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Interview éditeur : Glénat Manga, le bilan 2016

Publié le 14 avril 2017 par Paoru

Bonjour tout le monde ! Après un mois de mars consacré au Bilan du marché du manga 2016, disponible ici, je reviens pour vous proposer trois interviews d’éditeur avril et mai. On commence aujourd’hui avec les éditions Glénat Manga et son éditrice Satoko INABA, en poste depuis un peu plus d’un an maintenant (mais dans la maison depuis bien plus longtemps, cf l’interview Glénat Manga de fin 2012, ici). Elle a accepté de répondre à de nombreuses questions : comment va le leader du marché du manga et quel est son bilan 2016, comment se portent les classiques de la maison et les dernières nouveautés, comment fait-il face à la concurrence des nouveaux blockbusters ? On vous dit tout ça, et plus encore, ci-dessous !

Glénat Manga Paoru 2017

Bonjour Satoko INABA, et merci pour votre temps…

Commençons par le marché du manga en France. Il s’est vendu environ 13,6 millions de mangas en France en 2016, soit une progression de 10 % par rapport à 2015. Est-ce que cette progression se résume uniquement à des phénomènes comme One Punch-Man ou My Hero Academia ou est-ce qu’il y a une vraie dynamique, plus solide, selon vous ?

Le lancement de ces deux titres a effectivement créé une bonne dynamique, mais elle ne se limite pas à ça. Le succès suivi de One Piece, le regain d’attention autour de la saga Dragon Ball ou la progression fulgurante d’une série comme Tokyo Ghoul nous permettent de dire que le manga n’est définitivement plus une mode, mais un marché bien installé avec des lecteurs qui se renouvellent constamment.

Dans ce marché dynamique, comment a évolué le volume de ventes de Glénat Manga et quelles ont été vos nouveautés qui ont rencontré le plus grand succès ? 

Glénat a su rester leader du marché, malgré les nouveaux titres annoncés comme des blockbusters chez les concurrents.

Tokyo Ghoul re
En termes de nouveauté, Tokyo Ghoul:re a évidemment connu un succès exponentiel dès le lancement au mois de janvier, et rien qu’en 2016, nous comptabilisons plus de 300 000 ventes pour les deux séries de la saga (Tokyo Ghoul et Tokyo Ghoul:re). La meilleure surprise a été Les Enfants de la baleine, série assez confidentielle au Japon lors de son lancement, mais qui a séduit beaucoup de lecteurs par un visuel de couverture très attirant et surtout un contenu très original.

De son côté One Piece reste votre best-seller, même s’il perd un peu de terrain en 2016, alors qu’il semble assez bien tenir le coup au Japon. Est-ce que le public français est moins fidèle ou se lasse plus vite d’une série chez nous, d’après vous ?

La dynamique semble être la même dans les deux pays et elle est très liée au développement des arcs scénaristiques. Nous avons un décalage dans la parution qui explique les différences de timing. En 2016, nous étions donc plutôt dans le creux de la vague… Signalons également que 2016 a vu la publication d’un One Piece de moins en France que l’année précédente, ce qui engendre mécaniquement une baisse des ventes totales. Mais l’arrivée en 2017 de l’arc consacré à Sanji devrait rebooster l’intérêt pour la série !

One Piece tome 80
D’ailleurs concernant One Piece, ODA avait évoqué une centaine de tomes il y a quelques années. Maintenant qu’il s’en approche, est-ce qu’il en a dit plus sur l’arrivée d’une fin pour One Piece ?

L’auteur a annoncé vers le tome 80 qu’il avait à peu près bouclé 65 % de sa série. Si l’on se projette, One Piece devrait donc compter dans les 120 tomes…

Autre manga emblématique des éditions Glénat : Bleach, qui lui est bel est bien fini au Japon. D’un côté on reproche depuis longtemps à la série d’avoir trop étiré certains arcs, et de l’autre la fin de la série est vue comme très abrupte (édit : scénaristiquement parlant). Ces remarques vous semblent-elles justifiées et que peut-on retenir de l’aventure Bleach dans la gestion d’un hit sur le long terme au final ?

Le dernier arc de Bleach ayant été annoncé depuis cinq ans, je ne pense pas qu’on puisse parler d’une fin abrupte… Mais il s’agit effectivement d’une série avec un rythme particulier, qui peut déstabiliser lorsqu’on est habitué à d’autres shônen. Mais attendez la sortie du dernier tome, la lecture de la série complète pourrait vous donner une nouvelle impression.

Si on en revient à des séries plus récentes de votre catalogue, il y a Tokyo Ghoul : Re et Ajin, Comment se portent ces deux séries déjà, en termes de ventes ? 

Ajin tome 8
Effectivement, il s’agit de deux séries qui rencontrent le succès. Ajin a un rythme de parution un peu plus lent, mais le recrutement sur le tome 1 a doublé en 2016. C’est donc une série qui continue toujours à monter, avec un public très fidèle. Tokyo Ghoul quant à lui rejoint aujourd’hui le rang des séries emblématiques Glénat en passant la barre du million d’exemplaires vendus sur la série. Et ce succès n’est pas près de s’arrêter, si on se fie au développement scénaristique des derniers tomes…

C’est un shônen et un seinen qui ont en commun d’être des séries d’action fantastiques avec un ton assez mature. Est-ce comme ça que vous imaginez les futures stars de votre catalogue, tournées vers un public de grands ados et jeunes adultes ?

Les Éditions Glénat ont toujours proposé un catalogue varié, avec des titres à succès dans plusieurs catégories : Dragon Ball, One Piece, Akira, Gunnm, Les Gouttes de Dieu, Kilari, Chi, Berserk… Nous continuerons à éditer des séries de qualité, sans nous limiter à un public restreint.

Pour finir sur les blockbusters… L’an dernier, Christel Hoolans nous donnait son avis sur l’attribution des licences de OPM, My Hero Academia et Platinum End à des éditeurs disons… inattendus. Un an après la sortie de ces séries, quel regard portez-vous sur cette évolution de la concurrence, est-ce que ça vous a fait changer des choses dans la façon de travailler en interne ou dans vos relations avec les éditeurs japonais ?

Ces attributions ont peut-être laissé quelques influences sur notre façon de travailler mais n’ont finalement pas bouleversé le marché.

J’ai l’impression que ces décisions sont à l’origine d’une course aux supposés blockbusters chez tous les éditeurs. Il s’agit de faire des paris sur des concepts, des noms d’auteurs, sans que nous puissions prendre le temps de découvrir une œuvre et de réfléchir posément à la meilleure manière de la proposer en France. Certains titres pourraient réellement souffrir de cette foire d’empoigne et manquer d’un soutien efficace pour être lancé en France.

Dans un tout autre registre, l’année 2016 a été aussi celle de deux paris éditoriaux : je pense à Les Enfants de la baleine et L’Ère des cristaux, qui sont deux superbes titres. Pourtant l’un des deux a plutôt bien marché alors que l’autre pas du tout. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus et comment vous expliquez-vous cette différence ?

Enfants de la baleine 5
Les Enfants de la baleine a connu un très bon accueil, surprenant quand on sait que le titre était quasiment méconnu au Japon lors de son lancement. Les lecteurs français ont tout de suite été charmés par sa belle couverture puis captivés par son univers qui rappelle Miyazaki. Nous avons également bénéficié d’un très grand soutien de la part de l’éditeur et de l’auteur, indispensables pour bien développer la communication.

L’Ère des cristaux plaît à un public de connaisseurs et d’esthètes, mais il est peut-être un peu trop expérimental pour être ajouté dans la liste des courses à côté de One Piece et Ajin… Il en est de même pour un titre comme Le Voleur d’estampes, ce sont des œuvres novatrices auxquelles il faut accorder un peu de temps pour qu’elles soient reconnues à leur juste valeur, et nous ne regrettons absolument pas d’avoir fait le choix d’éditer ces titres.

Est-ce que vous avez d’autres déceptions sur l’année 2016 d’ailleurs (et, pareil, comment les expliquez-vous ?)

Je pense à Arbos Anima, la nouvelle série de Kachou HASHIMOTO que vous avez eu l’occasion de voir à Japan Expo 2014 pour sa série Cagaster. C’est une très bonne série, mais le lancement a été noyé dans la vague des sorties de juillet, sur un Japan Expo qui mettait l’accent sur la production française. J’espère donc avoir une autre occasion de la mettre sous le feu des projecteurs…

Hinomaru Sumo quant à lui n’est pas vraiment une déception, mais il gagne encore à être connu. Tous ceux qui s’y sont intéressés sont unanimes : il faut passer outre la fausse image comique que nous avons du sumo, il s’agit d’un vrai shônen nekketsu d’arts martiaux !

 

Arbos Anima
  
Hinomaru Sumo

Autre sujet autour de la qualité de l’impression et du papier de vos mangas : papier parfois extrêmement fin, des taches d’impression ou des inversions de chapitres ainsi qu’un débat autour du format souple. Bref, c’est un sujet qui revient régulièrement depuis que la fermeture d’Hérissay en 2014, qui vous a contraint à trouver un nouvel imprimeur. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur ces difficultés rencontrées et rassurer votre lectorat quand à la qualité de vos prochains mangas ?

Nous avons effectivement été confrontés à certains problèmes d’impression. Nous alertons à chaque fois les imprimeurs de ces problèmes et des exigences de qualité de notre lectorat, et cherchons des solutions pour éviter ce genre d’erreurs. Nos prestataires sont donc clairement conscients de ces impératifs et savent que, s’ils ne sont pas en mesure de les satisfaire, nous tâcherons de changer de fournisseur afin d’obtenir la qualité que les lecteurs attendent de nous.

MANGA HERISSEY (1).jpg

Impression de Manga à HERISSEY, l’ancien partenaire de Glénat Manga.jpg

La question de changement de papier a effectivement fait l’objet de crispations dans la mesure où le lectorat manga reste très fidèle à ses habitudes de lecture. Néanmoins, si un tel changement n’est jamais forcément accepté de tous, nous savons également que la bascule vers un papier crème, plus respectueux du rendu des travaux de nos auteurs, s’est effectuée sur une période relativement longue, à savoir presque dix ans. Il est compréhensible que les plus réticents soient ceux qui s’expriment le plus mais nous savons également que les plus satisfaits sont également ceux qui s’expriment le moins…

Quoi qu’il en soit, nous restons vigilants sur la qualité d’impression et de papier, afin que les titres que nous publions respectent – voire dépassent – les attentes de nos lectrices et lecteurs.

Dernière question sur 2016 : l’offre de manga en numérique se diversifie mais ne semble pas s’accompagner d’une hausse notable des ventes… Quel est votre ressenti sur ce qui semble pour le moment une impasse ? Est-ce qu’il faut juste se montrer patient ou est-ce le modèle économique qui n’est pas encore le bon selon vous ?

Actuellement, le numérique ne semble pas encore avoir acquis son public en France. Contrairement à d’autres pays, nous sommes peut-être plus attachés au papier, ou pas assez habitués au concept de “payer pour un contenu et non une forme”.

Tournons-nous pour finir vers 2017 : comment démarre l’année pour le marché du manga français et pour Glénat ?

Très bien ! La dynamique de 2016 semble se poursuivre pour le marché et s’intensifier pour Glénat. Les séries phares continuent à tenir les lecteurs en haleine, alors que des séries mythiques comme Dragon Ball, Gunnm ouThe Ghost in the Shell se voient insuffler une nouvelle dynamique.

Dragon Ball super
Qu’est-ce que vous nous préparez de bon pour cette année, quels en seront les moments phares ?

Nous continuons bien évidemment à ouvrir de nouveaux horizons avec des jeunes auteurs, qu’ils soient japonais ou français.

Mais cette année, ce sont surtout nos deux séries stars qui seront mis en avant. L’arrivée en avril de Dragon Ball Super est un événement incontournable pour tout fan de manga, et à partir de juillet, nous entrerons dans l’année anniversaire des 20 ans de One Piece où nous vous préparons de très belles surprises.

On s’approche de la fin, alors voici une question un peu plus personnelle : cela fait un an et demi que vous êtes la directrice éditoriale des éditions Glénat Manga qui sont quand même le leader du marché français… Comment se déroule cette expérience assez unique en son genre ? Est-ce que le métier ressemble à ce que vous imaginiez d’ailleurs ?

Je suis dans le milieu depuis 15 ans et à Glénat depuis huit… J’ai donc eu la chance de reprendre un catalogue que je connais déjà depuis quelque temps, soutenue par une équipe efficace et volontaire.

La principale difficulté d’un éditeur historique comme Glénat est de renouveler sans cesse son offre sur la nouveauté, tout en valorisant les grandes œuvres qui constituent le fond de catalogue. C’est donc assez stimulant de vivre sur une faille spatio-temporelle qui me fait naviguer de 1989 à 2020.

Aujourd’hui, avec le développement de créations directes et de collaborations internationales, le métier d’éditeur manga en lui-même se transforme peu à peu. Je me remets donc constamment en question, afin de m’adapter à l’avenir qui nous attend.

Qu’est-ce que l’on peut souhaiter à Glénat Manga et à sa directrice éditoriale pour 2017 ?

Le marché du manga est en pleine mutation, avec de nouveaux défis à relever au Japon, en France ou ailleurs. J’espère donc que nous pourrons continuer à faire évoluer les choses pour vous proposer des lectures toujours plus intéressantes !

On le souhaite aussi, merci Satoko INABA !

Retrouvez Glénat Manga et son actualité à travers leur site, leur page Facebook ou leur compte Twitter !

Remerciements à Satoko INABA, Benoît HUOT et Fanny BLANCHARD pour leur temps et la mise en place de cette interview.

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