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Le Regard en (Bon) coin de Thierry Bouët

Publié le 14 juin 2017 par Savatier

Le Regard en (Bon) coin de Thierry BouëtLe photographe Thierry Bouët, qui fut jadis directeur artistique du studio Harcourt, s’est lancé un défi singulier : contacter des particuliers ayant publié des annonces sur le très populaire site Internet « Le Bon Coin » pour leur proposer de les immortaliser avec leurs objets mis en vente. De cette démarche, qui l’a conduit à parcourir la France, est né un livre tout à fait intéressant, Affaires privées (Editions Xavier Barral, 128 pages, 25€).

En soixante photos, l’artiste a réuni, avec beaucoup d’humour, les articles les plus insolites, les plus inattendus jusque dans leur banalité, que l’on n’aurait jamais imaginé trouver sur un site de revente en ligne. Un avion de tourisme jaune-poussin, un très kitsch aquarium artificiel avec ses (non moins artificiels) poissons, la perruque d’un sosie professionnel de Michael Jackson, un bar Belle Epoque, un casque colonial, une pierre prétendue magique, des ballots de foin, un manteau ayant appartenu à Maurice Chevalier, un yacht de 22 m ou des toilettes en porcelaine constituent, entre autres, cet inventaire à la Prévert. Il y manque, certes, un raton-laveur, mais un bélier d’Ouessant reproducteur le remplace au pied levé.

Le Regard en (Bon) coin de Thierry Bouët

Pris en plan large ou, plus fréquemment, en cadrage assez serré, chaque particulier est mis en scène par le photographe. Un grand-père mécanicien est ainsi saisi debout, dans une chaloupe à vapeur posée sur une remorque dans le jardin de son pavillon, le vendeur d’une paire de ski la promène d’un pas décidé dans une rue passante et ensoleillée (qui n’est pas sans rappeler la célèbre couverture de l’album Abbey Road), un homme à la jambe plâtrée pose sur son lit avec le calot de police militaire qu’il propose, une femme est enfermée dans une luxueuse cabine d’essayage aux airs de gigantesque cage à oiseaux, un homme scrute dans son télescope, non des planètes, mais plus probablement des passants ou des voisins.

Le Regard en (Bon) coin de Thierry Bouët

Chaque photo s’accompagne du texte de l’annonce tel que paru sur « Le Bon Coin », mais aussi d’un court récit expliquant l’histoire de l’objet et les raisons pour lesquelles le vendeur souhaite lui donner une nouvelle chance – autant de tranches de vie, généralement surprenantes ou franchement cocasses. La qualité de la composition photographique rend chaque image attachante ; au-delà de l’esthétique, se profile toutefois un document de portée sociologique.

Le Regard en (Bon) coin de Thierry Bouët

Le cliché le plus incroyable concerne sans doute un cercueil qui, précise l’annonce, « n’a jamais servi, sauf pour la décoration » ! Son propriétaire (au visage souriant, mais tout de même assez inquiétant), auquel il sert de siège provisoire, est ici en conversation téléphonique (avec l’au-delà ?). Sa grand-mère, explique l’artiste, qui l’avait acheté en prévision de son enterrement et venait de mourir, avait au dernier moment opté pour la crémation… Ultime information, l’objet était installé, précise la notice, dans une chambre d’amis « dans laquelle personne ne s’est jamais endormi » – pas même définitivement. On ne peut s’empêcher de penser ici à Sarah Bernhardt ou à Bela Lugosi (créateur de Dracula) qui, selon la légende, passaient leurs nuits dans un cercueil capitonné. Et on se prend à espérer que celui mis en vente sur « Le Bon Coin » a fini par connaître… une seconde vie.

Illustrations : Photos tirées d’Affaires privées, © Thierry Bouët.


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