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La justice française ose s'attaquer à eBay

Publié le 01 juillet 2008 par Mtc
Le tribunal de commerce de Paris a condamné hier le site d'enchères en ligne eBay pour contrefaçon. Celui-ci devra verser près de 40 millions d'euros de dommages et intérêts à six marques du groupe de luxe LVMH. Ce jugement fait suite à une autre condamnation par Hermès cette fois en juin dernier pour un montant de 20 000 euros.
Lorsque j’ai entrepris mon enquête sur eBay il y a 4 ans pour aboutir au livre J’eBay, J’eBay pas paru en septembre 2006 aux éditions Léo Scheer, je me suis rendu compte que les marques qui se sentaient agressées ne savaient comment gérer les problèmes qu’eBay leur posait. Nous étions face à un géant américain tout-puissant qui gagnait des milliards de dollars et qui imposait le respect. Par ailleurs critiquer ce qui représentait l’avenir, le progrès c'est-à-dire les nouvelles technologies n’était pas de bon ton. eBay était vu comme le moteur du e-commerce et le mettre en cause pouvait être considéré comme rétrograde. Je me souviens du Secrétaire d’Etat au commerce de l’époque déroulant le tapis rouge à Meg Whitman (Présidente d’eBay) plutôt que de défendre les entreprises. Et à chaque fois qu’un atelier, une conférence, une table ronde était organisé à Paris ou à Bruxelles sur la contrefaçon, on y a toujours vu des représentants d’eBay s’y infiltrer sans être invités et pratiquer un lobbying musclé.
Dans le J’eBay, j’eBay pas, j’ai tiré la sonnette d’alarme sur le système monté par eBay qui permet à certains vendeurs de s’adonner impunément à la vente de contrefaçons et au travail au noir. J’ai démontré la pleine responsabilité d’eBay qui a tous les moyens techniques de contrôler ce type d’activités délictueuses et qui refuse de le faire pour continuer à engranger des bénéfices sur les ventes qu’il s’agisse de contrefaçons ou pas. Mon livre est sorti au moment où LVMH déposait sa plainte et de nombreux journalistes ont rendu compte de mon travail. Ils appréciaient mon compte-rendu des pratiques d’eBay, avec démonstration et chiffres à l’appui, fruit de deux années d’enquête. Il faut dire que le jeu d’eBay avait jusque là de se défendre avec des arguments que personne n’avait pu démonter faute de temps et de connaissances. La mauvaise foi du Directeur et porte-parole de l’entreprise eBay France était flagrante et si un journaliste lui posait des questions sur la vente de contrefaçons, il ne répondait pas.
Quand l’UNIFAB (Union des Fabricants) m’a invitée au colloque annuel sur la contrefaçon, ce même Grégory Boutté a refusé de venir parler parce que j’y étais. Il préférait la chaise vide plutôt que de répondre à mon argumentation. L’effet fut désastreux, la presse relatant l’événement avec ironie et les marques et les institutions présentes ce jour là eurent tôt fait de comprendre ce qui se cachait derrière cette esquive. Quelques temps plus tard, il devait être "muté".
S’attaquer à eBay n’est pas sans repos. L’avocat américain qui défendait Tiffany confie avoir partagé son dossier pour plus de sécurité. Pour ma part, j’ai juste été victime de censure par TF1 alors que j’ai aidé l’équipe de journalistes à monter un sujet sur eBay et la contrefaçon. La production a dû me faire disparaître du sujet face à la pression qu’eBay a exercé auprès de la Direction de TF1 avec des arguments que je ne connais pas mais qui ont été efficaces.
Dix années se sont écoulées entre la création d’eBay et la remise en cause de son système. La contrefaçon a commencé à prendre de l’ampleur vers les années 2000, les marques ont entamé un faux dialogue avec eBay qui a duré des années. Les responsables des marques croyant toujours qu’un arrangement était possible et d’ailleurs eBay s’évertuait à le leur faire croire, jouant tantôt les ingénus, les hypocrites, tantôt la pseudo bonne foi en développant un programme de surveillance (VERO) sans aucune efficacité. Et l’argument contre lequel les avocats avaient du mal à battre, l’immunité que procurait le statut d’hébergeur à eBay était difficile à contrecarrer.
Ce qui est étonnant, c’est que mon livre a été mis par les avocats dans les pièces à charge du dossier contre eBay et a servi de "bible" à certains juges.
Qu’eBay soit condamné pour "négligence fautive" est tout à fait juste mais la somme de 40 millions d’euros qui leur est demandée, n’est rien en regard des bénéfices accumulés sur la vente de produits contrefaits pendant toutes ces dernières années. Alexandre Menais, Directeur Europe d’eBay, a décidé de faire appel. Une fois de plus eBay veut se montrer au-dessus de la loi. Cette non acceptation des décisions de justice est tout à fait dans la mentalité de l’entreprise, cette surpuissance mondiale qui n’entend pas se faire tancer par la petite justice française. Je suis ravie que ce soit la France qui ait montré le chemin. Rappelons que dans un procès similaire en Allemagne, Rolex avait perdu.
Hermès, LVMH, prochainement L’Oréal, eBay n’est pas au bout de ses ennuis avec la justice française. Mais cela n’entamera que de peu le trésor de guerre accumulé chaque année par eBay, le chiffre d’affaires 2007 a atteint 60 milliards de dollars !

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