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Pop violence

Par Balndorn

Pop violence
Des crânes qui explosent sous l’impact des balles, un homme d’armes qui adore les bazookas, des sabres qui mutilent et découpent les chairs comme du beurre… on pourrait se croire dans un mauvais film d’action à la Jean Reno ou à la Liam Neeson (malheureusement pour lui). Sauf que le responsable de ce carnage n’est pas un austère flic bourré de testostérones, mais une gamine de dix ans (l’excellente Chloé Grace Moretz, qui y joua l’un de ses premiers rôles connus du grand public) dont les cheveux violets flashy pétaradent au milieu de ces explosions.            C’est là toute la force de Kick-Ass. Ce petit bijou de Matthew Vaughn est loin de se résumer à une seule parodie du film de super-héros. Toute parodie a pour fonction de faire éclater au grand jour l’esth-éthique d’un genre. Faire endosser aux sombres films de gangsters les costumes pétillants des super-héros, c’est révéler de manière éblouissante toute la violence contenue dans cette sobriété militaire. Les couleurs bariolées, les situations hyperboliquement burlesques, les répliques incisives, tout concoure à dévoiler que l’Amérique est une société malade de sa propre violence, qu’elle se donne en spectacle. 
Que ce soient le père vengeur qui arrache sa fille à l’éducation scolaire pour lui donner une éducation martiale, les exécutions en direct orchestrées par la mafia et suivies par des millions de téléspectateurs, la magnifique tuerie de Hit Girl dans des plans subjectifs très inspirés de FPS tels que Call of Duty, la violence semble partout. Le mal est banal dans nos sociétés du spectacle. Voir quelqu’un mourir est quelque chose d’atrocement drôle.   
Ce malheureux Kick-Ass, ce looser adolescent qui rêvait de devenir un super-héros pour s’accomplir en tant qu’homme, se retrouve entraîné dans une spirale de violence qu’il ne maîtrise plus. Le simple désir de reconnaissance sociale, déjà miné par la jalousie et la haine de soi, excite les autres désirs dans une rivalité mortifère. Kick-Ass protégeant un homme des types venus lui faire sa peau est comme Caïn tuant son frère : il autorise une longue série de violences, qui ne s’achève que dans le meurtre de presque tous les participants de cette fête macabre.   
Le très beau récit de vie de Damon, alias Big Daddy, exclusivement composé de planches de comics à travers lesquelles la caméra virevolte, en dit long sur ce dont l’Amérique est malade : de cette confusion entre fiction et réalité, entre mythe et légalité, entre désir et altérité. En se prenant pour des super-héros, pour des vigilantes chargés de rendre justice eux-mêmes dans une Frontière qui n’est toujours pas morte, du moins dans l’American psyche, nombre d’Américains, à l’image de Damon qui poursuit une vendetta personnelle, versent dans le meurtre. La vente et la possession d’armes, déjà un problème en elles-mêmes, viennent renforcer le caractère de justicier solitaire, de Lone Ranger, et donc de meurtrier en puissance, auquel aspire un certain esprit américain.            
C’est contre cette définition de la justice que se dresse Kick-Ass. Sans être un réquisitoire rhétorique contre cet esprit, le film, en exhibant en un spectacle de la démesure les conséquences de cette manière de penser, opère une purgation de la violence. Les excès visuels et les violations morales manifestes ont une visée saine, car ils contribuent, par leur exubérance même, à nous faire prendre de justes distances morales avec une violence rendue par trop ordinaire. L’artifice cinématographique se sait et se veut pur artifice ; le déni flagrant de tout réalisme interdit toute contamination de la violence de l’écran dans la réalité sociale. Le mal reste dans une soupape de sécurité pop.  
                       Pop violence   

Kick-Ass, Matthew Vaughn, 2010
Maxime 

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