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Flore Hazoumé : Je te le devais bien

Par Gangoueus @lareus


Je te le devais bien, roman de Flore HazouméJ’aime le répéter, Flore Hazoumé a produit toute son oeuvre littéraire depuis Abidjan en Côte d’Ivoire. Dans l’inconscient collectif francophone du Sud, un texte, une production littéraire doit forcément être marqué du sceau de l’édition et des circuits de distribution du livre en France...
Il y a une explication à cela. Structurellement, les maisons d’édition locales africaines manquent cruellement de moyens et, dans une moindre mesure, de rigueur pour accompagner l’enfantement d’un projet littéraire. Cela se ressent donc souvent dans la qualité des oeuvres littéraires et naturellement biaise les discours que véhiculent la production littéraire africaine dans son ensemble.
En ayant précisé ce point, on peut observer des oasis dans le désert aride du monde du livre en Afrique francophone. L'éditeur Les classiques ivoiriens,  travaille à la promotion de plumes authentiques comme Mahmoud Soumaré ou Flore Hazoumé. Ces expériences denses promettent l’émergence de nouveaux auteurs avec des textes que l’on espère lire très prochainement.Flore Hazoumé écrit un texte magnifique sur l’histoire familiale des Hazoumé. Fille d’un intellectuel béninois basé au Congo, la violence politique qui s'invite aux lueurs des indépendances va remettre en cause le socle stable d’une famille. Les Trois Glorieuses vont maintenir cet homme loin du pays et de sa famille. Flore Hazoumé a pris le temps de recueillir le témoignage de sa mère sur ces épisodes qui remontent à sa tendre enfance et pour produire ce récit touchant sur le parcours d’une femme que le destin n’aura pas épargné. Paul Hazoumé réussit à exfiltrer sa famille du Congo pour la France. Son épouse est analphabète et ne maîtrise pas la langue de cette terre d’accueil où elle doit élever ses enfants en l’absence d’un mari aimant, secret en constant déplacement.
Le face à face entre la mère et la fille est remarquable.
Il permet de revisiter ensemble, toutes les deux, ces moments douloureux et de mieux mettre en exergue


Flore Hazoumé, écrivaine ivoirienne

Flore Hazoumé - DR Gangoueus

le combat d’une femme seule à une époque où l’immigration colorée ne court par les rues de France. Ce récit nous donne d’entrer dans ces familles traitées avec mépris par les vainqueurs pour ne pas dire les putschistes de la première heure. Spleen, dépression, rejet, incompréhension, un témoignage étonnant d’une femme au foyer qui nous conte une histoire congolaise différente et évoque une difficulté de trouver une place dans un autre pays. Flore Hazoumé, le devait bien à sa mère dit-elle. Un événement dans le livre explique cette phrase magnifique qui traduit la reconnaissance et une forme de culpabilité, mais qui est avant tout l'hommage que nous devons à nos parents.
Extrait : 
 « Après avoir délégué la surveillance des plus petits à sa grande fille, la mère s’allongea sur le lit. Elle ferma les yeux. Elle avait du mal à calmer le rythme saccadé de son coeur . Une angoisse oppressait son être. Ce n’était pas forcément la rencontre avec des mondes inconnus, avec cet avenir incertain qui brisait son coeur. Ce qui lui semblait insoutenable, révoltant et qui lui faisait battre la chamade, c’était l’irruption d’un monde extérieur dans sa vie, l’intrusion de la violence des hommes et de leur politique dans sa vie. Elle a rencontré un homme. Elle l’a aimé. Il l’a aimée également et elle l’a suivi. »
 P.39 Je te le devais bien. Editions Classiques ivoiriens

Flore Hazoumé, Je te le devais bien

Editions Les classiques ivoiriens, première parution en 2012
Trois glorieuses : Mouvement insurrectionnel et syndical initié le 13, 14 et 15 Août 1963 ayant conduit à la chute de l'Abbé Fulbert Youlou, premier chef d'état de la république du Congo.

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