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Battement d'ailes; Milena Agus

Par Sylvielectures
J'avais déjà beaucoup aimé "Mal de pierres", alors quand "Battement d'ailes" est sorti, je l'ai acheté.
J'ai retrouvé la belle écriture sensible de Milena Agus, pour une escapade en Sardaigne, décor toujours aussi prégnant.
Dans ce second roman traduit en français, on change d'époque, l'île nous est présentée aujourd'hui à travers les yeux de personnages qui y sont profondément attachés.
Il s'agit d'un petit monde reclus dans de vielles maisons sardes, perchées sur des hauteurs qui surplombent une mer éclatante et bleue toute l'année.
"Notre position est 39°9’ au nord de l’équateur et 9°34’ à l’est du méridien de Greenwich. Ici, le ciel est transparent, la mer couleur saphir et lapis-lazuli, les falaises de granit or et argent, la végétation riche d’odeurs. Sur la colline, dans les lopins de terre arrachés au maquisqu ’on cultive entre leurs murets de pierre sèche, le printemps resplendit du blanc des fleurs d’amandiers, l’été du rouge des tomates et l’hiver de l’éclat des citrons. "
Heureusement que ce paradis existe pour mettre du baume au cœur de ces individus malmenés par la vie, et en butte avec les difficultés de l'être.
Une jeune fille de quatorze ans dont le père a disparu après avoir ruiné sa famille nous fait découvrir le petit monde qui l'entoure.
Elle nous parle parfois de certaines de ses nuits où le vent rentre dans sa chambre et transforme les rideaux en ailes d'ange paternel.
Son grand père soutien la famille avec sa retraite d'enseignant et la production de son potager, et il en est heureux, dégustant chaque jour la beauté du paysage et des gens qui le peuplent.
Sa mère est clouée au lit depuis le départ de son père.
Elle est fascinée par Madame, originale et excentrique avec qui elle partage de nombreux moments de sa vie et échange beaucoup.
Elle l'épie aussi, tellement curieuse de savoir ce qui se cache derrière les commérages et les médisances entendus ici ou là.
Madame vit pauvrement, s'habille dans des vêtements qu'elle confectionne elle même avec de vieux rideaux et de vieilles nappes, mange sur son potager et accueille de temps en temps quelques clients dans sa pauvre maison d'hôtes.
Madame a des amants, qui la prennent et qui la jettent, on dit aussi qu'elle se prostituait un temps à l'hôtel du village.
Madame semble avoir deux seules idées en tête, trouver le grand amour, le vrai, et sauvegarder son coin de terre des promoteurs qui le convoitent.
Le personnage central du récit est cette femme mure qui vit en équilibre instable, toujours prête à se jeter à la mer.
Nous pressentons au fil de l'histoire les blessures profondes qui font d'elle un personnage hors norme.
Elle est toute en souffrance, semblant se complaire dans des relations humiliantes et dégradantes tout en attendant l'amour qui ne vient jamais. Et peut-être que s'il ne vient pas, c'est qu'elle le fuit, parce qu'au fond elle ne supporterait pas qu'il vienne à disparaitre. Alors, dès que Madame touche un peu de ce bonheur, elle va se jeter à l'eau en courant.
Le grand-père l'a toujours veillée et sauvée. La jeune narratrice de quatorze ans prendra le relais lorsqu'il mourra.
Il parait qu'un célèbre critique italien a parlé de "Sardo-masochisme",en parlant de ce livre, je trouve l'expression vraiment bien trouvée pour définir autour de quoi tourne cette histoire.
Voilà un petit roman qui sous des airs sucrés et gorgés de soleil, réussit à nous faire voir avec des yeux au bord de la candeur de l'enfance , les monstruosités de l'être, les gouffres noirs qui absorbent les rêves et la souffrance brûlante qui peut surgir du simple fait d'exister.
Et maintenant, pour le plaisir, quelques images de Sardaigne sur une chanson de Fabrizio De André : Bocca di Rosa. Voilà ce que Milena Agus en dit sur Evene : "Elle raconte l’histoire d’une femme qui fait beaucoup l’amour, qui se donne comme ça, simplement. Je me suis inspirée de ce personnage sublimé pour construire celui de Madame. Elles ont en commun la générosité de soi."
Dans Le Monde du 08/02/2007, un entretien intéressant avec l'auteur, présenté dans un article de Florence Noiville, par contre, je me demande si elle a lu le livre ! voilà une partie de ce qu'elle en dit : " Au fond de sa Sardaigne oubliée, cette forte femme ne manque de rien, et elle entend bien le faire savoir." là je rêve!!!
C'est sans doute avec plus de justesse que Marcelle Padovani en parle :"le ton désinvolte et les airs de dérision qu'elle affiche sont une autre façon d'exprimer la souffrance de vivre. Madame et tous les personnages qui l'entourent n'en sont que plus poignants", sur BibliObs.com
Une belle critique de Francine de Martinoir sur La-Croix.com
Martine Laval écrit sur Télérama.fr :" Milena Agus écrit détachée de toute mode, de tout genre littéraire, se crée des personnages avec qui elle fait un bout de chemin, et nous fait croire que ce sont eux qui mènent le bal, une farandole d'histoires décousues qui n'en font qu'une".
Une interview très intéressante de l'auteur sur evene.fr
Une autre rencontre sur L'Express.fr,
On peut écouter la voix de Miléna Agus parlant de ce livre dans une chronique de Bernard Lehut, sur RTL.fr
Une petite revue de presse toute à l'honneur de ce titre sur le site Liana Levi,
C'est "un appel à réenchanter" la vie pour Sophie Pujas, sur Transfuge,
Pascale Arguedas parle joliment d'un "style affranchi" et "d'un joyeux foutoir qui fait des miracles".
Papillon "aime définitivement la plume toute en sensibilité de Milena Agus", et nous dit avoir aimé ce livre, même si c'est un peu moins que "Mal de pierre".
Bernard nous " souhaite de lire ce roman qui dénonce avec le sourire, et non la violence ou l'apitoiement, comme c'est trop souvent le cas dans la littérature récente !"
Aurora, écrit très justement : "Le monde de Milena Agus n’est pas celui de Suzanna Tamaro : il n’est lisse et poétique qu’en apparence, il masque en fait des plis et des replis, une douleur que les mots de l’auteur savent rendre comme un pinceau qui serait un scalpel." J'ai trouvé son analyse du livre très pertinente, elle parle du masochisme de Madame et le questionne (elle semble savoir de quoi elle parle).
Acide Critique résume l'essentiel dans une belle phrase : "Milena Agus chante la dureté de la vie, la difficulté d'aimer et d'être aimé, elle chante les tragédies souterraines avec une force et une vérité qui nous emporte jusqu'au bout de ce sentier escarpé, sarde, qu'elle nous invite à emprunter."
"C’est incisif tout en étant d’une extrême douceur, prenant, touchant". nous dit JoLa C. sur critique livre
Pour amandine : " Le 1er roman de Milena Agus était un chef-d'oeuvre, celui-ci est "simplement" réussi."
Pour Alexandra, c'est tout juste "un livre qui se lit avec plaisir par temps froid et pluvieux."

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