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La tresse, de Laetitia Colombani

Publié le 29 juillet 2017 par Francisrichard @francisrichard
La tresse, de Laetitia Colombani

Tresse n.f. Assemblage de trois mèches, de trois brins enlacés.

Elles sont comme les trois mèches de La tresse: Smita, Giulia, Sarah. Et leur parque s'appelle Laetitia Colombani. Avec les doigts de sa narratrice, qui dansent sur son métier, où trois fils en nylon sont tendus, elle file leur histoire, une histoire qui est sienne et qui pourtant ne lui appartient pas, une histoire où leurs destins sont parallèles et ne devraient jamais se rencontrer.

Smita, moins de 30 ans, vit dans le village de Badlapur, Uttar Pradesh, en Inde. Ici, comme ailleurs, il n'y a pas de toilettes: on défèque à ciel ouvert. Smita est une Dalit. Elle exerce le métier de scavenger, qui se transmet de mère en fille, depuis des générations: elle ramasse la merde des autres à mains nues, toute la journée. Les autres? Les Jatts, de la caste au-dessus.

Giulia, 20 ans, vit à Palerme, en Sicile. Depuis trois générations, les Lanfredi traitent les cheveux humains dans leur atelier, qui aujourd'hui comprend une dizaine d'ouvrières. Giulia est la fille du patron actuel, la seule des trois enfants de Pietro à travailler avec lui (qui lui a transmis un secret de fabrication): l'aînée est mariée, mal, la cadette, une ado, va encore au lycée. 

Sarah, environ 40 ans, vit à Montréal, au Canada, avec ses trois enfants, de deux pères, dont elle a divorcé. Elle est avocate associée chez Johnson & Lockwood. Elle mène de front vie personnelle et vie professionnelle, entre lesquelles elle a construit un mur parfaitement hermétique. Cette super-héroïne est promise à devenir la managing partner du cabinet. 

Chacune des trois est confrontée un jour à un sérieux avatar, qui va infléchir le cours de son existence et la conduire à se battre contre le sort: Lalita, la fille de Smita, 6 ans, est battue lors de son premier jour d'école par le Brahmane parce qu'elle a refusé de balayer la classe; Pietro, le père de Giulia, a un accident de vespa; Sarah a un malaise au milieu d'une plaidoirie.

Bien sûr chacune des trois est différente des deux autres et évolue dans un tout autre milieu (admirablement restitué) que les deux autres, mais elles ont un point commun: celui d'avoir le courage, sans se renier pour autant, d'échapper aux pesanteurs de leur milieu, avec d'autant plus de mérite que de nombreux obstacles se dressent devant elles pour les en empêcher.

Smita, Giulia, Sarah, en dépit des vicissitudes, ne peuvent que réussir, parce qu'elles ont compris qu'il leur fallait surtout être elles-mêmes et s'adapter aux circonstances. Aussi éloignées soient-elles les unes des autres, puisqu'elles vivent sur trois continents différents, Asie, Europe, Amérique, elles finissent par se joindre comme le fait une tresse, au propre et au figuré.

Francis Richard

La tresse, Laetitia Colombani, 224 pages Grasset


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