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Max | Jeu de pistes

Publié le 25 août 2017 par Aragon

 Plus longtemps on sera vivant, moins longtemps on sera mort...


Mehdi Krüger
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À l'hosto de Dax jeu de pistes ce matin. Quand on le peut - bien sûr - on sort beaucoup de sa chambre dans un hosto, c'est vital. Trop de souffrances confinées à l'intérieur, trop de mochetés qui te sautent à la face comme autant de morpions, autrefois, du temps de San Antonio, sur le bas clergé.

À l'hosto, les chambres sont pâles et puent, les chariots grincent dans les couloirs, des bruits de machines interlopes, des bips ininterrompus, des clignotants rouges, verts ou bleus, des mines de papier mâché qui gomment les rares sourires rencontrés, des pas, feutrés ou non, la fatigue des personnels, la lumière du matin, du petit jour, espérée comme bouée pour naufragé après très longue nuit, des fenêtres toujours fermées, la noria de cet homme maigre, blême et chauve habillé de blanc, qui ravitaille, qui porte sempiternellement dans les chambres des pichets d'eau blanc, jaune ou vert selon son humeur, personnage indistinct, approximatif, pathétique "Droopy" efflanqué qui me dit en se désignant presque, toquant à ma porte : "C'est l'eau...", surpris que je lui rétorquasse : "Non, c'est un homme qui entre..."

À l'hosto il est donc indispensable de sortir de sa chambre, d'aller dehors, quitte à pousser sa perf, à porter son sac à pisse, à mettre dans ses poches malheurs et soucis pour les emmener au dehors, au soleil, porter aussi, glissés dans mon coeur ainsi que je le fis ce matin, les KOs / chaos... des mots du toubib qui l'instant d'avant, dans sa visite, me rapportant son avis/presque diagnostic, s'était transformé en une espèce de Teddy Rinner & Mohamed Ali tout ça dans la même personne et m'avait flanqué un putain d'uppercut dont j'ai eu du mal à me relever... Heureusement les amis. Les amis servant de soigneur, assis au coin des cordes, ils m'ont bien ventilé avec la douce serviette de l'amour et de l'amitié, mais le coup était rude...

Il faut donc te barrer de ta piaule et aller chercher le soleil dehors. Je le fais ce matin, mais avant de trouver la sortie, je suis bloqué, comme au Monopoly, "case trou" soudain en plein couloir. Quel est donc ce trou en plein milieu du passage ? Quel homme, quel diable, quel troll, quel gnome va en sortir ? Je sais pour l'avoir entendu dire qu'il y a plein de diables, de trolls, de gnomes dans les sous-sols des hôpitaux... Bigre, ça se corserait-il comme l'aurait dit Napoléon débarquant à Ste Hélène ? Réfléchissant très vite, me remémorant les mots de Nicolas Machiavel lus en ma jeunesse militaire en son "Art de la guerre", l'esquive bien sûr, l'esquive est parfois salutaire pour revenir en force... D'un saut preste et gracile j'esquive donc l'hospitalesque gouffre, je poursuis mon chemin, ayant franchi l'obstacle un autre se présente : "Chambre mortuaire". La voie est sans issue, je ne la prendrai pas, mon coeur est bien vivant laissons-là le trépas...

Je sais ce qu'il me faut faire, gonfler mes poumons, bander mes muscles et foncer, rien ne m'arrêtera, un carrefour à présent et ses nombreux couloirs, du fond de l'un d'entre eux montent des équipages, je ne distingue pas bien mais j'entends cependant des souffles, rauques et inquiétants... Sont-ce les enfants d'Hannibal aux éléphants tourés surgissant du passé ? Le groupe se rapproche : une armée fatiguée et pourtant bien paisible d'agents hospitaliers poussant d'une main faible des chariots à balais servant de destriers, je m'écrase contre le mur, je les laisse passer...

Je vois plus loin un panneau clair indiquant la sortie, comme au pied de nos montagnes de dunes océanes on sent si fort la mer avant que de la voir, je sens à m'y méprendre une odeur de lumière dans l'antique couloir, je vais y arriver, je dois y arriver, j'y arrive, yesssss.

La sortie où est-elle ? Elle est là, je la vois à présent. Je fonce, muscles toujours bandés, je me souviens des techniques du goshin, si quelqu'un se met en travers il va morfler et manger grave... de la lumière, encore plus de lumière, un sas, puis deux, une porte vitrée, je l'enfonce presque d'un coup d'épaule, je suis dehors. Putain, je suis dehors !!!

Les diables tout puissants, l'ultime reposoir, les guerriers d'Hamilcar et leurs grands éléphants sont restés au dedans. Je suis à l'extérieur. Dehors il y a de belles chaises d'alu, si brillantes, dehors il y a une haie odorante et bruissante, les fleurs de cette haie, si blanches, si frêles, si petites, les fleurs remplies de rosée et mille et mille abeilles  se gorgeant de nectar, de sucre et de soleil. La vie.

Dehors il y a la vie qui m'attend...

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