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Moulin de son coeur

Publié le 17 septembre 2017 par Morduedetheatre @_MDT_

DERNIERE VERSION JEAN MOULIN

Critique de Jean Moulin, Évangile, de Jean-Marie Besset, vu le 16 septembre 2017 au Théâtre 14
Avec Arnaud Denis, Sophie Tellier, Gonzague Van Bervesselès, Laurent Charpentier, Chloé Lambert, Stéphane Dausse, Michaël Evans, Loulou Hanssen, Jean-Marie Besset, dans une mise en scène de Régis de Martrin-Donos

Bon, je dois l’avouer, je n’y allais pas en traînant les pieds mais j’avais un peu peur de ce que j’allais voir. Même si pour moi, Jean-Marie Besset est un grand auteur contemporain, et que Un coeur français fait sans nul doute partie de mes pièces préférées. Mais j’avais entendu parler, de loin, de sa pièce sur l’homosexualité de Molière et je craignais que sa petite obsession pour ce thème ne vienne obstruer sa nouvelle pièce, Jean Moulin, Évangile. En réalité, l’idée d’un Jean Moulin homosexuel n’est finalement que peu présente dans la pièce et c’est bien plus sur son parcours au sein de l’organisation de la France libre que se centre le spectacle.

Jean-Marie Besset a voulu en faire trop : la pièce de 2h20 comporte des longueurs – et encore, si le texte avait été joué dans son intégralité, il aurait été près de deux fois plus long. Parmi elles, des scènes inutiles qu’il pourrait aisément tronquer, qui semblent ajoutées artificiellement à la pièce, comme si elles avaient été dans un premier temps oubliées. Peut-être aurait-il fallu se concentrer plus encore sur l’Histoire, qui m’a laissée parfois sur le côté en tant que non spécialiste de la résistance. Cependant, il faut bien le reconnaître, on se prend dans cette histoire aux allures de thriller et s’il faut parfois s’accrocher pour comprendre les différents tenants et aboutissants, on n’est jamais totalement perdu : d’abord grâce au programme soigneusement distribué à l’entrée du théâtre qui permet de nous situer à n’importe quel moment de la pièce, ensuite grâce aux acteurs qui portent le spectacle avec un don d’eux-mêmes évident.

L’impression qui ressort de l’écriture, c’est que l’auteur n’a pas su choisir entre l’historique et l’intime, et qu’il a choisi l’un sans vouloir écarter l’autre. Cela donne un spectacle essentiellement centré sur l’histoire mais par instant saupoudré de scènes plus familières qui s’intègrent mal à l’ensemble. Une dualité dommageable, car non seulement la sphère intime a moins d’intérêt pour nous, en tant que spectateur, mais on se retrouve soudainement moins sûr de la véracité des faits qui se déroulent sous nos yeux. Et quel besoin de venir éternellement ajouter une pointe d’homosexualité dans sa pièce ! Je suppose que cela lui tient à coeur, mais si c’est très compréhensible dans des fictions autour de ce thème, ça tombe ici comme un cheveux sur la soupe : la scène pourrait être retirée de l’intrigue, cela n’aurait aucune conséquence sur notre perception de la pièce…

Cependant, on ne tombe jamais dans l’ennui, et ce d’abord grâce à un premier rôle porté de main de maître par Arnaud Denis. Le comédien s’impose à nouveau comme un grand de sa génération en campant un Jean Moulin renversant de véracité, jamais en force, soulignant avec délicatesse les doutes habitant le personnage. Sophie Tellier, qui incarne une amie intime de Jean Moulin, s’émancipe au fil de la pièce et finit par écarter totalement un démarrage qui sonnait faux. Gonzague Van Bervesselès et Laurent Charpentier interprètent leurs différents rôles avec une belle justesse. Malheureusement, la distribution est inégale puisque Loulou Hanssen est une Lydie Bastien bien trop frêle et Michael Evans un Klaus Barbie peu effrayant, frôlant parfois le ridicule – c’est dommage car on aurait espéré le summum de la terreur nazie et on découvre une pâle imitation de Drago Malefoy.

La mise en scène de Régis de Martrin-Donos est sobre et efficace. Le choix de son décor, qui n’est pas sans rappeler celui du Bajazet d’Éric Ruf, est ici plus que justifié puisqu’il impose une ambiance qui s’équilibre entre le suspens, le danger, l’incertitude et la peur qui régnaient en continu pour les résistants. Enfin, en continu, pas tout à fait, car on nous rappelle à plusieurs reprises que Jean Moulin était un homme avant d’être un résistant, à travers des scènes trop légères, contrastant de manière trop brutale avec le reste – comme cette bataille de polochon qui a provoqué chez moi un rire jaune : le chef de la résistance perdant ainsi son temps en de telles futilités ? Si c’est vrai, ce n’est pas très bien amené, et si c’est faux, ça casse le rythme de la pièce pour rien. Dommage.

Un spectacle intéressant sur l’histoire de la résistance et qui gagnerait à s’assumer en tant que pièce historique. ♥ ♥

Moulin de son coeur



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