Magazine Côté Femmes

Nous sommes les reines du silence

Par Claude Le Goff

j’avais les yeux coulants

déjà tu savais me lire

sans les mains

la lumière de ton visage

tracé d’avance

noir sur moi

ton regard de fille

black-out

sauf de toi

je t’ai pensée

les jours qui t’ont suivie

j’ai rêvé au mauve qui t’entoure

à la lueur de t’espérer

dans ma bouche

ton avance

aimer les filles

les aimer quand la nuit

bleu nous enveloppe

la lune nous recrache

notre indécence

sur le trottoir

tes avances traînent

au fond de mon mojitos

il y a la menthe verte

cristallisée

comme des feuilles de thé

je coucherai avec mes lendemains

et me réveillerai encore seule

*

j’ai l’innocence

sale et trempée

je sais

avaler les hommes

au rythme de mes hanches

travestir mes petites morts

en brassière noire

pour funérailles

me déshabiller d’eux

rose de tes seins

ton sexe qui fond

nos souffles se percent

dans mes pores

la jouissance s’est calée

je n’ai plus à crier

faire l’amour

arrêter de se pawner le corps

pour des caresses

de se clouer le sexe

avec leurs organes

de retenir sa langue

*

c’est la première fois

depuis la canicule

tu as taché mes poèmes

de blanc dehors et dedans

je te pense en cuiller

pendant que tu fais des anges

dans mes draps

le désordre de ma vie

je m’abrille de toi couchée

tes yeux ajustent mon corps

ferment la lumière

tu me vois

sur les murs de ma chambre

une tapisserie de baises

ton sexe n’est pas une fleur

orgasmes de bengale

tu incendies

*

dans le miroir

les yeux me renvoient

la pesanteur de ton regard

comme une méduse

tu me fais statue

je veux t’embrasser jusqu’à creuser

dans l’émail de tes dents

une place pour cacher avec la langue

tous les mots que je ne sais pas te dire

il me reste

les cendres des possibles

(nos baisers meurent toutes les fois

où tu ne t’enfouis pas entre mes lèvres)

j’ai envie

de dire je t’aime 

mais je ne te connais pas

je te reconnais

*

je me répète tes espaces

l’entre-deux nos rencontres

dans mon lit trop grand

j’ai envie de m’étendre

dans nos quotidiens

te parler la nuit

dans mes rêves trop

murmurer des bruits

te gémir la vérité

mes silences disent

avec toi contre moi

je me décompose

sous tes doigts

l’échine se cambre

me tordre de toi

entre mes cuisses

l’intime porte ton nom

*

the sound of silence

résonne dans le bar

je regarde tes lèvres

et j’imagine ta voix

pendant que les autres chantent

nous sommes les reines du silence

nous avons gagné

j’ai perdu

danse avec moi

s’il te plaît

*

la tête lovée

j’observe le rythme

de tes paupières impénétrables

je différencie ta couleur

même les yeux fermés

ta présence de soleil d’automne

traverse ma peau perméable

on sent la pelure d’oranges

assises dans ta cuisine

devant un café noir

j’ai rongé mes ongles

pour toi

c’est le lendemain

du lendemain de toi

je ne sais pas

comment t’écrire

approche

que je cesse

de t’inventer

© giuseppe palmisano / iosonopipo



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