation à moindre risque (SCMR). Cet endroit permettrait aux dépendants à certaines drogues, comme l’héroïne ou la morphine, de consommer leurs produits en toute sécurité médicale.

Un petit tour du monde des Salles de Consommation à Moindre Risque

La première salle de la sorte s’ouvre en 1986 à Berne (Suisse). Près d’une centaine se sont ouvertes depuis, dans le monde entier : Danemark, Canada, Pays-Bas, etc. Certaines salles ont été, par la suite, fermées pour rediriger les consommateurs vers d’autres salles ou parce que les comportements des toxicomanes s’étaient significativement améliorés.Que ce soit dans n’importe quel pays, le bilan de ces SCMR est positif. Les salles ont permis une baisse des taux de contamination des consommateurs de drogues, ainsi qu’une baisse de la délinquance dans les quartiers où la vente et la consommation était quotidienne.La France est le 10ème pays au monde à ouvrir une salle d’injection supervisée.

Le débat français

En France, certains ont pour idée que les seules solutions à la toxicomanie ne peuvent être que pénale (emprisonnement) ou sanitaire (sevrage). Les drogues sont interdites, or il est dit dans les nombreuses interviews de français que les SCMR facilitent l’accès aux drogues. On voit ça comme une levée de l’interdit autour des drogues et ça ne plait pas à beaucoup qui pensent que cela va favoriser la consommation.C’est tout le contraire. Ces espaces supervisés sont des aides morales et sanitaires pour les toxicomanes qui (cela a été prouvé) sont alors plus enclin à se motiver à évoluer et à tourner le dos aux drogues. De plus, les structures d’injection supervisée limitent les risques sanitaires et les risques d’overdoses puisque du personnel de santé entoure les usagers.Cela n’empêche pas certains riverains du quartier de la Gare de Nord à avoir peur que l’ouverture de cette salle rameute les toxicomanes des quartiers avoisinants. La polémique se crée également autour de l’approche vers la légalisation des drogues par la banalisation. L’ouverture de la structure rendrait banale l’utilisation de drogues pour certains.

Les objectifs français pour l’ouverture d’une SCMR

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé de 2012 à 2014 veut garantir un accès aux soins équitable. Elle s’attaque donc à la loi de santé française. Elle fait voter la loi de modernisation de notre système de santé. C’est dans le cadre de cette loi que l’expérimentation de la SCMR est lancée. Les modalités sont fixées par la loi. D’après la loi, les SCMR sont des espaces où les toxicomanes majeurs, précarisés et en rupture avec le système de santé, sont accueillis pour venir consommer des stupéfiants dans des conditions d’hygiène adaptées, avec du matériel stérile et sous supervision de personnels de santé.L’ouverture de cette salle répond à quatre objectifs : éviter les infections, les surdoses mortelles et autres complications sanitaires ; permettre aux usagers d’entrer en contact avec des professionnels du soin et de l’accueil médico-social ; améliorer la situation pour les riverains ; rejoindre les pays où des espaces comme celui-ci ont ouvert et se sont montrés concluants.

L’installation et le premier bilan

La SCMR est gérée par l’association Gaïa Paris. La structure est collée à l’Hôpital Lariboisière. Elle accueille, depuis octobre 2016, des usagers de drogues sept jours sur sept de 13h30 à 20h30. Une procédure est à suivre pour entrer dans la SCMR. Il faut s’enregistrer en donnant quelques données personnelles (nom, prénom, âge, adresse, etc.). Puis l’usager présente le produit qu’il souhaite s’injecter. Les quantités sont contrôlées pour éviter les overdoses. Le personnel médical installe alors le consommateur dans une autre pièce avec le matériel adéquate à l’injection. Suite à l’absorption de la drogue, l’usager est placé dans une salle de repos où il a le temps de récupérer, avant de sortir.Un suivi médical, ainsi qu’un suivi social est effectué dans la SCMR. En effet, les usagers de drogues ont la possibilité de faire une consultation médicale, de discuter avec un professionnel de santé. De plus en plus d’usagers demandent à avoir recours à des produits de substitution pour sortir de la toxicomanie. Ils peuvent également consulter des assistants sociaux pour favoriser leur réinsertion sociale par la suite. Les consultations sont en augmentation depuis le début d’ouverture de la salle. Ce qui est un premier bilan positif. Cela montre que les consommateurs voient la salle comme une aide médicale et sociale, ce qu’elle se doit d’être. La structure a une capacité d’accueil de 400 individus à la journée. Elle en accueille 200 par jour aujourd’hui, ce chiffre est en constante hausse.Pour les usagers, la présence de cette salle d’injection supervisée est positive dans ce quartier. En effet, cela assure une proximité avec du personnel médical. De plus, certains problèmes ont été résorbés : l’amoncellement des seringues dans la rue, la queue aux toilettes publiques, etc. Enfin, on remarque une prise de conscience de la part des usagers dans l’espace public.

Les réactions des riverains sont mitigées. Certains restent sur leur position en déclarant que l’ouverture de cette salle n’a fait que déplacer le problème de quelques mètres, que les consommateurs se disputent encore dans le quartier et que les déchets sont encore présents, bien que moins nombreux. D’autres riverains trouvent que le quartier est apaisé depuis l’ouverture de la salle, qu’il y a moins de squat dans les halls d’immeubles et moins de litiges dans la rue. La police n’a pas de troubles supplémentaires à déclarer depuis octobre 2016.

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