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Au début, il y eut Brel !

Publié le 18 avril 2017 par Jacquesmercier @JacquesMercier

Dans deux jours, lors de l’émission « 69 minutes sans chichis », en direct, la belle Joëlle évoquera sûrement ma première rencontre avec Jacques Brel, à 14 ans, élément déclencheur de ma vocation. Mais il y en eut d’autres :

Mes premières retrouvailles avec Jacques Brel – après être devenu animateur de radio – fut un rendez-vous fixé chez lui, une belle maison près du boulevard qui mène à Zaventem. Sa femme, Miche, m’accueillit et m’installa avec deux ou trois jolies jeunes femmes dans le living, coquet avec une mezzanine qui fait le tour de la pièce. Comme on le fait encore souvent, on avait regroupé quelques demandes d’interviews et m’entouraient des journalistes de magazines féminins, belles comme il se doit et qui m’intimidaient. Madame Brel nous prévint que Jacques était rentré tard dans la nuit et qu’il faudra que l’on patiente.

Vingt minutes plus tard, apparût à la mezzanine l’artiste… en peignoir. Il nous interpella, s’excusa, il venait de se réveiller et allait se dépêcher. Il regarda qui l’attendait et vit évidemment ce parterre de jolies filles et moi. Il se ravisa et annonça qu’il viendrait tout de suite et il se mit à descendre l’escalier en peignoir… mais comme il était provocateur, il le laissa entrouvert et est complètement nu en dessous. Les filles riaient, j’étais le plus gêné, rouge pivoine ! Elles devaient en avoir vu d’autres, mais moi pas. De plus, il s’est assis près de moi et voulut commencer par mon interview. J’enregistrai, mais j’étais mal à l’aise. Heureusement, je pouvais le laisser présenter les disques qu’il avait choisis : Brassens, Trenet, Nougaro et Gainsbourg dont les premiers disques étaient récents, mais aussi de la musique classique…

Ici je dois vous raconter deux choses :

La première est que la voix est ce qui nous trahit le plus : Or, la peur rendait ma voix détimbrée… A un moment, au milieu de l’interview, Jacques Brel me dit : « Dites, Monsieur, vous ne dites pas grand-chose ? » Je répondis d’une voix de tête « Non » Il continua : «  Je ne vous fais pas peur au moins ? » Je m’entendis répondre « Si, un peu ! »

La deuxième est que lors de son choix de musique classique il me bluffa ! Il avait choisi Paul Dukas, Maurice Ravel, un extrait du Concerto de la main gauche, mais le largo dans la version de Samson François, pas une autre, etc. J’étais scié, sidéré : un chanteur, dit de variétés, connaissait donc tout cela ! Il ne fallait dès lors jamais coller des étiquettes, ni se fier aux apparences ! Cela fut comme un électrochoc. Si les personnes que j’interviewais connaissaient tout cela, il fallait que j’étudie tout cela aussi ! (Plus tard, je sus qu’ils n’étaient pas si nombreux finalement dans ce cas !)

Je suis sorti de chez Brel, me suis rendu dans la première grande librairie que je connaissais, et j’ai acheté dans la collection « Que sais-je ? » tout ce qui musicalement m’était assez étranger. Sans me douter encore que « Que sais-je ? » était la devise de Montaigne. Ces livres sont toujours dans ma bibliothèque : le solfège, l’opéra, l’opérette, la musique classique française, etc. Pendant deux ans environ, tous les soirs où c’était possible en semaine (j’étais fiancé et je ne la voyais que le WE, pas encore marié – car il fallait attendre que passent les six premiers mois du service militaire) je lisais, prenais des notes comme à l’école – ce que je fais toujours aujourd’hui – et j’écoutais sur mon Teppaz les 33 tours que je pouvais emprunter à la discothèque de programmation de la RTB…

Et à propos de Brel, je vous confirme que sur la fiche « Jacques Brel – « Le caporal Casse-Pompon » et « Au suivant », il y avait la trace d’un grand cachet noir : « censuré – interdit d’antenne ». Dans « le caporal Casse-Pompon » on entendait le mot « baise » et dans « Au suivant » le mot « Bordel ». 

Au début, il y eut Brel !



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