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(Note de lecture), revue "L'étrangère, Fernand Verhesen", Numéro 42, par René Noël

Par Florence Trocmé

VerhesenFernand Verhesen (1), 1913-2009, se voit et s'entend vers à vers, poète-relief, faisant toucher, vivre de l'intérieur les largeurs de vue de l'homme, de chacun d'entre nous fait de désirs antérieurs et de postérités, de sommes d'ancêtres et d'essais, de suppositions, d'initiatives, d'erreurs et de recommencements à blanc, une fois les oublis eux-mêmes devenus supports de mémoires improbables aux confins des cercles des commencements, autour de soi, matière espace-temps, rose des vents du temps où la vision de l'étendue réalise chacun, sa vie part des mots, à la croisée des époques et des cultures, du signe et du sens neufs proposant une vue large et actuelle de l'humain. Les terreurs et les abaissements, leurs critiques, du monde, sont incrustés dans sa poésie, sans qu'à aucun moment elle ne quitte les éléments de la nature, ne renonce à ses qualités, si bien qu'il y a là un paradoxe, une réalité qui au-delà des discours, signe une grandeur manifeste.
Catalyseur d'énergies, de Pierre Reverdy, René Char, Jacques Dupin, Bernard Noël, à Antonio Ramos Rosa, Antonio Porchia, Roberto Juarroz, Alejandra Pizarnik, et tous les poètes moins connus mais non moins vitaux des mêmes générations qu'il critique et traduit, avec lesquels il correspond, Fernand Verhesen continue à conduire - de la même façon que le cuivre, métal crucial de toutes les prothèses électroniques dont le seul défaut, mineur (sic !), serait quant à lui de réduire l'homme et les formes de vie créateurs d'analogies, au système binaire, et d'interdire tout ce qui diffère de celui-ci - à stimuler les poètes actuels. Il semble que le vingtième siècle sera venu à bout de tous les arts, excepté la poésie, Pierre-Yves Soucy cite ici, en exergue de son texte d'ouverture, Joseph Brodsky, lui-même ayant participé aux côtés de Verhesen au courrier, l'une des revues littéraires les plus essentielles de son époque, puis créé L'étrangère qui a pris le relais de celui-ci. François Rannou éclaire les profondeurs de l'essayiste Verhesen. Victor Martinez étudie la traduction de l'espagnol de poètes majeurs qui fait partie de sa poésie à part entière, Verhesen ayant une vision de l'acte de traduire moderne, reportant les rapports physique métaphysique au plan des langues, la verticalité et l'horizontalité, le rien et le tout à chaque mot - ce dont les lettres publiées en fin de volume témoignent, la minutie et la restitution forcément décalée entre l'original et la traduction se substituant aux généralités, aux théories globales - précisés, renouvelés. Pierre-Yves Soucy écrit dans une seconde étude les amplitudes, les générosités, les désirs de Verhesen qui vont là où le chant naît avant toute considération de reconnaissance, de célébrité, ainsi d'Olivier de Magny et Pernette du Guillet, voyant les alliés substantiels s'épauler, se stimuler tout au long des siècles. Il y a là offert au lecteur un univers où l'agencement des mots, la prosodie et la syntaxe, les rythmes, se choisissent et défont les refus de mouvement. Pedro Serrano publie un essai où l'importance des traductions de Verhesen, autant pour lui-même que pour le continent d'Amérique latine et centrale, est affirmée aux côtés d'Ezra Pound, Octavio Paz et John Ashbery quant à l'importance donnée à l'acte de traduire depuis le vingtième siècle. Des extraits de correspondance, un texte inédit et une encre sur papier de Verhesen, cette dernière figurant peut-être que le monde de Verhesen non seulement vit la modernité, l'atonalité, les plans des figurations et abstractions critiquées par tous les mouvements post-dadaïstes subversifs et les philosophes, dont Wittgenstein qu'il lit indique-t-il à Roberto Juarroz, mais aussi les rapports avec les arts d'Asie, du Japon, voisinent avec ces études.  
René Noël

1) Poète, traducteur, critique, pédagogue, éditeur, revuiste, essayiste, fondateur du Centre international d'études poétiques de Bruxelles
Revue L'étrangère, Fernand Verhesen, Numéro 42


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