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T'as pas l'air de t'en faire...

Publié le 30 mai 2017 par Gauchiste

On voit parfois des chômeurs qui semblent ne pas s'en faire. Peut-être même est-ce mon cas. Un chômeur qui semble avoir tout ce qui lui faut, même plutôt souriant, aimable. Un chômeur qui aurait l'air de ne pas s'en faire en somme.

Imaginons même un chômeur qui ne cherche pas de travail. Il ne subit pas les déceptions liées aux rejets de ses candidatures. Il n'a pas le stress de décrocher le téléphone 10 fois par jour pour tomber sur un secrétariat dont le seul but est de le tenir hors de portée de son interlocuteur. Imaginons qu'il n'ait pas l'angoisse de merder lorsque le téléphone sonnera.

On pourra même pour l'occasion faire comme si Pôle Emploi ne le convoquait pas pour faire des stages débiles et ne cherchait pas à le fliquer pour voir s'il cherche vraiment un boulot qu'il n'aura pas de toute façon. Imaginons qu'il ait le recul nécessaire pour supposer que le contrôle domiciliaire de la CAF dont il fait l'objet ne le soupçonne pas d'abuser du système, comme le font pourtant tous les responsables politiques pour lesquels il doit voter.

Imaginons encore qu'il n'ait pas à se projeter dans un univers où on l'obligera à travailler le dimanche, le soir, la nuit, pour rembourser un prêt étudiant. Croyons encore que les représentants politiques ne rivalisent pas de cruauté pour stigmatiser et mettre au pas les 6,5 millions de fainéant qui n'arrivent pas à trouver un emploi dans leur qualification. Imaginons qu'il n'ait pas le sentiment de se torcher avec son diplôme, imposé comme exigence sociale depuis son CP.

Faisons comme si l'argent n'était pas un problème pour lui. Il arrive à s'en sortir, même que parfois on le voit boire des coups en terrasse avec des amis. D'ailleurs il a un smartphone et une collection de vinyles dont il ne s'est pas (encore) séparé. Il regarde des séries téléchargées illégalement tous les jours. Non, vraiment, ça a l'air d'aller...

Mais quand bien même, les perspectives sont pitoyables : contrats précaires, visibilité à 2 semaines, formations de chômeurs pour Uber ou contrats à horaires éclatés. Un chômeur rencontre beaucoup de chômeurs, ça devient un système. Pas de retraite, pas de voyages, pas de vacances, pas de projets... et jugés en permanence pour leur inaptitude. Voilà le degré de liberté d'un chômeur. Est-on assez libres pour « ne pas s'en faire » ?

Évidemment que « ça va bien ». On fait tout pour aller bien. Pour ne pas avoir une sale tête devant les amis, pour qu'ils aient envie de nous revoir. Mais qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire « aller bien » quand on est stigmatisé aux infos, qu'on n'a aucune perspective et que le monde nous boude ?

Et dire qu'on déteste les pauvres à cause de ça, parce qu'ils se la coulent douce.

On dirait que ça va, t'as pas trop l'air de t'en faire !

Alors oui, ça va bien. Merci.


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