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(Presque) tout sur le zizi...

Par Savatier

 Ce livre de Florence Ehnuel est un OVNI littéraire. Il ne relève pas du roman, guère de l’autofiction – au moins échappe-t-il aux traits les plus agaçants du genre… « Récit » serait peut-être ce qui le qualifierait le mieux. On s’amuse d’abord à la lecture du titre iconoclaste de ce petit livre rouge (bien plus distrayant que l’autre) : Le beau sexe des hommes (Le Seuil, 125 pages, 12€). L’auteur, agrégée de philosophie, enseignante et psychothérapeute y raconte avec simplicité son itinéraire sensuel autant que sexuel, en commençant par une enfance où elle fut confrontée à la négation du corps que lui inculque sa mère :

« Mais une empreinte reste indélébile : il demeure que mon corps et mon sexe n’ont pas le droit d’être dits. Ils n’ont donc pas le droit d’être. Le corps : ce qu’il faut écarter, du dire, du voir, de l’existence. Au centre du corps, le sexe concentre, comme un noyau dur, cet impératif. Là d’où pourraient jaillir la vie, la joie, l’identité et la beauté, doivent dominer le silence, l’interdit, la honte. »

Ce schéma n’est que trop classique, témoin de cette haine du corps et de la sexualité imposée par le puritanisme du XIXe siècle, père d’innombrables frustrations et névroses, pourvoyeur providentiel de candidats au divan, un puritanisme dont le pouvoir de nuisance était d’autant plus étendu qu’il relevait à la fois de la religion et de la science, à travers de pseudo-arguments médicaux. Plutôt qu’à un psychanalyste, c’est à ses lecteurs que Florence Ehnuel préfère se confier.

De cette enfance, elle conservera longtemps un conflit intérieur entre désir et retenue qui s’exprimera jusque dans sa vie conjugale ; ne pas trop regarder le corps de « l’autre », et encore moins son sexe : « D’un point de vue  esthétique, d’un point de vue moral, le sexe masculin était en lui-même vulgaire (la pire des fautes selon le code tacite qui m’était enseigné. […] Je ne dis pas que j’étais blasée, je dis que j’étais un peu nitouche, au sens où je restais sur le seuil de la pleine expérience du corps à corps. »

Avec lucidité, elle évoque son sentiment de culpabilité (un intérêt pour le sexe masculin qui la rendait à ses propres yeux voyeuse, indiscrète, obscène, obsédée). Son texte alterne vie présente, retours en arrière et analyse de rêves. Au sujet de l’un d’eux, qui met en scène un rat, elle ose un calembour, « ra-goûtant », qui n’est pas sans rappeler ceux de Jacques Lacan quoique celui-ci eût plutôt écrit « rat-goûtant », d’ailleurs. Un événement va bouleverser sa vie, la délitescence de son mariage (sujet de son premier essai, L’Amour conjugué), et sa conséquence : la découverte d’un second célibat, une liberté qui ouvre pour elle de nouvelles perspectives. Loin de s’épancher sur l’infidélité, elle découvre, dans une sorte d’auto-initiation dont elle livre les étapes, que fidélité et exclusivité peuvent se présenter comme deux notions distinctes :

« Il paraît qu’être amoureux rend exclusif, concentre toute l’énergie sur une seule personne, et relègue tous les autres à une périphérie lointaine. Je ne sais pas pourquoi, mais on dirait que c’est le contraire pour moi. […] Je n’arrive pas à comprendre, ou à sentir légitime en moi, que la nature ait fait les hommes souvent si attirants, et que la culture, du moins la nôtre, exige de nous que notre désir se focalise sur un seul d’entre eux. »

L’auteur développe cette idée tout le long du chapitre intitulé « Après la vie conjugale ». Il ne s’agit pas pour elle de se jeter à corps perdu dans une série d’aventures débridées, mais d’élaborer une philosophie de vie originale, fondée sur une sensualité aux frontières repoussées et un optimisme réjouissant. La présence d’un amant qui partage son opinion rend sa démarche plus aisée.

 Ce nouveau regard porté sur l’existence s’accompagne d’un regard sur le corps de l’homme en général et sur son sexe en particulier. Une véritable découverte. Cette perception ne s’apparente pas au voyeurisme, elle implique une esthétique, une démarche intellectuelle, mais aussi sensuelle et ludique. Libérée des tabous et des préjugés, Florence Ehnuel donne une description minutieuse du sexe masculin dans tous ses états, et elle y parvient sans vulgarité, d’une plume précise (les organes sont aussi clairement nommés que dans un manuel d’anatomie), jamais impudique, mais plutôt élégante, teintée d’humour. Après une telle lecture, il sera difficile aux esprits chagrins de continuer d’affirmer – sans jamais le prouver, il est vrai – que l’œil reste l’outil exclusif du désir masculin, tandis que la femme, par on ne sait quelle pudeur imaginaire, fantasmée et, disons-le, bigrement sexiste, rejetterait la vue au profit d’autres sens prétendus plus « nobles ».

Ce plaidoyer en faveur du corps de l’homme fait autant appel au plaisir physique qu’il peut procurer qu’au plaisir intellectuel que l’auteur peut tirer de sa contemplation, qui semble parfois toucher au mystique (« la merveille des merveilles », écrit-elle à propos du sexe). Cependant, pour elle, il n’est pas uniquement question de corps ; elle dresse un inventaire des qualités qu’elle apprécie chez un homme (courtoisie, intelligence, etc.), à tel point que certaines  pages ressemblent à un guide de (sa) séduction. On l’apprécie d’autant mieux qu’elle n’hésite pas à citer Hannah Arendt à l’appui de son discours et donne de l’image de Dom Juan une intéressante relecture.

Délivrée de « l’étau des jugements et des normes sociales », Florence Ehnuel goûte aux joies du Carpe diem et nous les fait partager. Sa recette offre une alternative optimiste et jubilatoire aux mirages de l’idéal ascétique :

« Or, pour l’instant, je remarque que ma vie, ma solitude et mes travaux se trouvent bien de se ressourcer régulièrement à cette fête encore inépuisée pour moi de la différence sexuelle et aux multiples manières de la célébrer. Pour l’instant, je préfère m’orienter à partir de cette constatation, la considérer comme un fait, plutôt que de m’en remettre à des propositions ascétiques aux promesses incertaines. Pour l’instant, je choisis de faire confiance aux indications de mon corps de femme. »

Illustrations : Michel-Ange, David - Félicien Rops, Le droit au repos, le droit au travail, gravure - Sexe ailé, gravure d’après le Musée secret de Naples. 


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LES COMMENTAIRES (1)

Par 0594325026
posté le 24 mai à 23:40
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  • je trouver sa degeu mais si je vous dit que d e fille a fait l amour ensenble. voulervou me repondre stp