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Par Julien Leray @Hallu_Cine

On pouvait redouter un nouveau mélange des genres auquel le cinéma d’animation français vient régulièrement se frotter, sans jamais réellement briller. Trop référentiel ou conformiste, tiraillé entre une volonté de rallier le plus grand nombre afin de sécuriser le projet, et le fait de proposer ne serait-ce qu’un semblant de nouveauté. Avril et le monde truqué il y a déjà deux ans, Renaissance près d’une décennie auparavant, The Prodigies : La nuit des enfants rois, Un Monstre à Paris : tous ont soit pêché par une ambition trop marquée au regard du budget alloué, une frilosité narrative et thématique à la mesure des moyens dont ils disposaient, ou par le poids trop écrasant d’un matériau de base pourtant séduisant.

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Zombillénium, lui, partait sur ce point avec une longueur d’avance. Nanti d’un budget confortable pour une production française, il présentait en outre l’avantage d’être dirigé par un duo de réalisateurs rompu à l’exercice et aux exigences du cinéma d’animation : Alexis Ducord et Arthur de Pins, créateur de la bande dessinée éponyme ayant fait ses armes sur quelques courts-métrages avant sa création.

Une alliance des forces et des vues (dans une démarche similaire à Alexandre Astier et Louis Clichy sur Astérix et le Domaine des Dieux) dont les bienfaits se font sentir dès les premières minutes et le générique de début, tous menés à bâtons rompus. Ne s’embarrassant guère de détails superflus, Arthur de Pins et Alexis Ducord, animé d’un sentiment d’urgence de tous les instants, vont constamment à l’essentiel, en supprimant au passage tout ce qui pourrait venir alourdir la narration (dialogues démonstratifs, multiplicité de trames narratives inutiles).

En résulte alors un film aux enjeux certes limités et d’une grande simplicité, mais dont la rythmique globale a le mérite (rare) d’être dénuée de temps morts, faisant de Zombillénium un film paradoxalement résolument vivant.

Simple donc, mais pas simpliste, ce dernier a beau avoir pour cadre quasi-exclusif le parc d’attractions auquel il donne son nom, il ne fait pas pour autant l’économie d’une analyse réjouissante de cette microsociété aux forts accents d’Occident libéral et post-industrialisé. L’occasion d’asséner ci et là quelques coups bien sentis à une réalité sociale à la moralité parfois des plus contestables.

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Précarité d’emploi, pression de l’actionnariat, mérite individuel au détriment de la réussite collective, stigmatisation communautaire : autant de sujet ancrés dans l’actualité, qu’Arthur de Pins et Alexis Ducord dépeignent avec une bonne humeur rafraîchissante, sans pour autant les vider de leur importance ni de leur substance.

S’inscrivant en cela dans la pure tradition du film de zombies, Zombillénium fait (à sa mesure) de ses créatures les vecteurs d’une charge politique sous-jacente, ironique et mordante, et disons-le, intelligente.

– En résonance avec cette dernière, Les Corons de Jean-Pierre Lang, lors de la descente du directeur du parc désavoué vers les Enfers, ne manqueront pas de donner à coup sûr quelques frissons. –

L’allégorie a beau posséder un air de déjà-vu, Ducord et de Pins contrebalancent constamment l’attendu par un humour finement dosé, avec un sens du verbe et du contrepied savamment travaillé. Les blagues touchent globalement juste, les situations cocasses font souvent mouche : dans Zombillénium, les références sont moins une raison d’être qu’un moyen parmi bien d’autres de provoquer le rire jusqu’à satiété.

Il serait pourtant réducteur de résumer ce dernier à sa seule condition de comédie. Zombillénium, film d’animation pour enfants, sait aussi se faire film d’action enlevant, au savoir-faire des plus convaincants.

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Dynamiques, percutantes, les séquences de concerts, de courses-poursuites et de combats sont ainsi la démonstration d’un savoir-faire et d’un sens de la mise en scène indéniables, où l’esthétique même de Zombillénium trouve tout son sens et prend sa pleine mesure.

Entre animation traditionnelle et 3D aux textures épurées, le parti-pris opéré par Arthur de Pins et Alexis Ducord, bien que fidèle à la bande dessinée, pourra assurément rebuter. Son manque de détails, sa dimension parfois consensuelle voire aseptisée tranchent avec ce à quoi l’on a pu être habitué, de l’Astérix d’Astier précédemment évoqué en passant par le méconnu Chasseurs de dragons de Guillaume Ivernel et Arthur Qwak.

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En revanche, une fois mise en perspective avec la cadence avec laquelle de Pins et Ducord ont choisi de mener leur récit, cette esthétique voit les effets de son apparente simplicité s’estomper pour laisser place à un alliage jubilatoire de percussion et d’efficacité.

Rappelant sur ce plan la folie pop et jazzy du Aladdin de Disney ou (toutes proportions gardées) d’un Night Is Short, Walk On Girl, avec lesquels Zombillénium partage de manière équivoque ce même amour du flow, des personnages hauts en couleurs au service d’une proposition où plaisir et félicité sont les seuls maîtres-mots à considérer.

D’une liberté de ton peu commune sur ce type de projet et d’une spontanéité jouissive, Zombillénium représente en soi ce que l’animation française attendait depuis (trop) longtemps : le porte-voix, moderne et ambitieux, d’un savoir-faire multiculturel intelligemment synthétisé, sachant brillamment ne pas se prendre au sérieux.

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Film vu dans le cadre du Festival du Nouveau Cinéma 2017.


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