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La libération d'Ingrid Betancourt: Au-delà de la belle histoire du dénouement....

Publié le 11 juillet 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

La libération d'Ingrid Betancourt: Au-delà de la belle histoire du dénouement....par Jacques PILET
Le tumulte autour de la libération des otages des FARC n'aide pas vraiment à comprendre ce qui se passe en Colombie. Les retransmissions en direct des embrassades de l'icône Ingrid avec ses proches et un président français ravi de l'aubaine, les vidéos bizarres sur le raid de l'armée, tout cela montre les limites de l'information télévisée.
Quant aux révélations sur les dessous de l'affaire, quant à la petite polémique entre Bogota et Berne, ce ne sont que péripéties. L'essentiel, c'est la liberté retrouvée des prisonniers de la jungle, c'est la joie du peuple colombien qui n'en peut plus des exactions de ces pseudo-révolutionnaires. C'est aussi la réussite d'une opération qui n'a pas fait couler une goutte de sang. Jusqu'à Chavez et Castro, tous ont félicité le président Uribe! Comme dit son homologue équatorien Correa, «même Che Guevara, s'il avait connu les mœurs de cette guérilla-là, en aurait eu honte».

Cela dit, personne n'est obligé de prendre au mot la version officielle. Tout a été bien sûr plus compliqué. La belle histoire qu'on nous raconte ne tient pas debout. Il est impensable que les gardiens des otages aient pu monter dans un hélicoptère en pensant qu'ils allaient rendre visite à d'autres chefs de l'organisation. Même les plus stupides ne pouvaient ignorer que les militaires, forts de la technologie américaine, ont le contrôle du ciel et les moyens d'empêcher tout vol suspect. Ils savaient donc que le gouvernement était dans le coup. Et pour cause: c'est bien d'une reddition qu'il s'agit. Un peu maquillée pour sauver la face des uns et des autres. Tout indique que depuis des mois, découragés, ils cherchaient à libérer leurs victimes et, surtout, à se tirer du guêpier au mieux. L'offre du pouvoir adressée aux bandes de l'extrême gauche comme à celles de l'extrême droite de rendre les armes en échange de l'impunité et d'un coup de pouce pour leur réintégration est tentante. Elle a déjà été acceptée par des milliers d'hommes.

En quoi de telles transactions seraient-elles choquantes? Vaudrait-il mieux écrabouiller les villages proches des insurgés? La méthode utilisée n'a rien de «répugnant», pour citer l'incompréhensible qualificatif de nos confrères du Temps. Evidemment, les émissaires extérieurs qui espéraient un échange formel, même au prix d'une reconnaissance de fait des FARC, sont déçus. Mais on comprend qu'Uribe ait préféré une issue sans contre-partie politique.

Ses services de renseignement ont admirablement travaillé. Profitant du désarroi de l'adversaire. Ainsi va la guerre. Celle-ci est en passe d'être gagnée grâce aux moyens techniques sophistiqués mis à disposition par les Etats-Unis. Ecoute et décodage des téléphones satellites, observation de l'ennemi par le survol des drones... et analyse du disque dur du commandant Reyes, tué en Equateur.

La mémoire informatique peut jouer de méchants tours. Ainsi, cet ordinateur révèle des détails piquants sur l'action de l'envoyé spécial de la Suisse, le professeur genevois Jean-Pierre Gontard. Les tuyaux ont été refilés - par qui, sinon par les services améri- cains? - à la Weltwoche qui en profite pour clouer Micheline Calmy-Rey au pilori. Bien dans la manière du magazine blochérien. Mais un jour, celle-ci devra néanmoins en dire plus sur les missions de son homme de confiance dans ce dossier. Est-il allé trop loin dans le copinage avec les insurgés? La question se pose. Le fait est que la Suisse a perdu du crédit dans ce micmac. Alors que, dans l'ensemble, son travail diplomatique et humanitaire en Colombie est digne d'éloges.

Reste à savoir ce qu'Uribe fera de ce succès. Loin cependant d'être encore la fin de la guerre. Il bénéficie de l'appui massif de la population. Le voilà renforcé face aux critiques de la Cour suprême qui met en doute la légitimité de sa réélection. Mais réussira-t-il une réconciliation démocratique? La poigne et la ruse ne suffiront pas à venir à bout de la violence endémique et de la misère persistante. Pourtant, ce pays, riche d'une population travailleuse et réveillée, se prend à espérer. La sécurité - encore très relative! - s'améliore. L'essor économique est réel. Il y faudra aussi, enfin, un pas vers un semblant de justice sociale.
Jacques PILET


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