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The Elephant Man

Par Tinalakiller

réalisé par David Lynch

avec Anthony Hopkins, John Hurt, Anne Bancroft, John Gielgud, Wendy Hiller, Lesley Dunlop, Dexter Fletcher...

Drame, biopic américain. 2h. 1980.

sortie française : 9 octobre 1980

Movie Challenge 2017 : Un film en noir et blanc
The Elephant Man

Londres, 1884. Le chirurgien Frederick Treves découvre un homme complètement défiguré et difforme, devenu une attraction de foire. John Merrick, " le monstre " , doit son nom de Elephant Man au terrible accident que subit sa mère. Alors enceinte de quelques mois, elle est renversée par un éléphant. Impressionné par de telles difformités, le Dr. Treves achète Merrick, l'arrachant ainsi à la violence de son propriétaire, et à l'humiliation quotidienne d'être mis en spectacle. Le chirurgien pense alors que " le monstre " est un idiot congénital. Il découvre rapidement en Merrick un homme meurtri, intelligent et doté d'une grande sensibilité.

The Elephant Man

Elephant Man n'est que le second long-métrage de David Lynch après le fabuleux Eraserhead. Son premier long est très à part dans le cinéma et avait quelque chose d'artisanal voire même d'expérimental, on pourrait même le qualifier d'OFNI. Elephant Man peut sembler a priori très différent de son premier film : sur le papier, il s'agit à l'origine d'un biopic classique (certes romancé), ce qui ne peut que plaire à un plus large public. Elephant Man avait d'ailleurs été nommé à huit reprises aux Oscars (et était reparti les mains vides, le film de Robert Redford, Des gens comme les autres, ayant triomphé à sa place). Pourtant, on ne peut pas limiter Elephant Man à un biopic (le scénario n'étant en plus pas totalement fidèle à la véritable histoire - même s'il est dans les grandes lignes, ne chipotons pas non plus). Pour la petite info, les deux scénaristes, Eric Bergen et Christopher De Vore se sont inspirés de deux ouvrages (même si ce scénario a légèrement été modifié par Lynch) : The Elephant Man and the Other Reminiscences de Sir Frederick Treves (incarné par Anthony Hopkins) et The Elephant man : a study in human dignity d'Ashley Montagu.Justement, j'y ai vu un lien entre Eraserhead et Elephant Man. Au-delà du noir et blanc commun, ces deux longs-métrages mettent en scène deux figures de monstre. Certes, dans Eraserhead, l'onirisme est plus présent et assumé. Mais cette part de rêve est pourtant également présente dans Elephant Man (je pense notamment à la scène avec la mère de Merrick qui apparaît dans un rêve, sa tête étant littéralement dans les étoiles) même si nous sommes dans un monde réaliste, dans un contexte historique assez précis (Le Londres de l'ère victorienne). Surtout, des thèmes communs sont abordés comme par exemple l'enfant rejeté par sa différence (notamment par ses propres parents) ou le regard posé qui transforme aussi l'individu en monstre. A travers la figure monstrueuse (d'un point de vue physique) de John Merrick, David Lynch dénonce la bêtise et la méchanceté humaine. Dit comme ça, ça peut sembler simpliste. Sauf qu'à l'écran, ça passe comme une lettre à la poste. Surtout, on s'aperçoit que le scénario n'est pas aussi manichéen qu'il pourrait en avoir l'air. Certes, on remarque une opposition entre les pauvres (des ignorants issus du monde industriel) et les riches (cultivés et a priori plus tolérants). Cela dit, les choses ne sont pas aussi limitées. En effet, si les bourgeois apportent à John Merrick de la culture qui l'ouvre davantage à de l'humanité, nous ne pouvons pas non plus affirmer qu'ils représentent naïvement les " gentils " de l'histoire.

The Elephant Man

Par exemple, même s'il y a des choses positives dans leur relation et qu'il y a certainement une sorte d'attachement entre les deux personnages, le docteur Treves, s'intéresse à John Merrick parce que ce dernier peut apporter quelque chose à la médecine. Même avec Treves, Merrick continue à être aussi une bête de foire exploitée, même s'il apprend grâce à accéder ne serait-ce qu'un temps à un semblant de bonheur. Véritable ode à la tolérance et à la différence, Elephant Man est un long-métrage terriblement émouvant, profond, avec sa complexité (notamment à partir du travail d'images) tout en étant accessible. Il mêle aussi bien une histoire individuelle que l'Histoire (l'industrialisation serait-elle le signe de déshumanisation ?). De plus, il est vraiment émouvant, que ce soit grâce à la possible humanité existante sur cette planète ou justement en dénonçant la cruauté inimaginable des hommes. J'avoue avoir beaucoup pleuré et c'est même la première fois qu'un film de Lynch me touche autant. De plus, cette émotion ne m'a jamais semblé forcée, elle vient assez naturellement dans un cadre assez sobre, loin des biopics typiquement hollywoodiens. Au-delà de l'émotion et des différents thèmes très bien traités, Elephant Man est également très réussi esthétiquement. L'utilisation du noir et blanc est très judicieuse : elle permet d'accentuer la dimension réaliste et historique du récit tout en combinant avec des effets poétiques voire même fantasmagoriques. Surtout le noir et blanc accentue encore plus la noirceur de l'homme. La photographie est en tout cas sublime, les décors parfaits et le maquillage tout simplement bluffant. Plus globalement, la mise en scène est impeccable : avec ce deuxième long-métrage, David Lynch confirme déjà qu'il a tout d'un grand réalisateur. Enfin, le casting est également impeccable. Dans le rôle de l'homme-éléphant (qui est surtout " un homme ", ne l'oublions pas), John Hurt (disparu en janvier dernier), méconnaissable et nommé aux Oscars pour ce rôle, livre une interprétation bouleversante et terriblement humaine. Il a beau avoir un plâtre sur sa figure, son regard est si expressif, il parvient à retranscrire la fragilité et l'innocence de ce personnage. Anthony Hopkins est également remarquable dans le rôle du docteur Treves : il parvient à rester sobre tout en parvenant à exprimer l'ambiguïté de son personnage. Tous les seconds rôles sont également bons, notamment la lumineuse Anne Bancroft (son mari le réalisateur Mel Brooks a co-produit ce film).

The Elephant Man

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