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578ème semaine politique: quel alibi reste-t-il au macronisme ?

Publié le 02 juin 2018 par Juan

  578ème semaine politique: quel alibi reste-t-il au macronisme ?

L'action politique est faite de promesses, tenues ou pas, de tactiques, avouables ou pas. Et aussi de symboles. Cette semaine, la France fut piteuse. L’actualité politique nous interroge.  

Quels alibis reste-t-il au macronisme pour se prétendre différent du conservatisme et du libéralisme, des programmes politiques que la droite, et parfois l'extrême droite, défendent depuis quatre décennies ?

 

 

La lucidité, ou la peur
Certains des fervents supporteurs médiatiques de Macron prennent aujourd'hui peur. Laurent Joffrin, dans Libération, fait ainsi le parallèle que d'autres à gauche font depuis de nombreux mois entre la politique d'Emmanuel Macron et celle de Margareth Thatcher: 
"Il n’y a pas plus de «nouveau monde» dans cette politique que de beurre en branche. Le tourbillon de réformes entreprises par le gouvernement Philippe à l’ombre de Jupiter se ramène à un plan somme toute assez plat : l’application à la France des réformes libérales à l’œuvre dans le monde depuis la révolution conservatrice de Ronald Reagan et Margaret Thatcher." Laurent Joffrin, 31 mai 2018, Libération.
Laurent Joffrin a peur. Paris Match évoque ces "électeurs de gauche déboussolés par un Macron trop à droite."
Les rares alibis de progrès social que le macronisme portait en lui ont sauté. Le "et de gauche, et de droite" est devenu "et de droite et d'extrême droite." Au "social-libéralisme" de Hollande a succédé un libéralisme hautain et agressif qui fout la trouille à celles et ceux qui ne veulent donner aucun crédit à toute alternative politique.
La radicalité thatchérienne de Macron décourage celles et ceux de ses soutiens qui croyaient tenir la meilleure incarnation politique du faux compromis social-libéral.
On doute même de l'efficacité du jeune monarque. Macron avait défendu ses cajoleries avec Trump, qui ont fait rire ou pleurer, sur l'antenne de BFM il y a 10 jours. au nom de l'efficacité diplomatique. la semaine suivante, patatras... Donald Trump humilie l'Europe, et la France, en imposant des taxes sur l'importation d'acier et d'aluminium de l'UE. Macron braille que c'est "illégal". C'est la seconde fois que la "diplomatie du bisou" avec le Clown de la Maison Blanche échoue en moins d'un mois. Début mai, Trump avait sagement écouté Macron lui demander de reconsidérer sa position sur le nucléaire iranien, avant de dénoncer l'accord noué par son prédécesseur Obama et la communauté internationale.
Immigration, la nausée.
578ème semaine politique: quel alibi reste-t-il au macronisme ? La politique migratoire du gouvernement Macron/Philippe ne recueille pas le soutien de tous ses propres supporteurs. Certain.e.s se sont levés, d'autres se sont abstenus ou se sont cachés.
La loi Asile et Immigration votée il y a un mois, rebaptisée "Code de la Honte" par des associations humanitaires tant elle réduit les droits des réfugiés, fustigée par le Défenseur des Droits ou Amnesty international, a été suivie par des éructations à la limite de la xénophobie du ministre de l'intérieur, semaine après semaine.
Mercredi au Sénat, Gérard Collomb récidive lors d'une audition au Sénat. Le propos est préparé, il n'y a aucun échauffement ni accélération du débat qui excuserait a posteriori le dérapage. Ce n'est pas un dérapage, Collomb pense ce qu'il dit. Ce n'est pas la première fois qu'il le dit.
« Les migrants aussi font un peu de benchmarking pour regarder les législations à travers l’Europe qui sont, on va dire, les plus fragiles, et vous voyez par exemple que telle nationalité, que là encore je ne citerai pas, elle se dirige plutôt sur tel pays non pas parce qu’elle est plus francophile, mais parce qu’elle juge que là, c’est plus facile. »
Silence gêné dans les rangs, tollé ailleurs.
Quel alibi humaniste reste-t-il au macronisme ?
Présidence des riches
578ème semaine politique: quel alibi reste-t-il au macronisme ? Serge Dassault décède de vieillesse, à son bureau, lundi matin. Une France politique se presse en hommages en tous genres ("grand capitaine d'industrie, à la tête d'entreprises qui font la fierté de notre pays" d'après Laurent Wauquiez, "un industriel d’exception" dixit Bruno Le Maire), parfois aussi ridicules qu'indécents comme celui de Manuel Valls (" son nom, celui de son père, rayonne depuis des décennies en France et dans le monde entier ") .
Le marchand d'armes reçoit les honneurs  de la République, cérémonie et hommages militaires aux Invalides à Paris. Il manquait la patrouille de France, mais Deux Rafale et un Falcon 8X passent au-dessus des lieux. Le premier ministre est là pour célébrer Dassault, un "génie français". Le patron du Figaro, racheté en 2002, a des alliés partout. On lui prête même une sympathie pour Mélenchon, qui pourtant reste silencieux durant ce concert de louanges mielleuses.
Quel sens donner à cet hommage ? Au cours de sa longue carrière, Serge Dassault a été condamné pour diverses affaires pour "entrave au fonctionnement du comité d'entreprise" et "corruption active", mis en examen pour "achat de votes", "blanchiment" et "complicité de financement illicite de campagne électorale". Jamais Dassault ne fut-il gêné par une quelconque paire de menottes, à la différence de ces quelques lycéens du lycée Arago, placés en garde à vue la semaine passée pour avoir... occupé une salle sans l'accord de la direction de l'établissement.
Répétons la question: quel sens donner à pareil hommage républicain ? 
Il n'y en a qu'un, Serge Dassault était un patron puissant, un membre éminent de la France d'en haut.
Et qu'importe ses actes
A l'instar de Joffrin, nombreux sont les observateurs centristes, initialement convaincus par la macronista, qui s'interrogent sur la politique élitiste du jeune monarque: les cadeaux fiscaux urgemment votés à l'automne en faveur une poignée de centaines de milliers de foyers riches représentent plus que la somme de toutes les autres mesures d'économies d'impôts ou de cotisations pour les 98 autres pourcents de la population. Mais ces cadeaux ne devaient être qu'une première phase, celle destinée à provoquer le "ruissellement" des flots de richesses et d'emplois créés. Il n'en fut rien. Macron a empilé une politique fiscale de classe sur la politique de l'offre inefficace de son prédécesseur.
Depuis bientôt quatre mois, la Macronista est dans sa phase "sociale". 
Ne souriez pas. 
"On a baissé l'impôt sur les sociétés, on a mis en place la flat tax, on a supprimé l'ISF." Gérald Darmanin, Les Echos, 23 mai 2018.

En janvier, le budget 2018 entre en vigueur avec ses 4 milliards d'euros d'économies demandées à la Sécurité sociale (dont 1,6 milliards d'euros sur les hôpitaux). En février, la grande réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Puis la préparation de la SNCF à la privatisation du rail. La création d'un bac différencié (via le contrôle continu) et éliste (grand oral, matières littéraires), et des affectations post-bac (libre sélection des établissements publics) complète le tableau. Face aux mouvements de grogne, puis de grève dans certaines facs, des établissements hospitaliers, ou des gares, le gouvernement se fige dans ses éléments de langage et envoie la troupe. Il s'agit de caricaturer les protestataires en "violents", "minoritaires", "gauchistes" et, surtout, répondre qu'ils ont beau protesté, rien ne changera dans la feuille de route.
Provoquer plutôt que dialoguer.
Cette semaine, le gouvernement lance son show sur la réforme des retraites. Les éditocrates macronistes se rassurent: quelle belle méthode ! Macron englobe tous les régimes de retraites, habille sa réforme d'une exigence, réelle, de simplification, et s'abrite derrière un sondage numérique avant de passer en force dans quelques mois.
31 mai, ouverture de la "plateforme". Ô surprise... Pas une rubrique sur les retraites chapeau des dirigeants d'entreprises !  Quelque soit le régime commun futur issu de cette réforme, si l'objectif est de proposer "un système universel de retraite où les règles seront communes à tous" (dixit le gouvernement), il s'agit de veiller à ce que les entreprises ne puissent accorder de retraites plus favorables à leurs dirigeants. Les retraites-chapeau ont été interdites par une directive européenne ... depuis 2014. Mais la France tarde à transposer cette directive dans son droit national. 
Quelle surprise...
Le lancement de cette tartufferie - pourquoi une consultation si Macron répète à l'envie qu'il applique son programme, et uniquement son programme ? - est brièvement occulté par une fausse polémique qui fait frémir ceux qui espéraient que le virage social de la macronista était enfin arrivé.
578ème semaine politique: quel alibi reste-t-il au macronisme ? Deux ministres, Le Maire puis Darmanin, se sont succédé sur les  ondes pour fustiger le nombre, le montant et la complexité des aides sociales. Le premier a dit qu'il faudra les réduire. Le second a dit qu'il y en avait trop. Puis le premier ministre renchérit en fin de semaine, il pose la question de "l'efficacité" des aides sociales. Qui peut critiquer pareille démarche ? Qui veut soutenir le maintien d'aides "inefficaces" ? Le même premier ministre, comme ses ministres de l’Économie et des Comptes publics, ou son patron de président, ou l'ensemble de ses supporteurs connus ou anonymes, ne se sont JAMAIS posés la question de l'évaluation de l'efficacité, ou des contrôles et contreparties à exiger du CICE (40 milliards d'exonérations de cotisations sociales accordées aux petites et grandes entreprises), de la suppression de l'ISF pu du plafonnement de la taxation des revenus du capital. Les prestations sociales représentent 700 milliards de dépenses annuelles.
Edouard Philippe réfute qu'il y ait un projet de réduire les prestations sociales. C'est un mensonge: la simple augmentation du forfait hospitalier - 2 euros de plus à charge des patients -, l'augmentation des déremboursements (par exemple des médicaments prescrits pour la maladie d’Alzheimer, intégralement déremboursés à la fin de l'été) sont des réductions de prestations sociales.
A l'inquiétude sociale, s'ajoute la trahison écologique.
La trahison écologique
Macron, et ses porte-voix, aiment à souligner combien il ne fait appliquer le programme sur lequel il a été élu. En matière d'environnement, les promesses étaient rares, mais symboliques. Jupiter eut beau jeu de faire des selfies avec quelques banquiers et Arnold Schwartnegger en décembre pour célébrer la "finance verte". Aujourd'hui, on se demande ce que fait encore Nicolas Hulot au gouvernement.
A l'Assemblée nationale, nouvelle défaite pour celles et ceux qui espéraient un peu d'écologie en macronista. Une majorité des député.e.s macronistes présent.e.s votent une loi sur "l'agriculture et l'alimentation" qui est surtout un fiasco écologique.
Dans un éditorial, Le Monde, peu suspect d'antimacronisme primaire, parle de "défaite environnementale":"les parlementaires ont fait preuve d’une complaisance inédite pour les intérêts économiques de l’agroalimentaire et d’une surdité tout aussi remarquable aux revendications de la société civile."  En quelques heures de débat, cette loi devient un catalogue de promesses non tenues et de renoncements inavoués. Les éléments de language tweetés et relayés par quelques snipers macronistes n'y changent rien.
C'est une tartufferie.
  1. L'utilisation du glyphosate est pérennisée.
  2. La création d'un Fonds d’indemnisation des victimes des produits phytosanitaires est repoussée.
  3. Les publicités pour l’alimentation transformée restent autorisées.
  4. Les élevages hors sol de poules pondeuses en cage sont autorisés.
  5. Les pratiques brutales dans la production animale (castration à vif, broyage de poussins vivants) restent légales. 
  6. La vidéosurveillance n'est pas rendue obligatoire dans les abattoirs,Les épandages de pesticides à proximité des lieux de vie est autorisée. 
  7. L'étiquetage "renforcé" pour certaines denrées alimentaires (présence d'OGM, mode d'élevage, origine géographique, ou encore le "nombre de traitements par des produits phytosanitaires sur les fruits et légumes frais") est repoussé à  2023.
Les plus zélotes des macronistes se rassurent en soulignant combien le texte aidera les agriculteurs, en "contre la déflation des prix et assurer une juste répartition de la valeur" grâce à diverses mesures telles le relèvement du seuil de revente à perte ou des modalités de construction des prix de ventes des producteurs. Mais la jambe "alimentation" de cette loi bipolaire est un cadeau à la malbouffe, à la souffrance animale et aux pesticides. Les maigres avancées sont l'obligation de 50% de nourriture bio dans la restauration scolaire (en 2022... sans commentaire),
La question revient: au-delà du reniement de nombre de promesses du candidat Macron, quel message cette "majorité" conservatrice envoie-t-elle au pays ?
***
578ème semaine politique: quel alibi reste-t-il au macronisme ?Qu'on se rassure. Macron dispose encore de jolis soutiens. 
Le Parti Médiatique s'efforce toujours de minorer ou caricaturer l'opposition, de lui chercher querelle sur autres choses que justement les sujets en vogue à la Macronista (avez-vous entendu un débat sur les propositions alternatives à la réforme des retraites, des cheminots ou de la politique fiscale ailleurs que dans les médias différents tels Le Media, Politis, le Monde Diplo ou quelques autres ?). 
Macron a aussi ses fans qui lui consacrent des documentaires, financés par l'argent public sans que cela choque ni n'émeuve. Les mêmes qui fustigent, à raison, le contrôle de l'information vénézuelienne se taisent prudemment sur ces publi-reportages égériaques.


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