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Peut-on interdire à un citoyen de quitter son Etat?

Publié le 10 juillet 2008 par Duncan

CJCE, Arrêt du 10 juillet 2008, Aff. C-33/07, Jipa.

Un Etat membre (la Roumanie in casu) peut-il prendre des mesures afin d'interdire à un de ses ressortissants de quitter son territoire pour des motifs touchant à l'ordre public?
L'originalité de la question posée à la Cour tient au fait qu'elle inverse les valeurs. Alors que, le plus souvent, les Etats prennent des mesures pour éloigner des ressortissants d'autres Etats de leur territoire, il s'agit ici d'une autre facette de la libre circulation, le droit de quitter son territoire.

L'affaire concernait M. Jipa, citoyen roumain. Il avait quitté la Roumanie en 2006 à destination de la Belgique. Il est rapatrié en Roumanie à cause de sa "situation irrégulière" dans ce pays. La Roumanie entend prendre une mesure pour interdire à M. Jipa de se rendre en Belgique pendant 3 ans pour le seul motif de sa situation irrégulière dans ce pays.
Celui-ci conteste cette décision tirant notamment argument de la directive 2004/38 sur la libre circulation des citoyens européens, notamment ses articles 18 et 27.
La Cour va considérer tout d'abord que "en tant que ressortissant roumain, M. Jipa jouit du statut de citoyen de l’Union aux termes de l’article 17, paragraphe 1, CE et peut donc se prévaloir, y compris à l’égard de son État membre d’origine, des droits afférents à un tel statut, et notamment du droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres tel que conféré par l’article 18 CE". La situation de M. Jipa ressorti bien du droit communautaire d'autant plus que l'article 4 de la directive prévoit explicitement qu'un citoyen européen a le droit de quitter le territoire de son Etat pour se rendre dans un autre Etat membre.
Toutefois, des limitations sont possibles. Même si, en principe, M. Jipa a le droit de circuler, des limitations, d'interprétation stricte, peut y être apporté, notamment pour des raisons touchant à l’ordre public ou la sécurité publique.
En l'occurence, "la circonstance qu’un citoyen de l’Union a fait l’objet d’une mesure de rapatriement à partir du territoire d’un autre État membre où il séjournait de manière irrégulière ne saurait être prise en considération par son État membre d’origine, afin de limiter le droit à la libre circulation de ce citoyen, que pour autant que le comportement personnel de ce dernier constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société" (point 26).
Or, la situation en cause ne semble pas rencontrer ces conditions. En effet, la mesure prise se fondait "uniquement sur la mesure de rapatriement dont ce dernier a fait l’objet à partir du territoire du Royaume de Belgique en raison du fait qu’il se trouvait en «situation irrégulière» dans cet État membre, à l’exclusion de toute appréciation spécifique du comportement personnel de l’intéressé et sans aucune référence à une quelconque menace que celui-ci constituerait pour l’ordre public ou la sécurité publique. Le gouvernement roumain précise par ailleurs, dans ses observations écrites, que la décision des autorités belges ayant ordonné le rapatriement de M. Jipa ne reposait pas non plus sur des motifs d’ordre public ou de sécurité publique" (point 27).
Toutefois, il appartiendra au juge de renvoi roumain d'apprécier cette condition in concreto. Elle devra également apprécier, si "ladite limitation du droit de sortie est propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre" (point 29).

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