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Pardon, Radiohead

Publié le 21 juillet 2017 par Storiagiovanna @StoriaGiovanna

Nous sommes le jeudi 20 juillet 2017, et je suis en état de choc. Je ne sais pas si c’est d’avoir appris dans la soirée le suicide de Chester Bennington, chanteur de Linkin Park, à l’âge de 41 ans. Alors oui, la qualité de leurs compositions est discutable, mais ce groupe a quand même bien influencé mes débuts d’études secondaires avec Hybrid Theory (2000) et le stratosphérique Meteora (2002).

Pardon, Radiohead
Bon, ceux qui ont vu la prestation du groupe au Download Festival au mois de juin 2017 rapporte quelque chose entre la moquerie et la torture auditive. Cela n’empêche qu’à l’instar de feus Max Gallo et Alain Decaux ont ouvert la voix à beaucoup d’historiens à l’heure actuelle, Linkin Park a été une porte d’entrée à une certaine frange d’un métal plus mélodique, et nous devons saluer à ce titre la mémoire de Chester Bennington.

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Bouleversée par cette nouvelle, je me suis mise à regarder en replay le concert de Radiohead au Lollapalooza de Berlin en 2016 diffusé samedi 15 juillet sur Arte. Je pensais me retrouver dans une ambiance chiante ou mortifère. Et mon Dieu, qu’est-ce qui se passe ? J’écoute du free jazz, des chansons incarnées, menées par un groupe incarné et un Thom Yorke à rebours de l’apathie dont mon jugement l’avait affublé. Bref, j’ai eu l’impression que j’ai gâché 20 ans de ma vie à dénigrer 20 ans de la carrière d’un des meilleurs groupes du monde.

Pardon, Radiohead

J’avais reproché au groupe de m’avoir fait revivre une période que je considérais comme dorée dans ma vie avec OK Computer OKNOTOK, soit des chansons écrites il y a 20 ans, donc supposément meilleures que celles écrites depuis. Et ce soir, je suis telle celui qui s’est engagé dans les ordres à 16 ans, qui défroque à 35 ans et qui s’aperçoit de tout ce qu’il a loupé durant ces années d’abnégation. Il se sent très con lorsqu’il rend son premier baiser, mais surtout il médite tout ce que ses camarades qui ont établi une autre vie avec un autre rapport aux autres et au plaisir lui ont raconté durant toutes ces années. Comme lui, je comprends ma connerie ce soir.

J’en conclus une chose : écouter Radiohead est un plaisir, mais, selon la période à laquelle on a été initié à son répertoire, cela implique d’avoir vécu certaines choses. Radiohead, en général, est la bande-son d’une adolescence et de ses questionnements. Tout dépend donc quand tombe son adolescence – pendant OK Computer pour moi donc. Je discutais de ces atermoiements avec un ami qui a eu, quant à lui, 14 ans au moment de Kid A (2000) et qui a eu du mal à envisager la carrière de Radiohead avant.

Dans notre vie, il y a donc un avant et un après Radiohead. On a tendance par la suite à haïr le reste de la carrière du groupe, parce qu’elle ne correspond pas au référencement avec lequel on l’a situé dans notre vie. Je n’avais pas le référencement émotionnel pour supporter les bidouillages sonores bien plus élaborés que je ne le pensais jusqu’à ce soir, comme mon ami n’était pas ouvert à la mélancolie acoustique jusqu’à acquérir l’âge adulte.

Car pour envisager la carrière de Radiohead dans son ensemble, il faut acquérir l’âge adulte. Il peut mettre du temps à venir, comme je viens d’en faire l’expérience ce soir. Il implique d’être serein dans ses phases de régression adolescente, au point de puiser dans cette régression pour voir le chemin parcouru et l’apprécier à sa juste valeur. Moi qui reprochais encore hier au groupe de me faire revivre un âge doré avec I Promise, je viens de réaliser que je suis passée à l’âge adulte en appréciant le concert de ce soir. Et ça m’a fait un choc, tant finalement tout coulait de source.

Ce soir, je demande donc pardon à Radiohead, comme je demande pardon à moi-même d’avoir pensé que ma construction vers ma vie d’adulte n’avait pas été un bienfait.



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