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Les héros du col de Porte

Publié le 16 juillet 2017 par Philostrate

   Il y a 110 ans aujourd'hui, le 16 juillet 1907, le Tour de France faisait son entrée dans le massif alpin. Ce n'était pas la première fois que la Grande Boucle se hasardait en montagne et René Pottier avait prouvé deux ans plus tôt dans le Ballon d'Alsace que les coureurs pouvaient goûter l'air des cimes. Mais l'histoire du Tour dans les Alpes reste encore à écrire, lorsque Henri Desgrange décide d'en ouvrir le premier chapitre par l'étape Lyon-Grenoble, 311 kilomètres, avec franchissement des 1326 mètres du col de Porte en guise de lever de rideau.  

   Des vélos à pignons fixes d'un poids de 13 à 15 kilos, une ascension de 18 kilomètres, des routes de montagne poussiéreuses et le soleil de juillet qui tape comme le marteau sur l'enclume… : difficile d'imaginer aujourd'hui l'épreuve que doivent ce jour-là surmonter les hommes, qui pour la première fois relèvent le défi des Alpes. Sur les pentes du col de Porte, un petit groupe d'une demi-douzaine de coureurs se détache. Alors que la pente s'accentue, le duel se précise. Devant, Émile Georget joue les voltigeurs avec dans sa roue Gustave Garrigou, un petit gabarit taillé lui aussi pour ce genre de récital. La victoire au sommet semble devoir se jouer entre les deux hommes lorsque, comme sortie de nulle part, une silhouette massive revient dans leur sillage.

Emile Georget en 1911, source http://gallica.bnf.fr

Emile Georget en 1911, source http://gallica.bnf.fr

   François Faber, le colosse de Colombes, malmène sa Labor et joue si bien de ses cuisses d'hercule qu'il fond sur Garrigou comme un hanneton sur un criquet ! En le voyant revenir sur lui, le brave Gustave, épuisé par l'effort et la chaleur, se jette plus qu'il ne descend de son vélo, tourne sur lui-même puis s'affale les bras en croix dans le fossé. Georget et Faber poursuivent seuls la montée, mais menacent à chaque coup de pédale de s'effondrer à leur tour. "J'ai même senti, il faut que je l'avoue, que tous ces hommes avaient dépassé largement les limites de leur résistance. écrit le lendemain dans L'Auto du 17 juillet 1907, Henri Desgrange, patron du Tour et du quotidien sportif. J'ai senti comme un véritable remords, et, j'ai eu peur, très peur, d'avoir dépassé la limite."


   Temps béni où les organisateurs pouvaient encore faire "suer le forçat" en conservant un semblant de compassion ! Les poumons et les jambes en feu, les deux coureurs s'accordent une pause avant le final pour se rafraîchir à l'eau d'une source. Georget franchit le col le premier, puis gagne l'étape à Grenoble et poursuit dès le lendemain ses exploits de grimpeur. Faber, révélation de cette étonnante journée, justifiera sa gloire naissante en remportant la Grande Boucle en 1909. Garrigou, longtemps malchanceux, en fera de même deux ans plus tard, devenant l'heureux lauréat de l'édition 1911. En ce 16 juillet 1907, le col de Porte a accouché de champions et le Tour de France  pleinement justifié sa réputation de "plus grande course par étapes au monde"

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