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Le sel de l'histoire, de Laurence Deonna

Publié le 20 avril 2017 par Francisrichard @francisrichard
Le sel de l'histoire, de Laurence Deonna

De septembre 2000 à décembre 2001, chaque quinzaine, Laurence Deonna  a écrit des chroniques, dans La Tribune de Genève, sous le label Papier Mâché. Ces chroniques viennent d'être réunies dans un recueil quasiment sans modification.

En préambule l'auteur se décrit assez bien en chroniqueuse: une femme qui philosophe sur l'état du monde depuis chez elle et si possible sans trop moraliser, poil à gratter et rebrousse-poil recommandés...

Dans ces vingt-sept chroniques, qui ne sont pas sans sel, Laurence Deonna parle de beaucoup de choses et de manière qui peut effectivement être urticante pour celles ou ceux qui ne sont pas de son avis ou leur rebrousser le poil. 

Laurence Deonna n'aime pas les religions et c'est son droit. Elle les critique et c'est son droit. On est aussi en droit de relever quelques inexactitudes relatives à la religion catholique et à la religion orthodoxe.

Dans sa chronique du 14 septembre 2000, elle montre qu'elle ne connaît pas la distinction entre béatification et canonisation... Puis elle reprend à son compte l'expression employée par Le Monde du 2 septembre précédent:

Marie qui conçut sans péché

Or il ne s'agit pas de cela du tout: de tous temps, bien avant Catherine Labouré évoquée par Le Monde, bien avant que le pape Pie IX ne proclame le dogme de l'Immaculée Conception, il s'est agi de la conception de Marie et non pas du Christ. Il faudrait donc dire plutôt:

Marie conçue sans péché

De même Laurence Deonna n'a-t-elle pas cherché, dans le même article, à savoir pourquoi le tsar Nicolas II avait été canonisé par l'Église orthodoxe russe. En fait il a été considéré par elle comme strastoterptsy, c'est-à-dire comme ayant accepté la mort... en chrétien, ce qui ne signifiait pas approbation de la répression sanglante du dimanche 9 janvier 1905...

Laurence Deonna a bien sûr raison dans d'autres chroniques de dire qu'au nom de Dieu des Américains, chrétiens pourtant, ont commis beaucoup de crimes (28 septembre 2000) ou que des musulmans, appliquant le Coran à la lettre, se croient encore investis aujourd'hui de la mission de mettre à mort des apostats (21 juin 2001).

Comment ne pas être d'accord non plus avec elle quand, à la fin de sa chronique du 15 mars 2001, qui commence pourtant par un débinage (guère convaincant) de la poupée Barbie mais qui se continue par une recension du livre de Jacques Secrétan, Condamné à mort au Texas, elle conclut:

Des Chrétiens jetés aux lions dans les arènes de Rome, aux électrocutés des glauques pénitenciers américains, en passant par la guillotine de la Révolution française, dont le sang giclait sur les mailles des tricoteuses venues zyeuter le spectacle, l'humain est un voyeur incurable.

Dans sa chronique du 11 octobre 2001, Laurence Deonna écrit à propos des atteintes aux libertés individuelles aux États-Unis, et notamment à la liberté d'expression, après les attentats du 9/11, ces paroles fortes, qui pourraient tout aussi bien s'appliquer à l'actuel état d'urgence en France:

Vous me direz que je n'y comprends rien. Que la démocratie, la liberté d'expression, c'est pour quand tout va bien. Pas maintenant que ces affreux terroristes nous terrorisent !

Des copies de ces chroniques qui s'en étaient allées depuis bien longtemps emballer les salades du marché ont été redécouvertes par l'éditeur en 2016 dans la mansarde qui sert de bureau à la chroniqueuse. L'éditeur a eu raison de les publier en volume parce qu'elles sont, quoi qu'on en pense, l'expression d'un sacré tempérament.

Laurence Deonna, féministe de la première heure n'a en effet pas sa plume dans sa poche et ne manque pas une occasion de sortir son drapeau, pardon, sa petite musique de combattante des années 1970. Et, comme elle le fait avec talent, le lecteur ne peut pas lui en vouloir de s'être ainsi défoulée régulièrement dans le quotidien genevois.

Francis Richard

Le sel de l'histoire - Chroniques, Laurence Deonna, 120 pages L'Aire


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