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Les mots d’Amazon contre ceux de Facebook

Publié le 17 mai 2017 par Pnordey @latelier

Acte 1 de son histoire pour Amazon, Acte 2 pour Facebook : leurs charismatiques patrons racontent-ils des histoires opposées ? Pas si sûr. Décryptage.

Les deux patrons les plus charismatiques des Gafa, Jeff Bezos, d’Amazon, et Mark Zuckerberg, de Facebook, viennent de se livrer à distance à une petite guerre des mots qui veut dire beaucoup sur leur vision de l’avenir de leurs propres entreprises. Chacun vient de s’adresser à ses différentes parties prenantes, actionnaires, salariés, partenaires, investisseurs, de façon quasiment opposée. Jeff Bezos, dans sa traditionnelle lettre annuelle aux actionnaires, a écrit en substance : « Nous ne sommes pas au Jour 2 d’Amazon. Nous en sommes toujours au Jour 1, nous sommes toujours une start-up, nous devons toujours rester agile, être prêt à faire évoluer notre business model, nos activités et nos services, continuer à investir. »

Eviter l’embourgeoisement

Son objectif est clair : maintenir l’entreprise et ses actionnaires sous tension. Pour lui, le Jour 2, c’est l’embourgeoisement, le risque de se reposer sur ses lauriers, le début de l’inertie, de la stagnation, quasiment le début du déclin. Mark Zuckerberg, de Facebook, vient, lui, de raconter une toute autre histoire. Il vient de dire à la conférence des développeurs Facebook que c’était la fin de l’Acte 1 de l’entreprise et que l’Acte 2 commençait, notamment avec la réalité augmentée et la généralisation des modalités de type Snapchat.

Les deux plus disruptifs

Pourquoi cette opposition ? D’autant qu’elle concerne les deux Gafa les plus disruptifs du moment. Il ne se passe pas un jour sans que Facebook ou Amazon n’annoncent une nouvelle initiative, un nouveau projet, une nouvelle expérience, à grand coup d’intelligence artificielle ou de drones. Google et Apple sont dans une communication devenue plus institutionnelle, moins foisonnante. Ils ont pris l’habitude d’événementialiser leurs prises de parole. Facebook et Amazon sont plus agressifs. Et ils représentent les deux business model, l’un sur les contenus partagés, l’autre sur le e-commerce, les plus mobiles et les plus porteurs du moment.

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Amazon est encore un nain

Ils auraient donc une vision totalement contraire de leur avenir respectif ? Pas si simple. Cette opposition pourrait bien n’être qu’apparente. Quand Jeff Bezos dit qu’Amazon en est encore à l’Acte 1 de sa vie, il prévient les investisseurs que l’heure de la distribution massive de dividendes, à la Apple, n’est pas pour aujourd’hui ni même pour demain.

Il indique ainsi que pour continuer à jouer les premiers rôles dans le commerce occidental et pour tailler des croupières aux distributeurs traditionnels, les Wal-Mart, Tesco, Carrefour qui représentent encore 90% du marché des ventes aux particuliers, il va falloir mettre les bouchées doubles, investir, développer de nouveaux services et de nouvelles technologies.

Dans la catégorie e-commerce, Amazon est clairement leader en occident. Mais si on l’élargit au commerce en général, il n’est encore qu’un nain. Le chiffre d’affaires mondial de Wal-Mart, première entreprise du monde en la matière, approche les 1000 milliards de dollars, presque dix fois celui  d’Amazon.

Comment monétiser le partage des contenus

Facebook, de son côté, s’est installé comme un leader mondial des audiences et des contenus, donc comme le grand leader des contenus partagés. Reste à monétiser tout cela. Facebook a déjà effectué des grands pas dans cette direction, et des pas variés, sans doute plus que Google qui reste surtout assis sur sa cagnotte des Google Ads, les publicités contextuelles liées à l’audience. L’entreprise de Mark Zuckerberg ne cesse de rechercher et proposer de nouveaux formats et tente de mettre en place des passerelles pour permettre de passer à l’acte d’achat directement sur son site. C’est tout l’enjeu de Facebook : devenir à son tour un site de commerce.  Car le commerce, c’est le nerf de la guerre, y compris sur Internet. Si vous ne parvenez pas à en faire, vous devenez comme Twitter : une super audience mondiale mais une incapacité à la monétiser convenablement. Vous êtes plus un service public - on parle d’un projet de création d’une fondation Twitter qui a conclu récemment cependant une alliance avec Bloomberg dans le domaine de la vidéo - qu’une société à but lucratif.

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Storytelling

Facebook est en train d’avancer rapidement vers le renforcement commercial de son business model. Pour cela, il faut les technologies adaptées, celles qui permettent de conserver le visiteur puis de le transformer en acheteur. C’est ça l’Acte 2 de Facebook. Voilà pourquoi Jeff Bezos et Mark Zuckerberg ne disent pas le contraire l’un de l’autre. Ils sont tous les deux à la recherche du leadership et du meilleur business model. Mais ils ne viennent pas des mêmes univers et racontent donc d’une façon différente le moment actuel de leurs histoires respectives. Derrière cette différence de storytelling se cache en fait la même ambition… et la même volonté de domination mondiale.


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