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« RTE est le seul frein à la privatisation d'EDF. »

Publié le 11 juillet 2008 par Energie2007

Quelques heures après l'adoption par le Parlement européen d'une « troisième voie » pour les réseaux de transports de gaz, Patrick Larradet, administrateur salarié (CFDT) de RTE, explique pourquoi cette option a été refusée pour l'électricité. Et rappelle que les réseaux de transport d'électricité en France sont un monopole naturel qui impose de garder RTE dans le giron du service public.

Quelques heures après l'adoption par le Parlement européen d'une « troisième voie » pour les réseaux de transports de gaz, Patrick Larradet, administrateur salarié (CFDT) de RTE, explique pourquoi cette option a été refusée pour l'électricité. Et rappelle que les réseaux de transport d'électricité en France sont un monopole naturel qui impose de garder RTE dans le giron du service public.



Energie2007 : Avant-hier, 9 juillet, le Parlement européen a adopté le texte relatif à la prochaine directive gaz. Il semble donc que l'on s'oriente vers une « troisième voie », celle du gestionnaire de réseau de transport indépendant (GRTI) pour le gaz tandis que celle-ci a été refusée pour l'électricité…
Patrick Larradet : Ca devait aboutir pour une raison simple : du côté de certains Etats-membres, ça pousse un peu moins fort côté gaz. Pour l'électricité, il faut dire les choses comme elles sont : la séparation patrimoniale vise à affaiblir des grands groupes comme E.ON, RWE et EDF. Avec des arguments très différents selon qu'ils émanent des Verts ou des Libéraux du Parlement européen, mais une motivation identique. Pour les Verts, affaiblir EDF, c'est affaiblir le développement du nucléaire. Du côté des Libéraux, il s'agit d'entraver le développement d'EDF, un groupe public, qui a réussit à l'étranger. Cela dit, dans l'hypothèse, quasiment impossible à mettre en œuvre, où EDF devrait céder RTE, entreprise valorisée entre 8 et 10 milliards d'euros, cela représenterait autant de cash à dépenser pour acquérir d'autres entreprises et ainsi concentrer le marché… On voit là l'absurdité de tels raisonnements.
Pourquoi vous semble-t-il presque impossible qu'EDF cède RTE ?
Patrick Larradet : Déjà le 9ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 dispose que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ». C'est exactement le cas du réseau de transport d'électricité- alors que ce n'est pas la même chose pour le gaz (où il y a GRT Gaz et TIGF), encore moins pour les réseaux de distribution. Il faudra donc trouver un acquéreur majoritaire pour RTE qui soit public. Lorsque je regarde autour de moi, je n'en vois pas beaucoup qui ait la capacité financière ! Aujourd'hui, on a un problème constitutionnel sur cette question qui bouscule le tour de table de RTE. On ne peut vendre le réseau de transport qu'à un opérateur public, au moins à 51%. Et je serais étonné que l'on trouve une majorité des deux tiers au Parlement pour faire sauter ce verrou constitutionnel…
Par ailleurs, si EDF vend une partie de RTE et en garde 51%, est-ce que cela garantira mieux l'indépendance de RTE ? Faut-il privatiser la justice pour la rendre indépendante ?
Jacques Percebois nous confiait récemment que c'était l'intérêt d'EDF de vendre RTE, justement pour pouvoir se développer en Europe…
Patrick Larradet : C'est à EDF qu'il faut poser la question ! Cela dit, un constat s'impose : les banquiers sont entrés dans le monde de l'énergie. Il n'y a plus de vision industrielle mais simplement des approches financières : « Si RTE est devenu un actif, combien rapporte cet actif ? » De fait, cet actif sera peut-être moins rentable à l'avenir : RTE est le second consommateur d'électricité en France derrière ERDF. L'entreprise est donc touchée de plein fouet par la hausse des prix. Sans oublier qu'on lui demande de plus en plus d'enfouir ses réseaux…
Enfin, il y a un élément à ne pas négliger : RTE est le seul frein à la privatisation d'EDF. Les autres activités (production, distribution…) ne sont pas en monopole. Seul le transport constitue un monopole naturel national. Pour EDF et pour l'État, vendre RTE aurait donc une signification hautement politique…
A propos de l'enfouissement, que vous inspire la décision relative à la ligne THT transpyrénéenne ?
Patrick Larradet : L'État a créé un précédent et ne l'a pas expliqué. Mené ainsi, je considère que le règlement du problème des Pyrénées, c'est le fait du Prince ! Aussi ouvre-t-on les vannes aux revendications des uns et des autres, ce qui est un réflexe logique. Le problème, c'est que l'enfouissement coûte cher. Il est donc temps de définir précisément sur quels critères RTE devra enfouir ou pas. Il faut des critères publics, transparents, qui permettent de définir des cibles sans contestation : sites exceptionnels à préserver, densité de la population… et donner à RTE les moyens de mener cette politique. Pour que ce soit acceptable, il faut se mettre sereinement autour de la table avec les acteurs légitimes et ne pas avoir peur de ce débat-là. Sinon, c'est la boite de Pandore : « pourquoi chez eux et pas chez nous ? »
Consulter le blog de Patrick Larradet: Agir au coeur du service public de l'électricité.




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