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Antoinette Tidjani Alou : On m'appelle Nina

Par Gangoueus @lareus
Auteur de l'autofiction On m'appelle NinaLes haoussa l'appelle Nina. Son prénom Vilhelmina est tout simplement imprononçable. Le "V" n'existe pas dans la langue ouest africaine du mari de la narratrice. Elle sera Nina. Cette auto-fiction démarre donc sur cette incompréhension fondamentale, cette impossibilité symbolique d'être correctement perçue, la nécessité d'une composition pour une femme venue des îles, de la Jamaïque pour être précis en passant par Paris. 
Elle commence cette narration sur ce dilemme, cette question de l'identité qui est redéfinie par l'autre et dans son incapacité à vous saisir dans votre complexité ou dans votre globalité. Le propos de la femme étrangère est intéressante puisque dès le début si elle se questionne sur la manière dont elle est appelée en se renommant elle-même, elle renvoie les Nigériens au mouvement de ce pays qui lui même n'est pas forcément immuable dans son ancrage culturel et connait des influences de l'est "islamique". Cette femme nous livre sa construction, son processus d'intégration dans ce pays dans lequel elle vit depuis plus d'une vingtaine d'années. Elle porte un regard parfois sévère, sans complaisance sur ce qui pourrait paraître absurde sur certains us et coutumes de ce pays du Sahel. Dans cette phase de la narration me renvoie au roman de Khadi Hane, Des fourmis dans la bouche tant il porte le malaise sinon la colère de la narratrice que l'on voudrait plus nigérienne que les autres...
Je m'appelle par  d'autres noms encore; des noms secrets de mon baptême de feu, de mes jours de cendres. Je ne suis pas une héroïne, mais je ne suis pas non plus la chose d'autrui. Peut-être ne sont-ce là que des histoires d'une femme folle qui se nommerait grand écart. Qui se tiendrait tendue, distendue, entre l'ici et l'ailleurs, choisissant le tout comme la sainte. Sainte Thérèse. Mais je ne suis pas une sainte; ma vie ne consiste pas à faire des choses ordinaires d'une manière extraordinaire. Mais elle consiste à adorer les histoires et à en raconter. Mal. Mais quand même. Car sans histoires, j'aurais fait naufrage dans les sables brûlants d'ici.
p.11 On m'appelle Nina. Ed. Présence AfricaineAntoinette Tidjani Alou :  On m'appelle NinaTidjani Alou évoque la possibilité de partir, non parce que l'idée lui a traversé, mais parce qu'une autre femme des îles s'est barrée en douce avec ses enfants, sacrilège dans ces sociétés patriarcales. Et d'une certaine manière, ces descriptions me renvoient au regard des femmes étrangères au Congo avec le soupçon venimeux distillé à petites doses que les enfants de ces dernières n'appartiennent pas réellement au clan... Mais revenons à l'auto-fiction d'Antoinette Tidjani Alou et à la narration de Nina qui parle de la difficulté de communiquer avec son conjoint lui-même pris entre la posture de l'épouse et celle de la société qui est régie par des jeux de relations, de services rendus et de filiations qui peuvent paraître incompréhensibles pour toute personne étrangère.
Mais ne nous trompons pas de sujet. Un chiffre est donné : 5962 jours. Un enfant bleu. Un bébé né avec une malformation dans son système vasculaire dans un pays pauvre où les conditions sanitaires comme dans la majorité des pays d'Afrique subsaharienne sont dans un état déplorable. La petite fille nommée Leïla survit grâce une évacuation sanitaire. Mais le lecteur sait qu'un compte à rebours a été lancé... Oui, le texte exprime une douleur couchée sur ce texte qui ne doit pas être compris comme un regard méprisant sur la société nigérienne mais un pays dont, comme elle l'a dit avec beaucoup d'éclats au Salon Africain du livre de Genève, elle a embrassé les tares. Le final de ce roman prend une forme poétique avec les visitations de Leïla ou cette déclaration d'amour pour cette terre du Sahel.
Cette auto-fiction dans le fond nous parle d'une histoire d'amour. Celle de Nina et d'Ali. Mais faites vous votre idée.
Antoinette Tidjani Alou, On m'appelle NinaEditions Présence Africaine, première parution en 2017 

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