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Lampedusa, aller simple, de Jacques Cesa

Publié le 16 juin 2017 par Francisrichard @francisrichard
Lampedusa, aller simple, de Jacques Cesa

L'écriture poursuit l'action, devient aide-mémoire pour la main qui dessine.

Cette phrase de Christine Tolck-Merçay, qui a relevé les carnets de Jacques Cesa, résume ce que contient le livre de ce dernier, Lampedusa, aller simple. Car ce livre est un recueil de notes écrites et illustrées par lui.

Jacques Cesa est artiste peintre. Il vit en Suisse, à Crésuz. Il est descendant d'immigrés italiens. Il ne peut rester indifférent à la crise migratoire qui a pris de l'ampleur en 2015 et aux drames humains qui la caractérisent.

Par deux fois, en 2015-2016, il s'est rendu à Lampedusa, l'île symbole de cette crise, son île étape la plus connue, depuis le naufrage, près d'elle, le 3 octobre 2013, d'une embarcation avec à bord environ 500 migrants clandestins.

Il s'est rendu à Lampedusa, île italienne située entre la Sicile et la Tunisie, traversant l'Italie du nord au sud, à contre-courant du flux migratoire, faisant étape dans les lieux où des migrants se trouvent ou ne font que passer.

Ces lieux de migration, ce sont des ports, des camps d'accueil, des gares, des terrains vagues, des rivages, des centres de tri, des douanes, des barbelés et des murs, comme l'écrit son ami Raymond Durous dans sa postface.

Ce livre n'a pas la prétention d'apporter des solutions: il raconte simplement, avec des mots, avec des dessins. Jacques Cesa qui a bon coeur ne peut retenir sa main gauche - il est gaucher - d'écrire et de dessiner, pour témoigner.

Il témoigne parce qu'il ne peut pas se taire après avoir vu de près, lors de ses deux périples, la misère des migrants rencontrés. Comme il éprouve beaucoup d'empathie pour eux, il se fait en quelque sorte leur porte-parole.

Parmi les dessins, il en est de tendres, comme celui de cette mère dont l'enfant fait corps avec elle; ou de durs, comme celui du pont d'une camionnette, sur lequel une dizaine de migrants sont alignés, les mains derrière la tête.

Parmi les dessins, il en est de symboliques, comme celui qui représente le naufrage du 3 octobre 2013, avec au milieu l'impératrice Placidia; ou de tragiques comme l'encombrement des épaves de Lampedusa qui forme une seule masse colorée...

Pendant ses deux séjours, Jacques Cesa fait de belles rencontres:

Les migrants croisés ici et là, entre la Gruyère, Rome et la Sicile; la musicologue et chanteuse Giovanna Marini, dans sa maison de Frascati et au Théâtre India; les soeurs de la Charité au Monteverde Vecchio; les frères Falco en Calabre...

Mais Jacques Cesa ne parle pas seulement avec compassion des migrants d'aujourd'hui:

Les premiers migrants, partis à la conquête de la Terre, exilés de l'Eden, sont Eve et Adam.

Gn 317-18

"Honnie est la glèbe à cause de toi.

... mange l'herbe du champ."

Jacques Cesa parle aussi des éternels migrants, qui, eux, font des allers-retours, en suivant la voie apprise depuis des générations: Le retour est planifié. Les oiseaux migrateurs suivent les constellations, qui deviennent des repères dans le ciel.

Francis Richard

Lampedusa, aller simple, Jacques Cesa, 256 pages Editions de l'Aire


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