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Sicario. Terre des loups

Par Balndorn
Sicario. Terre des loups
« L’homme est un loup pour l’homme ». La célèbre phrase de Hobbes, évoquée à la toute fin de Sicario, en résume le pessimisme latent, morbide et poignant. Le dernier film de Denis Villeneuve n’est à proprement parler pas un film d’action ; c’est un film de tensions.
Dans un récit à la mécanique implacable, où la CIA orchestre parfaitement ses opérations, le caractère hasardeux de l’action n’a pas lieu d’être. Ce que filme Villeneuve, c’est la naissance d’une violence contenue, le bouillonnement de sentiments enfermés, des deux côtés de la frontière américano-mexicaine – jusqu’où ?


Un convoi de la CIA s’enfonce illégalement en plein territoire mexicain. La caméra, aérienne, survole cette incursion risquée. Au beau milieu de paysages désertiques, une plage de musique dissonante met les corps sur les nerfs.
La caméra redescend au niveau des voitures. Travellings très rigides depuis l’intérieur des véhicules, d’où l’on n’a qu’un point de vue limité et menacé. Jane (Emily Blunt), agent du FBI embarquée dans la mission, est notre relais : inquiète, ne comprenant pas ce qu’il se passe, elle assiste, plus qu’elle ne participe, à une explosion de violence sans excès. Quelques membres des cartels se font tuer rapidement, sans effusion de sang, par des agents américains qui n’ont aucun
sétatsd’âme.
La violence de
Sicario ne verse pas dans le gore. Elle ne démasque pas une réalité cachée. Insidieuse, elle cherche plutôt le malaise psychologique, celui que ressentent Jane et Rem, les idéalistes agents féminin et afro-américain dans un monde de Blancs sans pitié. Les lignes entre ce que l’on croyait bon et mauvais se troublent.
Sicariohérite de la représentation ambiguë de la guerre propre aux films sur l’Irak. À l’instar de Dans la vallée d’Elah(Paul Haggis, 2007), nous n’avons du conflit qu’une perception déformée : la séquence du tunnel se passe dans un environnement nocturne mal éclairée, la caméra adoptant les équipements de vision nocturne et de caméra thermique des agents de la CIA, qui distordent la réalité.
Dans une telle optique, la démarcation entre Bien et Mal s’atténue, se mélange, voire se renverse. Comme Kathryn Bigelow dans
Zero Dark Thirty (2013), Denis Villeneuve explore le système d’échanges de violences sur la frontière mexicaine. À la violence des cartels répond celle, touteaussi peu justifiée, de la CIA, qui désire « semer le chaos » de l’autre côté du mur pour mieux y rétablir l’ordre.
Chez Villeneuve, le mal n’a rien de transcendant. Il est parmi les hommes, fruit de leurs actions, de leurs désirs. Sécrétion naturelle d’organismes inaccomplis, imparfaits.
Sicario. Terre des loups

Sicario, de Denis Villeneuve, 2015


Maxime

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