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Les consequences du non irlandais (1)

Publié le 15 juillet 2008 par Lheretique

Valérie Sachs, centriste indépendante au Conseil de Paris, réagit au Non irlandais au Traité de Lisbonne. Elle s'interroge sur les moyens de sortir l'Union Européenne de la crise.

Le Conseil européen de juin 2008 s’est soldé par un échec. Les conséquences du NON irlandais sont renvoyées à un rendez-vous ultérieur l’automne prochain.
La campagne européenne qui se profile, à l’issue de la présidence française, m’incite à présenter à mes collègues les propositions suivantes que je porte et défends depuis une dizaine d’années. Le groupe « Centre et Indépendant » du Conseil de Paris, s’il veut s’imposer comme le moteur de la réflexion au sein de la Fédération de Paris, doit proposer et innover.
Aussi, je propose la rédaction d’un préambule qui confirmerait ce que nous faisons ensemble, en se fondant sur la Charte des droits fondamentaux, proposerait les modalités d’un droit de retrait volontaire et serait ratifié par un référendum européen, le jour des élections du Parlement européen en juin 2009.
La philosophie politique du mythe européen ébranle le fondement même de la théorie de l’Etat, construite pour justifier l’optique nationale. L’Union européenne ne peut se lire au travers du prisme des concepts politiques et juridiques traditionnels car elle découple les notions classiquement liées de Peuple et d’Etat.
Le concept de souveraineté est le noeud gordien de l’architecture européenne. L’Union se fonde sur le principe essentiel d’une souveraineté partagée, en contradiction avec l’affirmation d’une souveraineté une, indivisible, inaliénable. L’acte constituant européen ne peut être ni une constitution ni un traité international. La notion de peuple n’a pas de réalité dans le cadre de l’Union. Aussi la réalité européenne rompt avec
l’imaginaire du corps moral, social, national.
Le projet de Traité constitutionnel mêlait la notion historique de constitution et le principe de souveraineté une et indivisible, et obligeait à développer des concepts post-nationaux qui échappaient aussi au droit international public. C’était une des raisons du rejet des peuples français et néerlandais, comme du manque d’entrain des Luxembourgeois…
Le Traité de Lisbonne a tenté de refermer la parenthèse ouverte par la Déclaration de Laeken1, de mettre un terme à l’épopée conventionnelle, par l’abandon du concept constitutionnel, la volonté de gommer tout élément caractérisant l’Etat, jusqu’à nier l’aspect émotionnel des symboles : hymne, drapeau désormais tabous. Les défauts de Lisbonne sont inhérents à ce type de traité : une connivence impossible avec le citoyen, une Europe à plusieurs vitesses par l’ampleur des concessions accordées aux Britanniques ou aux Polonais2, mais de vrais moyens d’action pour l’Union.
La différence entre les deux projets portait davantage sur la méthode que sur le contenu et au NON des peuples français et néerlandais succède le NON du peuple irlandais. Le refus des peuples est-il une fatalité pour la construction européenne ? L’histoire européenne devrait-elle reprendre finalement son cours dans un nouveau déni de la politique et du politique, l’émotion retombée?

L’Union européenne a, comme Etat de droit, des besoins identiques à ceux d’un Etat traditionnel même si la logique démocratique n’a jamais pris le pas sur la logique interétatique. A défaut de légitimation démocratique, la construction européenne a établi sa légitimité sur un mode dit légal-rationnel désormais considéré comme insuffisant.
L’Union européenne semble pourtant avoir perdu son âme dans le champ clos des affrontements entre les intérêts nationaux et les groupes rivaux, quand elle devrait fonctionner selon des structures de délibération, d’inclusion et de réactivité. L’excès de réalisme de la méthode des « petits pas », l’apparence technocratique du processus, et l’image véhiculée par les gouvernants nationaux pour des raisons de politique
intérieure, paralysent le projet européen. Le traité de Lisbonne venait confirmer un recul certain de l’esprit européen et le retour des égoïsmes nationaux.
Une codification juridique n’est pas un « projet civilisationnel ». Il lui manque l’imaginaire à l’origine des fondations politiques modernes. Le Traité constitutionnel comme celui de Lisbonne ont échoué à convaincre que derrière la réelle technicité pointait un idéal.

1 La Déclaration de Laeken restera dans l’histoire comme la prise de conscience officielle du « déficit démocratique ».
2 Protocole n° 7 pour la Pologne et le Royaume-Uni.


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