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La Foodtech fait recette !

Publié le 24 mai 2017 par Pnordey @latelier

Plus rapide, plus efficace, plus saine, plus conviviale ou plus originale… Notre manière de nous alimenter est progressivement transformée par la technologie. Retour sur les tendances les plus marquantes.

Food Tech. Depuis quelques années, le mot est sur toutes les lèvres. Hier encore, Frichti, la start-up parisienne de livraison de repas, a bouclé une troisième levée de fonds de 30 millions d'euros. Mais au-delà du phénomène de mode qui entoure la tendance, quel est le véritable intérêt pour le consommateur ? Quels sont ces changements technologiques qui impactent réellement notre manière de nous alimenter ? Agathe Foussat, analyste stratégique à L’Atelier BNP Paribas North America et auteur d’une étude à venir sur le sujet, répond à ces questions.

« Les nouvelles générations cuisinent un peu moins mais cela ne veut pas dire qu’elles n’apprécient pas être derrière les fourneaux ou manger sain, on a simplement moins le temps aujourd’hui et on a moins appris à cuisiner, donc on a davantage besoin d’aide en cuisine », remarque l’experte. Applications, appareils connectés, expériences disruptives... Toute une palette d’innovations répond désormais à ces besoins.

Une préparation plus conviviale et plus efficace

Dans la cuisine, deux types d’innovations accompagnent le consommateur qui souhaite préparer un bon repas. Les premières sont « les applications mobiles de recettes comme Yummly ou Tastemade qui forment des communautés d’entraide pour réussir son plat, cuisiner des légumes perdus, retrouver d’anciennes recettes, des spécialités régionales… Ce sont des modèles qui fonctionnent bien alors qu’ils reposent sur les particuliers qui les animent ». Selon Agathe Foussat, c’est cet échange, ce partage, qui fait recette.

Les secondes, les appareils connectés, peuvent aider à réaliser un plat savoureux. « C’est fait pour faire gagner du temps, et cela permet d’être plus précis. Entre les applications et les fours, grills et autres autocuiseurs connectés, cela devient difficile de rater son repas », s’amuse l’analyste. Avec les fours intelligents June par exemple, difficile de brûler son poulet ou de servir des pommes de terre crues. Les cuiseurs d’aliments sous-vide Cinder ou encore ceux d’Anova permettent également de cuire à la bonne température et de savoir quand c’est prêt. « La cuisine sous-vide est une nouvelle tendance qui permet de préserver la valeur nutritive des aliments qui peuvent être cuits sans graisse de cuisson, à l’eau », explique-t-elle. « Pour la cuisson, suivre en temps réel l’évolution, la température, savoir quand retourner le steak par exemple, est un vrai plus. »

Mais ce n’est pas toujours le cas. Agathe Foussat reconnaît que l’avantage technologique est surestimé pour certains objets connectés. La récente polémique autour de la machine pour presser fruits et légumes Juicero, l’illustre. « L’idée était bonne, il suffisait de scanner en amont les sachets de fruits ou légumes de la marque pour être prévenu des dates de péremption et de les mettre dans l’appareil pour obtenir le jus. Sauf qu’on s’est rendu compte qu’il était possible de presser le sachet à la main. » La valeur ajoutée de la machine s’en trouve donc réduite, tout comme l’attractivité de cette entreprise qui avait réussi à lever 118,5 millions de dollars. Pourtant, cet appareil connecté comme les précités répond à un autre besoin des consommateurs : celui de manger plus sain.

Des aliments meilleurs pour la santé et mieux tracés

64% des Américains essayent de faire des choix alimentaires plus sains mais rencontrent des difficultés lorsqu’il s’agit de savoir quoi et quelle quantité manger, si l’on en croit Nima, une entreprise de scanners alimentaires. Manger plus sain passe en effet aussi par une meilleure connaissance des aliments et de leur provenance. « Pouvoir préparer un repas bon pour la santé, plus vite et plus simplement font partie des priorités des consommateurs mais la transparence est l’élément primordial. Il ne faut pas oublier que dans la foodtech on parle de produit que l’on ingère, le consommateur a donc besoin de tout savoir dessus. » Pour l’experte, le sujet est vraiment sensible : « on a laissé faire avec les OGM et cela a eu des conséquences néfastes, le retour en arrière est difficile ». C’est une des raisons pour lesquelles le consommateur a besoin de connaître l’impact sur  sa santé à long terme. Dans ce contexte, les start-up qui réussissent à tracer les aliments - comme Kakaxi « qui permet par exemple au cultivateur et au consommateur de suivre une fraise de la plantation à la récolte » - semblent prometteuses.

« Aux Etats-Unis, les lois ne sont pas les mêmes qu’en France, où les informations sur l’origine des produits sont souvent plus accessibles aux consommateurs », rappelle Agathe Foussat. Les scanners alimentaires apparaissent alors comme une solution pour les Américains, à condition que la technologie fonctionne. Ils permettent de savoir ce que contient une assiette, combien de calories ou encore s’il y a un risque d’allergie.

À force de vouloir s’assurer de la qualité des produits, certains en sont venus à choisir de les produire eux-mêmes, dans leur cuisine. « C’est la nouvelle tendance aux Etats-Unis, plusieurs start-up se sont lancées sur ce créneau et proposent de faire pousser des petits légumes et des petites herbes chez soi. » Agathe Foussat cite notamment Click and Grow ou Sproutsio.

Ce qui explique ce déclic ? La croissance de l’obésité dans le monde et les nombreuses campagnes pour prévenir ce risque pourraient avoir sensibilisé une partie de la population à faire de l’exercice et prêter attention à son alimentation. San Francisco est ainsi devenue en quelques années l’un des temples du bien-manger, de la nourriture bio et du sans-gluten. Et aussi l’une des villes phares de la FoodTech, qui accueille par exemple le Future Food-Tech event.

La technologie transforme un repas en expérience originale

Dans l’hexagone, la tendance prend moins d’ampleur. Et ce serait en partie culturel d’après Agathe Foussat. « En France, on a tout un savoir-faire de cuisine traditionnelle, de cuisine du terroir. Des mots qui font « no-tech » et qui donnent l’impression qu’en ajoutant de la technologie, on dénature la beauté de la cuisine, alors que ce n’est pas forcément le cas. » Outre aider dans la préparation de la nourriture, la technologie peut participer à faire de l’alimentation une expérience en soi. « Avant, pour faire simple, on avait le choix entre manger chez soi ou au restaurant. Aujourd’hui on peut avoir un chef à domicile, ou qui aide en ligne, s’asseoir à la table d’inconnus... » L’éventail des possibilités s’élargit. Sorte de Airbnb du dîner,  EatWith ou Feastly permettent ainsi de transformer sa maison en petit restaurant le temps d’un repas avec des inconnus. Dans le même esprit, Traveling Spoon constitue une bonne opportunité pour les voyageurs de découvrir la cuisine locale, à domicile, et pour les habitants de recevoir des étrangers pour partager des spécialités culinaires.


The Feastly Experience from Feastly on Vimeo.

Et pour les pressés qui ne veulent pas perdre une minute avant de bien manger, la start-up Allset met à disposition une application pour réserver au restaurant, pré-commander et payer à l’avance. Le consommateur n’a plus qu’à mettre les pieds sous la table. « Aujourd’hui on veut avoir le choix mais il faut voir si cela va durer, on est souvent content de tester une nouvelle expérience mais on ne la répète pas forcément. Résultat, beaucoup d’entreprises ont changé de modèle pour être plus axées B2B ou ont fermé », précise Agathe Foussat. C’est le cas notamment de Kitchit qui avait pourtant levé 8,1 million de dollars pour connecter des chefs à des particuliers.

D’autres s’en sortent néanmoins, « surtout dans les appareils de cuisine connectés, Anova a même récemment été acquise par Electrolux », note l’experte. « Les produits adaptables à une cuisine classique sont intéressants parce qu’on ne va pas connecter toute la cuisine du jour au lendemain. » Mais quand on y viendra, les données qui en découleront vaudront de l’or. « Savoir quelles recettes sont les plus recherchées, quelles difficultés sont les plus communes en cuisine, sera une source d’information incroyable pour l’industrie agroalimentaire. Demain on pourra cerner parfaitement les attentes du consommateur et savoir quel plat proposer ou quel appareil mettre en avant. Reste à voir quel type de partenariats seront conclus avec les start-up. » Et plus il y aura d’utilisateurs d’appareils connectés et d’applications plus il y aura de données à disposition… de quoi créer un cercle vertueux et mettre du beurre dans les épinards de la Foodtech.


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