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579ème semaine politique: décrypter la novlangue macroniste.

Publié le 09 juin 2018 par Juan

  579ème semaine politique: décrypter la novlangue macroniste.

Pour conquérir les esprits, la macronista utilise une "novlangue", un langage positif, neutre, parfois technique, pour décrire la réalité, adoucir la dureté de son action, masquer l'inégalité de sa politique. Ce n'est pas nouveau, mais c'est plus grossier qu'avant.


"Trump mon ami"
579ème semaine politique: décrypter la novlangue macroniste. Au Canada où se tient un G7, le jeune monarque fait le spectacle. Ses bisous, poignées de mains, embrassades et plantage d'arbuste aussitôt déraciné une fois parties les caméras, le mois dernier avec le clown de la Maison Blanche n'y auront  rien changé. Donald Trump n'en a fait qu'a sa tête. Il a dénoncé l'accord sur le nucléaire iranien et, surtout, imposé des taxes douanières sur l'acier européen. Plus grave encore, il se moque sur Twitter, quotidiennement, des haussements d'épaules et saillies verbales du jeune Jupiter.
Avant ce G7, spectacle de la mondialisation, Trump attaque, rit et raille. Emmanuel Macron tweete comme une brute. Il menace d'organiser un G7 à 6, sans les Etats-Unis, première puissance mondiale. Cet éclair de lucidité sur le gouvernement américain désormais isolationniste arrive bien tard et sonne bien ridicule. Que comprendre de l'attitude de Macron qui plante des arbres avec Trump devant les photographes un jour et, quatre semaines après, déraille sa voix dans des sons trop aigus à cause d'une déception diplomatique ?
Que Jupiter est inconséquent, donc fragile, et peu crédible. Il fallait lire les tweets amusés de Trump à l'égard du jeune monarque.
Quand Trump et Macron enfin se rencontrent à La Malbaie au Québec, la presse insiste sur cette poignée de mains où Jupiter laisse l'empreinte de son pouce sur le dessus de la main du président américain.
On a les victoires qu'on peut.
"Les aides sociales ne sont pas efficaces."
579ème semaine politique: décrypter la novlangue macroniste. Benjamin  Griveaux réécrit la réalité, comme à chaque fois. Porte-parole du gouvernement, porte-flingue de la macronista, l'ancien strauss-kahnien est l'une des meilleures voix de la novlangue macroniste. Il faut l'écouter pour comprendre les éléments de langage, Griveaux est avec Castaner l'un des meilleurs spécimens.
Un jeudi matin sur France inter, "la première matinale de France", Griveaux sourit jaune quand on l'interroge sur les révélations du jour, le favoritisme financier suspect dont a bénéficié la campagne électorale du candidat Macron, ou les conflits d'intérêt du secrétaire général de l'Elysée, le jeune Kohler ("Il n’y a pas de fragilisation du Président").  
 La Macronista est prise dans deux nouvelles affaires. Une arnaque au financement des comptes de campagne ignorée par la Commission de Contrôle, et un conflit d'intérêt. 

Mais Griveaux est très efficace en novlangue. Ainsi souligne-t-il que la macronista n'entend pas baisser les aides sociales puisqu'elle a augmenté les minima sociaux. Notez déjà la confusion volontaire, assimiler les aides sociales aux minima sociaux, quelle belle réduction de réalité ! Les minima sociaux ne sont qu'une partie des aides sociales (12% des prestations sociales), qui incorporent notamment aides au logement (réduites par Macron en 2018), les prestations familiales ou la prime d'activité que les ministres Darmanin et Le Maire songent à réduire également.
Mais Griveaux continue et relaye ce que tous les zélotes macronistes répètent sur d'autres ondes: "Il y a neuf millions de personnes en situation de pauvreté en France. Si les aides sociales étaient efficaces, ça se saurait et ça se verrait et ça se verrait mieux que ça". Le message est passé: les aides sociales seraient inefficaces. Saper, petit à petit, le concept même d'aide et de redistribution, voilà l'objectif.
Griveaux ment effrontément. La France est l'un des pays les moins inégalitaires des pays occidentaux grâce à ses aides sociales. Les aides sociales, plus que l'impôt, réduisent les inégalités: un exemple statistique, répété par l'INSEE, "en 2016, le niveau de vie des 10% de Français les plus riches était 23 fois supérieur à celui des 10% les plus pauvres, avant  l’impôt et la distribution des aides. Après, l’écart se réduit à 5,7."
Sans pudeur, Griveaux réitère sa saillie verbale sur "l'homme pauvre"  qu'il veut sortir de la pauvreté par le travail. Cette reconversion du slogan sarkozyste - travailler plus pour gagner plus - cache mal la précarisation du travail qui à l'oeuvre. Novlangue encore quand il ose affirmer: "Moi je considère que c'est le travail qui, aujourd'hui, est un facteur d'émancipation, de progression". Les ordonnances Travail passées en force à l'été 2017 ont supprimé 200 000 postes de représentants de salariés dans les entreprises, accorder plus de liberté aux employeurs pour aménager des conditions de travail moins favorables que les accords de branche et créer le contrat de travail salarié le plus précaire. Mais Griveaux, indécent, répète les mots, tout aussi indécents: "émancipation", "État d'investissement social", "épanouissement". 
Le lendemain, sur la même antenne, un jeune économiste français, Gabriel Zuckman, dépeint de quelques phrases l'échec de la théorie du "ruissellement" chère à Macron et ses sbires: "Aux États-Unis, cela a provoqué un niveau d'inégalité aussi élevé que dans la Russie de Vladimir Poutine." La réduction massive des impôts pour les classes les plus aisées opérées il y a bientôt quatre décennies par l'administration Reagan, associée à une dérégulation des marchés financiers, a provoqué une explosion des inégalités outre-Atlantique.
Mais chut... Dormez tranquille.
"Les assignés à résidence"
579ème semaine politique: décrypter la novlangue macroniste. C'est la formule à la mode en macronista. Pour tenter d'échapper à l'accusation de servir les intérêts des rentiers, cette présidence des riches s'est inventée un vocabulaire: soutenir les "premiers de cordées", comme les avait appelé Emmanuel Macron lors de l'un de ses exercices de publicité télévisuelle en début d'année, n'avait pas retourné les esprits, bien au contraire. Jupiter fut raillé. La nouvelle formule pour défendre le darwinisme social macroniste serait la lutte contre "l'assignement à résidence", c'est-à-dire promouvoir l'égalité des chances, corriger les inégalités de départ nées des hasards de naissance, d'héritage, de culture. Au passage, les mesures les plus coûteuses de la première année de la macronista s'inscrivent en faux avec cette nouvelle doxa - suppression de l'ISF, réduction de l'imposition des revenus de la rente. Mais passons. Prenons les macronistes au mot.
Les mêmes conseillers élyséens, a-t-on fuité dans la presse, ont parait-il un "plan" pour contrecarrer cette désastreuse image de Président des riches qui colle aux basques d'Emmanuel Macron. Une note "confidentielle" est communiqué au Monde (#lol),  et sans surprise on y apprend que les trois conseillers de la première heure s'inquiètent: "le thème de la lutte contre les inégalités d’accès, qui était constitutif de l’identité politique du candidat, est occulté."
L'essence même du projet idéologique libéral consiste en cela: permettre à chacun un accès équitable à la grande compétition de chacun contre les autres, et que le meilleur gagne. Les perdants, dans ce monde idéal où "l'assignation à résidence" initiale aura été corrigée.
A quelques lieues de l'Elysée où les conseillers élyséens peaufine la communication jupitérienne sur fond de publi-reportages de l'agence Bestimage, une "famille en danger", comme elle se surnomme, en appelle aux dons pour se payer un avocat, avant une échéance judiciaire fatidique et l'expulsion programmée de leur maison familiale. Les quelques milliers d'euros sont heureusement rassemblés, un nouvel espoir.
Ce drame particulier, tristement exemplaire du chômage et de la précarité, ne rentre pas dans le cadre de la novlangue macroniste du moment sur les "assignés à résidence". Les victimes du monde Bisounours de cette présidence des riches, "ceux qui ne sont rien" comme les a qualifié Emmanuel Macron, sortent du cadre.
"La grève ne sert à rien"
579ème semaine politique: décrypter la novlangue macroniste. Ont-ils honte de ce qu'ils font ? Les voici qu'ils lisent le dernier brûlot d'Edouard Louis, un jeune auteur issue de ces fameuses classes de travailleurs pauvres dont prétend se soucier Benjamin Griveaux: Dans son dernier ouvrage "Qui a tué mon père", l'écrivain décrit l'impact, direct, immédiat, de ces "réformes" qui réduisent les prestations sociales au nom de la Dette, du Marché et de l'Efficience. Quand l'Elysée fait fuiter que les conseillers élyséens apprécient l'ouvrage, Louis réplique violemment et sagement: "mon livre s'insurge contre ce que vous êtes et ce que vous faites. Abstenez-vous d’essayer de m’utiliser pour masquer la violence que vous incarnez et exercez. J’écris pour vous faire honte. J’écris pour donner des armes à celles et ceux qui vous combattent."
Cette présidence qui lit Édouard Louis n'a pas de mots assez durs contre le mouvement social. 
Les jours de grève se poursuivent à la SNCF. Le taux de grévistes s'affaisse, et la loi de "réforme" passe au Sénat. A l'Elysée, on se réjouit. La novlangue macroniste fait rage: la grève aurait échoué, Macron aurait tenu bon.
Certes, la fin du statut de cheminots est prévu pour 2020, et la privatisation du rail est maintenue, par étape à partir de 2020 (TGV, puis les TER entre 2019 et 2023, puis en 2033 pour les autres lignes). Pourtant, sans cette grève, le gouvernement n'aurait pas cédé sur d'autres points cruciaux: Macron a été forcé de faire acter dans la loi l'incessibilité des titres de la future société anonyme SNCF, après l'avoir refusé aux députés de la France insoumise. Il a aussi été contraint d'apporter des garanties sociales qu'il refusait initialement, sur les transferts de personnel en cas de privatisation de ligne ou la création d’un périmètre social ferroviaire.
Plus discrètement encore, à Rouvray, près de Rouen, la cinquantaine de personnel hospitalier de l'établissement psychiatrique de la ville, en grève de la faim depuis deux semaines, ont obtenu la création de 30 postes supplémentaires.
Oui la grève, parfois, ça paye.
"Les HLM ne pourront pas être rachetées par des “fonds spéculatifs” "
579ème semaine politique: décrypter la novlangue macroniste. A l'Assemblée nationale, les députés godillots détruisent les maigres avancées récents du droit en matière de logement, une "grande dérégulation" résume Le Monde. Ils ont baptisé cette démolition la loi "ELAN' ("Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique"). Notez l'introduction du terme "numérique" dans l'intitulé, ça fait moderne. Qui voudrait s'opposer à la modernité ? La novlangue commence là, dans le titre même des lois.
Il y a d'abord cette victoire du lobby immobilier, gêné par l'obligation faite aux nouvelles constructions d'appartement d'être accessibles aux handicapés. Désormais, seuls 10% des logements neufs devront remplir ce critère. Les députés godillots expliquent que l'ancienne obligation était "compliquée" à gérer.
Il y a ensuite le détricotage de la la loi SRU vieille de 18 ans: les communes pourront comptabiliser pendant une décennie dans leur obligation de logement social les ex-HLM vendus au privé. Le gouvernement se fixe d'ailleurs un ambitieux objectif de vente de logements HLM à leurs locataires, de 8 000 à 40 000 par an... Un (trop) jeune député godillot vient défendre la mesure à la radio, il conteste que ces ventes de HLM puissent profiter à des fonds d'investissement privé: "ça a été une fausse information qui a circulé sur ces fonds de pension (...). On parle de sociétés HLM créées expressément pour, justement, la vente de ces logements, mais il ne s'agit pas de fonds spéculatifs, de fonds financiers."
Il ment. L'AFP le dément le lendemain. Cette présidence des riches et des rentiers peine à trouver les mots justes. La novlangue a ses limites. 
Il y a aussi cette dérégulation de la loi "Littoral", pour construire et bétonner plus vite, plus simplement, plus largement, le littoral français là où il y a encore des "trous" entre les habitations. Tollé, scandale, et protestation. Cette fois-ci, le gouvernement recule, les députés godillots suivent les nouvelles consignes.
"Fermeté et humanisme"
Au Sénat, la droite durcit le Code de la honte, aka la loi asile et immigration. A l'instar de leur camarade Gérard Collomb, quelques centaines de vieux blancs bourgeois s'inquiètent du "grand remplacement". Au slogan "humanisme et fermeté", les sénateurs ont préféré "cohérence et efficacité".
La République est loin, très loin. Les sénateurs ont décidé de refuser l’extension de la réunification aux frères et aux sœurs des réfugiés mineurs. Ils ont aussi durci les conditions d'accès à l'aide médicale d'Etat (300.000 personnes concernées) en la limitant aux personnes migrantes souffrant de "maladies graves ou douloureuses", "à la médecine préventive" et aux "soins liés à la grossesse".
L'Aide Médicale d'Etat coutait entre 10 et 30% de l'économie d'impôt que ces mêmes sénateurs ont accordé à 350 000 foyers en supprimant l'ISF.
 Ont-ils honte de ce qu'ils font ? Pas forcément.
Quelle novlangue vont-ils inventé ? 
Une enquête sondagière inquiète: "un sondage pointe un risque de coupure «définitive» avec l'électorat de gauche" explique le Figaro. Sans rire ? Enfin ? Le seul "maintien" sondagier de Jupiter ne tient qu'à la droite filloniste.
Qui est surpris ?


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