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Les pièges et limites du pacte d'actionnaires

Publié le 19 avril 2017 par Martinez

businessfinance Ce billet a été écrit par Loic LE GOAS, CEO de LegalVision.fr et ancien avocat.

Les pactes d'actionnaires, émanation de la liberté contractuelle, sont un outil prospère en droit des sociétés. Et pour cause : ils sont gage de flexibilité face à la fréquente rigidité des statuts et permettent d'organiser au mieux la répartition du pouvoir et l'équilibre financier au sein de la société. Cependant, ce n'est pas un acte juridique infaillible : prenez garde à sa rédaction et à ses effets !

  • Qu'est-ce que le pacte d'actionnaires ?

Le pacte d'actionnaires (ou pacte d'associés dans les sociétés à parts sociales) est un acte juridique extra-statutaire, signé par une partie ou la totalité des actionnaires, ayant pour objectif de complémenter les statuts voire de réglementer d'autres aspects de la vie de société. Les relations entre actionnaires sont au cœur de l'acte : il s'agira de prévenir les conflits et de veiller à la répartition du pouvoir et des intérêts financiers.

Le pacte d'actionnaires se distingue des statuts à plusieurs égards, et notamment : il n'est pas publié, la violation de ses dispositions ne peut aboutir qu'au versement de dommages-intérêts, il ne s'impose qu'à ses signataires, et sa modification requiert l'accord unanime des signataires.

Le pacte est un instrument utile pour organiser les relations entre associés et ainsi éviter les situations de blocage. Il est souvent utilisé lors des opérations de reprise d'entreprise, mais également à l'occasion de l'entrée au capital d'investisseurs dans le cadre du capital-investissement. Dans cette hypothèse, l'opération permet de répondre au besoin de capitaux propres de la société : à cette occasion, il est souvent demandé aux dirigeants et actionnaires majoritaires de prendre un certain nombre d'engagements matérialisés par un pacte d'actionnaires.

Il faut rester vigilant face à deux types d'écueils que le pacte est susceptible de générer : d'une part, le pacte peut voir son efficacité limitée par une rédaction fragile. D'autre part, le pacte peut être source de pièges pour ses actionnaires.

  • Pacte d'actionnaires : de l'importance de sa rédaction

Le pacte d'actionnaires permet essentiellement d'anticiper les conflits pour éviter les paralysies au sein de la société : il faut être particulièrement vigilant à sa rédaction pour garantir sa pleine efficacité. Ainsi, les clauses imprécises sont à oublier : elles créeraient davantage de contentieux par le doute qu'elles pourraient générer ! Il est vivement conseillé de prévoir une procédure précise pour chaque événement ou conflit susceptible de survenir.

Parallèlement, les clauses trop rigides sont à bannir de votre pacte, puisqu'elles provoqueront des situations qu'elles sont pourtant censées éviter : des blocages ! Laisser une certaine souplesse permet d'être sûr de parer à toutes les situations.

Enfin, il faut absolument éviter d'introduire des clauses pouvant faire l'objet d'une interdiction, qui neutraliseront l'efficacité de votre pacte : c'est le cas par exemple des clauses léonines ou purement potestatives, et celles interdisant aux actionnaires d'agir en justice.

  • Le pacte d'actionnaires, une source possible de pièges pour ses signataires

De manière plus générale, le rédacteur dudit pacte n'est pas le seul à devoir redoubler de vigilance : l'actionnaire ou le dirigeant qui se voient proposer un pacte d'actionnaires ne doit pas le signer les yeux fermés. C'est particulièrement vrai quand l'investisseur impose la rédaction d'un pacte à son entrée dans le capital. Le dirigeant doit par exemple veiller à ce qu'il ne soit pas entravé dans la gestion quotidienne de l'entreprise, et être vigilant aux conditions de sorties imposées par les dispositions du pacte. L'actionnaire quant à lui doit pouvoir négocier voire refuser certaines clauses pour éviter les abus. Il est fréquent en effet que les capital-investisseurs imposent toute une batterie de clauses contraignantes pour se protéger.

C'est le cas des clauses antidilutives, dites aussi « clauses de ratchet » : elles permettent aux investisseurs de se protéger contre la baisse de valorisation de la société pour éviter une dévalorisation de leur investissement. Il leur est alors possible d'augmenter le pourcentage de capital détenu dans la société proportionnellement à la baisse de la valorisation. Les investisseurs voient ainsi leur participation maintenue à l'occasion d'une nouvelle levée de fonds basée sur une valorisation de la société inférieure à celle retenue lors de leur souscription.

On trouve aussi la clause de liquidation préférentielle : en application du principe « last money in, first money out », on privilégie, dans l'hypothèse d'une liquidation, d'une cession ou d'une fusion, les derniers actionnaires arrivés. Concrètement, la clause permet à l'investisseur de jouir d'une valorisation majorée de sa participation, en réduisant parallèlement celle des actionnaires initiaux. Il en existe de nombreuses variantes.

La clause de bad leaver est particulièrement emblématique, comparée à une épée de Damoclès sur la tête du dirigeant : elle vise à prévoir le rachat des titres de celui-ci, sous forme de promesse de vente au profit des autres actionnaires, lorsqu'il cesse de façon fautive ses fonctions. C'est une mesure sanctionnatrice puisque le prix de rachat, déterminé à l'avance, sera considérablement amoindri par rapport à la valorisation du marché. A noter que des clauses de good leaver peuvent organiser le départ amiable et autorisé du dirigeant.

Les clauses de protection soumettent la prise des décisions pouvant diluer l'investissement ou diminuer la valeur de l'actif à l'accord préalable d'une classe d'investisseurs.

Il existe de multiples autres clauses vectrices de pièges pour les signataires du pacte : clause d'inaliénabilité, clause de claw back, clause de transfert... Il est donc particulièrement important de soigner la négociation, voire de faire appel à un professionnel qui saura identifier les pièges potentiels.

  • Pacte d'actionnaires : il est toujours possible de le modifier !

Le pacte d'actionnaires répond au droit commun des contrats : pour le modifier, il faudra obtenir l'accord de tous les signataires et procéder à un avenant. Le formalisme est donc simple et, en principe, la modification du pacte n'entraînera aucun coût, sauf en cas d'intervention d'un professionnel du droit. Compte tenu des limites et des risques entourant le pacte d'actionnaires, il est d'ailleurs vivement conseillé de se faire assister lors de la rédaction de cet acte.


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