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Comme un million de papillons noirs ou l’éloge de la différence

Publié le 07 septembre 2017 par Africultures @africultures

Quelques mois après la sortie de son deuxième roman, A mains nues (éd. Synapses), Laura Nsafou publie cet automne, Comme un million de papillons noirs (éd. Bilibok), un album jeunesse prônant l’estime de soi.

Adé, une petite fille noire, essuie les quolibets de ses camarades sur / au sujet de ses cheveux crépus. Auprès de sa mère et de ses tantes, elle apprend à les aimer. Elle soigne et caresse ses « petits tourbillons » semblables à « l’envol d’un million de papillons noirs». Au-delà d’une belle histoire de réconciliation avec soi, Comme un million de papillons noirs est un hymne à la tolérance. L’ambitieux projet de ce livre, financé par une campagne participative, est né d’une rencontre entre une éditrice, Aurélie Crop, fondatrice des éditions Bilibok, (maison d’édition placée sous le signe de la diversité en littérature jeunesse), et Laura Nsafou, alias Mrs Roots, écrivaine et bloggeuse afroféministe. « Face au manque de diversité dans la littérature jeunesse, j’ai fait le choix d’une héroïne afropéenne. Enfant, je ne m’identifiais pas aux personnages des livres car aucun ne me ressemblait. Les rares apparitions de héros / héroïnes noir.es figurent dans des traductions de romans américains, ou dans des histoires convoquant un imaginaire colonial (mythe du bon sauvage) : l’enfant vit dans la brousse  » en Afrique « . Cet immense continent est réduit à une espèce de grand pays. L’expérience des enfants noirs en Occident n’est pas perceptible dans la littérature ; quand certains auteurs se prêtent au jeu, en proposant un livre prétendument pédagogique sur le racisme, ils tombent dans les mêmes écueils : européaniser les personnages sans évoquer leur identité noire. »

L’enjeu de la confiance en soi

A travers ce livre, Laura Nsafou part de son propre vécu. « Un jour, en rentrant à la maison, suite aux railleries, j’ai demandé à ma mère de défaire mes tresses. Elle a refusé. Elle m’a demandé de ne pas me soumettre aux avis des autres. Ma mère est une afrofémisniste qui s’ignore. En tant qu’Antillaise noire en France, elle est pleinement consciente des discriminations que cela implique ». Consciente que sous l’apparente innocence de ces paroles enfantines, se cache un discours discriminant, véhiculé par les adultes, l’auteure souhaite responsabiliser le lecteur, quelle que soit son origine, sur la question du racisme. Le regard que l’on porte sur soi dépend de celui que nos proches nous renvoient. Aussi, pour Adé, comme pour Laura Nsafou, la figure maternelle insuffle l’amour, l’apaisement, mais aussi le courage. Aujourd’hui, à l’orée de ses 25 ans, Laura Nsafou travaille dans la communication tout en exerçant son activité d’écrivaine. En 2013, elle crée son blog, dans lequel elle aborde l’actualité au prisme de ses lectures. Les mots afroféminisme, intersectionnalité, décolonisation, irriguent son écriture. Parmi les auteur.e.s inspirant. e.s, Laura Nsafou cite volontiers Léonora Miano. « Une écrivaine remarquable qui défie les stéréotypes sur la masculinité noire en littérature, dit-elle. Léonora Miano investit des images figées de personnages noirs : elle les décortique, les expose ; autrement dit, elle réinvente une littérature afrodescendante ». Toni Morrison occupe elle aussi une place de choix : elle aborde la question raciale, la « misogynoir », avec une crudité à nulle autre pareille. « Elle offre une lecture dérangeante au lecteur occidental, habitué à un certain confort ». Comme un millions de papillons noirs puise son titre dans Délivrances, un ouvrage de l’auteure afro-américaine. Manière, pour Laura Nsafou, « d’ajouter une touche de poésie au texte », magnifié par les superbes illustrations de Barbara Brun.


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