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Jupiter ou Néron ?

Par Pseudo

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Attention jeune ami, tu n'as pas encore été sacré en la cathédrale de Reims. Tu n'es pas plus de droit divin, que l'on sache – ou alors il faudra nous présenter un extrait de naissance. Les temps ont changé depuis Louis XIV ; même abruti aux réseaux «sociaux» (sic), à la téléréalité et à BFM-TV, le peuple ne croit plus guère aux princes de sang...

Tu n'as même pas été élu si royalement que ça, avec tes 24 % de suffrages exprimés du 1er tour, et tes 66 % des exprimés du second tour – soit un peu plus de 20 millions de Français. Je te rappelle que tes sujets sont près de 67 millions... Ça fait pas mal d'adultes de ce pays, censément sans culture, qui n'ont pas eu l'heur de suivre ton panache blanc. Et contre une Marine Le Pen en plus, ce n'est pas très glorieux !

Sois sans crainte, on ne remet pas en cause ta légitimité : avec ou sans gloire, tu as été élu selon la Loi, et ta place au sommet de l'Etat est indiscutable. Et indiscutée (sauf pour Mélenchon bien sûr, mais son tropisme vénézuélien nous montre assez vers quel type de «démocratie» il penche).

Ta place est indiscutée, mais pas ton caprice. Ce n'est pas nous qui sommes honorés de t'avoir pour seigneur et maître, c'est toi qui dois te sentir grandi d'avoir été placé à la tête de cette nation millénaire et de son peuple – bien actuel, lui, et sans avoir eu besoin de t'attendre.

Le premier de tes devoirs, car c'est d'abord de devoirs qu'est faite ta charge et non de «bon plaisir», c'est la politesse. Va voir du côté de Buckingham, ou de la Zarzuela à Madrid, puisque le prurit impérial te démange, et observe les manières qu'un vrai monarque sait rendre à son gouvernement et à ses sujets...

Certes, une Elisabeth ou un Felipe ne dispose pas du centième des attributs que te donne la Constitution de la Vème République. Mais n'en déduis pas pour autant que tu es Jupiter ! Car ils sont «chefs des armées» eux aussi en leur pays... Et tu ne l'es pas plus.

N'imagine pas que ton insolence puisse apparaître comme la vertu de la jeunesse, quand elle s'adresse à des serviteurs de la nation autrement chevronnés que toi. Et qui ne font qu'assurer loyalement la mission qu'on leur a confiée. Tu seras un «chef», citoyen-président – puisque ce nouveau rôle semble t'avoir grisé comme un enfant dans sa cour de récréation – quand tu auras appris l'humilité et le respect de tes subordonnés.

N'emploie pas si goulument, si puérilement, ce mot de «chef» qui n'a pas de sens dans les milieux que ta jeune expérience t'a fait traverser jusqu'à présent. Sans doute es-tu passé trop vite de l'art de diriger (y compris des administrations centrales) à celui de «commander». On ne te fera évidemment pas le reproche d'avoir échappé à toute formation militaire – même si, que cela te plaise ou non, le passage dans une école d'officiers reste le viatique le plus courant pour devenir ce monarque dont tu tentes de jouer le rôle. Et cette initiation, ce «dressage» car cela y ressemble, te fera toujours défaut (Si au moins, dans ton brillant parcours universitaire, tu avais eu l'idée de faire l'X !).

Mais qu'importe ce déficit initial. D'autres novices avant toi ont eu aussi à endosser, sans préparation, de terribles responsabilités humaines, comme celles de mettre sur pied une armée, de la faire aller au combat, c'est-à-dire d'ordonner la vie ou la mort d'autres êtres humains. Et ils n'ont pas failli – toi qui loues Jeanne la Pucelle, tu devrais y être sensible.

Tu montreras peut-être une trempe identique, car tu apprends vite. Mais fais en sorte qu'il ne s'agisse pas pour toi de jouer une scène de théâtre de plus. Car c'est pour l'instant l'art où tu excelles le mieux. Reconnaissons d'ailleurs que jusque-là, tu as semblé faire un sans-faute (était-ce si difficile, après la pitoyable performance de François Hollande ?).

Mais en attendant, tu ferais bien de méditer les conseils du vieux maréchal de Belle-Isle (1684-1761) à son fils, lorsque ce dernier, freluquet n'ayant pour compétence que sa naissance, se vit confier le commandement d'un grand régiment.  

Tu n'as pas été élevé sur le pavois des guerriers. Par la force des choses, tu ne seras pas Jupiter non plus. Mais tâche de ne pas te caricaturer en Néron. En petit Néron.

(Illustration : Néron, peinture de Jan Styka, vers 1900)


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