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Visitez le cabaret du camp de Gurs avec Diane Ducret

Par Samy20002000fr

Si l’on vous disait qu’en France, en 1940, un camp emprisonnant plusieurs milliers de femmes sans raison avait existé dans les Pyrénées, et qu’au sein de ce camp, se tenait un cabaret… Y croiriez-vous ? C’est ébahis par leur lecture que, le lundi 27 février dernier, une trentaine de lecteurs Babelio sont venus rencontrer Diane Ducret, l’auteur des Indésirables, publié chez Flammarion, afin d’en apprendre plus sur ce fait historique méconnu et pourtant bien réel.

Visitez le cabaret du camp de Gurs avec Diane Ducret

Un cabaret dans un camp au milieu des Pyrénées, au début de la Seconde Guerre mondiale. Deux amies, l’une aryenne, l’autre juive, qui chantent l’amour et la liberté … cela semble inventé ! C’est pourtant bien réel. Eva et Lise font partie des milliers de femmes « indésirables » internées par l’État français. À Gurs, l’ombre de la guerre plane au-dessus des montagnes. Il faut aimer, chanter, danser plus fort, pour rire au nez de la barbarie.

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Qui sont les Indésirables ?

C’est grâce à un ami que Diane Ducret a découvert l’existence du camp de Gurs : “Un ami m’a offert un livre contenant le témoignage de l’une de ces Indésirables, ces prisonnières enfermées dans un camp du sud de la France et n’ayant pour seul point commun de n’avoir pas d’enfant. Je me suis demandée pourquoi, en tant qu’historienne, je n’avais jamais eu connaissance de ces faits.” Dans ce livre, Vivre à Gurs de Barbara Vormeier, l’écrivain découvre pour la première fois le terme d’Indésirable : “ Paradoxalement, j’ai trouvé que ce terme avait un écho à la fois historique et en même temps très actuel. Je me suis demandé si ce concept n’avait pas tout simplement traversé les siècles : est-ce que la femme n’a pas été une potentielle indésirable tout au long de son histoire ? ”

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Survivre par amour

Diane Ducret avait déjà écrit sur la Seconde Guerre mondiale, mais ça n’est pas un goût particulier pour cette époque qui l’a poussée à s’y replonger avec Les Indésirables : “J’avais tout prévu, sauf de réécrire un livre sur la Seconde Guerre mondiale. Mon propos était cette fois davantage tourné vers l’amour et en particulier celui qui permet de survivre. Le contexte de la guerre s’est finalement peu à peu imposé à moi, du fait de ce sujet.” Plus qu’un simple détail, cette période historique porte malgré tout en elle une dimension chère à l’auteur : “On parle beaucoup de réfugiés fuyant la guerre ou les totalitarismes. La question de déporter ces gens, souvent perçus comme une menace, est un débat hautement actuel, qu’il était bon de remettre sur la table en ce contexte politique agité.”

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La fiction pour donner corps

En dehors de détails très matériels, portant principalement sur l’hygiène, Diane Ducret n’a bénéficié que de peu d’éléments romanesques pour écrire son histoire : “La plupart des archives du camp ont été brûlées, on ne sait même pas exactement combien de femmes ont été enfermées là bas et nous avons seulement les noms de celles qui en sont sorties en même temps que Hannah Arendt. Il a donc fallu donner corps à toutes ces informations prosaïques, et c’est là que les témoignages entrent en jeu.” Historienne, Diane Ducret a hésité à faire de cette découverte un essai : “J’ai finalement opté pour le roman car ce n’est pas tant le cas de ces quelque 3000 femmes qui m’importe, mais surtout le fait de se battre, de garder espoir malgré les difficultés : pourquoi ces femmes continuaient à tomber enceintes, à manger ou à se coiffer, alors qu’elles ne savaient même pas si elles seraient vivantes le lendemain. C’est en résumé cet espoir dont est capable l’Homme lorsqu’il aime qui m’a intéressé dans ce roman.”

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Poésie et chanson

Le dernier roman de Diane Ducret contient plusieurs poèmes et chansons, écrits par l’auteur. Ces chansons, elle les voit comme un personnage, venu donner une dimension symbolique à son récit : “Il est difficile de croire qu’il y avait bel et bien de la musique dans ce camp, mais c’est là que réside tout le paradoxe des années 1940 où se sont multipliés les cabarets. Il fallait rire au lieu de pleurer ! De plus, les poèmes sont là pour incarner ces moments d’espoir qui naissent sans raison logique, lorsque le cœur parvient à s’accrocher à quelque chose et à nous y faire croire très fort. J’ai finalement varié mes formes narratives comme est capable de varier le sentiment humain.”

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Être seulement soi

Diane Ducret le souligne : enfermer une femme de 35 ans pendant cinq années de guerre, peut avoir des conséquences terribles sur sa féminité : “Est-ce suffisant d’être simplement soi-même sans être mère ? Peut-on être mère sans avoir donné la vie ? C’est tout une réflexion autour de la maternité que j’ai voulu proposer dans ce roman, une réflexion forte sur les femmes et sur leur place vis à vis de la maternité. Pourquoi a-t-on considéré des femmes comme Indésirables sous prétexte qu’elles n’étaient pas mères ? Aujourd’hui, alors que l’on avorte beaucoup et que les possibilités de maternité se développent, on montre que la maternité ne va pas de soi et je trouve qu’il est très bon de le rappeler.”

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Histoire et féminisme

“L’histoire de France est-elle encore l’histoire des hommes ? J’aimerai vous dire que non”, déclare Diane Ducret, afin de préciser sa démarche à l’égard de la cause féminine. “Je ne fais pas partie de ces féministes qui souhaitent réécrire l’Histoire. Forcer la chose avec des quotas ou déformer la vérité, est une insulte à notre rôle de femme. Je suis écrivain et ne ressens pas du tout le besoin d’être écrivaine.” En revanche, l’historienne souhaite porter le regard vers des éléments ignorés de l’histoire des femmes, comme le rôle important qu’elles ont pu jouer auprès des dictateurs pendant la guerre : “Il ne faut pas oublier que les femmes avaient le droit de vote en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale. Leur rôle pendant la guerre et notamment auprès des dictateurs n’a simplement pas été traité par les historiens, voilà pourquoi j’en parle, mais pas en tant que féministe, simplement parce qu’il s’agit là d’une réalité.”

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Poser le cadre

Le travail documentaire est un passage obligé pour tout romancier qui s’intéresse à l’histoire. Pour Diane Ducret, celui-ci est entièrement séparé du processus d’écriture :”Je vais au bout de ce que je peux trouver en termes de documentation avant de me lancer dans l’écriture.  Il me faut un cadre géographique précis pour planter mon histoire correctement. Il me semble qu’il s’agit là presque d’un moyen d’honorer notre devoir de mémoire.” Ce devoir de mémoire, la France n’a pas souhaité l’honorer déplore l’écrivain : “Je suis allée sur les lieux du camp. Il n’y a aucun musée, simplement une forêt de pins extrêmement dense, afin de cacher les traces de cette histoire. On perçoit quelques dalles de béton, une baraque ainsi qu’une latrine, mais le tout est entièrement recouvert de pins. Il n’y a eu aucun travail de mémoire, contrairement aux camp polonais par exemple, et je ne savais pas du tout à quoi m’attendre en arrivant. La visite n’en a été que plus émouvante.”

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Vérité universelle

La musique, et plus particulièrement le piano, a accompagné l’écriture du roman de Diane Ducret : “J’ai écrit en écoutant en boucle trois compositeurs de piano solo et notamment Yann Tiersen. J’ai beaucoup pleuré en écrivant, mais c’est l’un des rôles du roman que de permettre de faire partager ses émotions.” Accoutumée aux essais historiques, l’écrivain explique avoir découvert, grâce à ce roman, une nouvelle forme de vérité : “”Jusqu’ici, je considérais les essais comme se rapprochant davantage de la vérité, puisqu’ils ne portent que très peu de l’âge ou du sexe de leur auteur. Pourtant, les témoignages de ces femmes m’ont tellement parlé, que je voyais dans leurs histoires quelque chose d’extrêmement universel : j’ai eu l’impression de vivre à travers leurs mots et c’est une forme de vérité finalement tout aussi forte que l’approche historique.”

C’est encore plein de questions que les lecteurs ont ensuite retrouvé l’auteur lors d’une séance de dédicace, pendant laquelle ils ont pu échanger directement avec elle.

Retrouvez Les Indésirables de Diane Ducret, publié chez Flammarion


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