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La pieuvre nucléaire

Publié le 08 juillet 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
Mardi, 08 Juillet 2008 22:10

La pieuvre nucléairePar Corinne Lepage

La décision annoncée par le Président de la république de construire un deuxième EPR révèle s'il en était besoin, la gravité de la situation française au regard du fait nucléaire. Notre prisme de plus en plus déformé à l'égard de l'industrie nucléaire est en passe de nous plomber sur le plan intérieur comme sur le plan international.
Entendons nous bien. Il ne s'agit pas de sortir du nucléaire ou de contester le nucléaire a priori même si nos élites ont la fâcheuse habitude de nier tout inconvénient. Il s'agit de mesurer les ravages que le choix aujourd'hui de l'EPR va provoquer dans le domaine de l'économie, de la recherche, de la gouvernance,et de la politique étrangère.

Sur le plan économique d'abord, la réalisation d'un puis de deux EPR, sans aucune étude d'impact économique et sociale préalable aboutit à préférer créer 400 emplois là où la même somme, soit 2 fois 3,5 milliards d'euros aurait permis, si elle avait été investie dans les énergies renouvelables d'en créer entre 50 et 100 000. De plus, la création de ce deuxième EPR, alors qu'EDF elle-même indique que nous n'en n'avons aucun besoin avant 2020, va ruiner l'industrie et l'effort naissant en faveur du renouvelable, directement concurrent du nucléaire.

Car le nucléaire ne nous apporte rien pour remplacer le pétrole dans le transport et a été un formidable encouragement au gaspillage énergétique, au retard français dans le développement de l'efficacité énergétique et l'industrie du renouvelable qui dopent l'économie de nos voisins. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, cette décision de surcapacité volontaire va tuer l'intérêt économique des énergies alternatives puisque EDF ou Suez devront vendre leur électricité nucléaire qui ne se stocke pas et a une efficacité énergétique très faible.
Alors pourquoi cette précipitation alors même que les immenses difficultés rencontrées par Areva dans la construction de l'EPR en Finlande comme à Flamanville justifierait au contraire une réflexion de fond sur la filière de troisième génération ?
Il faut chercher la réponse non pas dans une nécessité énergétique qui n'existe pas ou qui justifierait une solution en faveur des ENR mais dans le mécano financiaro-industriel consistant à permettre à Bouygues de mettre la main sur Areva après avoir marié GDF et Suez sur le dos des abonnés au gaz qui ont et continuent à  payer la facture .

Cette décision s'inscrit donc dans le choix de privatiser l'énergie y compris le nucléaire, la création d'un nouvel EPR étant destiné à orner la corbeille de la mariée. Or, cette privatisation nous fait courir un risque immense en terme d'indépendance nationale et  de sécurité Alors que l'Allemagne s'interroge sur les fuites de radioactivité d'un de ses laboratoires souterrains, a-t-on imaginé ce que représenterait pour l'agriculture et l'industrie agro-alimentaire françaises un problème de cette nature ?
Mais, les effets pervers ne s'arrêtent malheureusement pas là. En effet, le fléchage de l'immense majorité des crédits publics vers le secteur nucléaire et le CEA privent de moyens des pans entiers de la recherche française en particulier dans les nouvelles énergies et focalisent par exemple sur le plateau de Saclay, les moyens quia auraient pu aller vers les universités.
Or, tout ceci se fait dans l'opacité qui est précisément une des grandes caractéristiques du choix nucléaire français. Si nous sommes si réticents à informer le public, si le secret défense joue un rôle si fort et en parfait décalage avec les pays démocratiques, c'est largement du au poids du nucléaire  qui ne vit que du secret, refuse les informations sur les risques, sur les coûts réels et contamine l'ensemble de la société même s'il dispose d'un droit spécifique dérogatoire du droit commun non seulement sur l'accès à l'information amis aussi sur le droit de polluer l'air ou l'eau. Or, bien loin de s'améliorer, la situation se détériore et contribue à la malgouvernance française.
Enfin même la politique internationale est fortement impactée par le retour au tout- nucléaire..

>>>Pomme de discorde en Europe où le choix français n'est pas majoritaire loin de là qui participe du différend avec Madame Merkel , accusée de ne pas relancer le nucléaire  tout en défendant Siemens que Bouygues voudrait bien voir chasser.

>>>Instrument de la diplomatie française qui conduit à vouloir vendre des centrales à tous les pays du monde à commencer par ceux qui n'offrent aucune garantie ni en terme de sécurité ni en terme de dissémination et de devoir soutenir ces « clients «  y compris dans les plus mauvaises causes.

Après la responsabilité historique que nous portons sur les risques en terme nucléaire qu'ont fait courir au monde l'Irak puis l'Iran, nous souhaitons aujourd'hui doter la Libye, l'Algérie et pourquoi pas un jour la Syrie de centrales nucléaires. Toute décence et toute défense des droits de l‘homme s'effacent devant l'impératif commercial et les liens profonds que le nucléaire impose de tisser avec les acheteurs.

Ainsi, la diplomatie du nucléaire tend à s'imposer faisant dans le domaine international comme  dans le domaine interne l'alpha et l'omega de la politique française . Si l'industrie du nucléaire actuelle et future s'en réjouit, rien ne dit que la nation française y trouve son compte.

Corinne LEPAGE

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