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2008 : l'information se cherche un contre-pouvoir

Publié le 15 juillet 2008 par Jean-Marie Le Ray


Tirer les leçons du scoop 100% Web de Médiapart, qui n'a été relayé ni par la presse traditionnelle ni sur Internet, pour mieux réfléchir à l'établissement et la crédibilité d'un contre-pouvoir de l'information en ligne.

http://www.sxc.hu/pic/m/d/di/digi/1031425_tech_2.jpg

Crédit photo : John Lee/SXC

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N.B. Une version de cet article a été publiée dans le dossier de Contre-Feux dédié à Ingrid Betancourt, mais sous une forme un peu trop "journalisme à l'ancienne" pour mes goûts.
2008 : l'information se cherche un contre-pouvoir
C'est-à-dire, pour reprendre le commentaire de François, sans lien externe ni sans rien qui facilite la lecture.
D'où la re-publication sur mon blog de ce billet tel que je l'ai conçu, plus aéré pour le rendre plus lisible, et riche en liens hypertextes comme à mon habitude, car un article sans liens est comme un jour sans pain, une véritable disette. Le jour où les médias traditionnels comprendront cela, ils feront un grand pas vers leur émancipation...

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La presse exerce-t-elle aujourd'hui un contre-pouvoir de l'information ?
De catastrophe en catastrophe, la révolution Internet remet à plat le fonctionnement des cinq grands médias traditionnels, et notamment la presse.
Qui avait pourtant réussi à négocier brillamment le passage du XIXe au XXe siècle, à prospérer, même, allant jusqu'à devenir en de maintes occasions la « voix des sans-voix », ce qui lui a justement valu de recevoir le titre de quatrième pouvoir (initialement compris comme un contre-pouvoir aux trois pouvoirs traditionnels - législatif, exécutif et judiciaire).
Or, tel que le constate amèrement Ignacio Ramonet dans une brillante analyse (qui se bonifie en vieillissant, à l'instar d'un vin de qualité, un Bordeaux, par exemple ;-) (c'est moi qui graisse) :

Depuis une quinzaine d’années, à mesure que s’accélérait la mondialisation libérale, ce « quatrième pouvoir » a été vidé de son sens, il a perdu peu à peu sa fonction essentielle de contre-pouvoir. Cette choquante évidence s’impose en étudiant de près le fonctionnement de la globalisation, en observant comment un nouveau type de capitalisme a pris son essor, non plus simplement industriel mais surtout financier, bref un capitalisme de la spéculation.

Une citation que semble aujourd'hui corroborer ... Médiapart

 :

L'Autorité de sûreté nucléaire dispose-t-elle des moyens d'alerte suffisants à un moment où les contre-pouvoirs en matière d'information demeurent faibles?

C'est bien évidemment la deuxième partie de la phrase qui m'intéresse : « à un moment où les contre-pouvoirs en matière d'information demeurent faibles ! »
Doux euphémisme en général...
Et en particulier, probablement aussi, le constat de l'isolement de Médiapart, échaudé d'avoir constaté que même le plus gros scoop du monde peut ne rien valoir dès lors qu'il est publié sur un média ... à part !
Imaginez un instant qu'Edwy Plenel ait sorti une pareille histoire dans un édito du Monde, bien avant que ne commencent les règlements de compte...
Imaginez, oui, un seul instant : repris en boucle par toutes les agences, tous les journaux, dans la presse étrangère, sur Internet, partout, une résonance ... mondiale !
Tandis que là, rien. Un pet dans l'eau. Quelques petites bulles et puis s'en vont.
Moi cette histoire m'interpelle, pas vous ? Car ça veut dire que si rien n'est fait pour se faire entendre, l'information indépendante va avoir bien du mal à sortir la tête de l'eau. À défaut des bulles. Nous sommes en plein dans l'asymétrie de crédibilité de l'information. Permettez-moi de me citer moi-même :

Il y a asymétrie lorsque :
* la source objectivement crédible est subjectivement perçue comme non crédible
* la source objectivement non crédible est subjectivement perçue comme crédible
cas de figure auxquels s’ajoute cet autre double problème, propre à Internet et aux médias de masse :
* la source objectivement crédible est largement ignorée (il y a crédibilité sans notoriété / visibilité)
* la source objectivement non crédible est largement suivie (notoriété / visibilité sans crédibilité)

Oui, nous y sommes, en plein ! Puisque de plus en plus de gens ignorent allègrement quelques sources objectivement crédibles perdues dans la masse, en buvant crédulement les mots de maintes sources non - ou moins - crédibles mais largement surmédiatisées.
Voilà peut-être quelle serait la leçon à tirer du scoop de Médiapart, fièrement ignoré par l'opinion mainstream : « Le quatrième pouvoir médiacratique médiocratique de la presse ne joue plus aujourd'hui le rôle qui le légitimait hier » !
Cette histoire n'étant que la pointe de l'iceberg, un exemple noyé dans un océan de manigances, de compromis et de collusions avec les pouvoirs économico-politiques en place.

* * *


Existe-t-il un cinquième pouvoir, et de quoi s'agit-il ?
Idéalement, ce serait « la nouvelle mobilisation politique qui se dégage au travers d’internet, sans mettre l’accent sur internet lui-même », destinée à « bouscule(r) l'ordre établi ».
Ce serait également, toujours dans l'idéal, l'expression de l'opinion publique, en réalité manipulable et manipulée à souhait. Tous les pouvoirs le savent, à commencer par nos « démocraties », dont l'Italie est le parangon moderne...
Pour autant, concrètement, on chercherait en vain dans ce soi-disant cinquième pouvoir la voix (voie) quelconque d'un nouveau contre-pouvoir de l'information !
Rien de plus que des consciences assoupies, anesthésiées sous la coupe de l'antique stratégie « panem et circenses », et si l'on n'y veille, le sixième grand média qu'est devenu Internet empruntera le même chemin savonneux que les cinq précédents.
Donc pour répondre à la question « Existe-t-il un cinquième pouvoir ? » : en théorie, oui, dans la pratique, non !

* * *


Tel est le constat, désabusé mais point encore désespéré, qu'il convient de faire si l'on veut résolument contribuer à jeter les bases et réunir les conditions propices à l'établissement d'un contre-pouvoir crédible de l'information en ligne.
Il n'est jamais trop tard pour bien faire, paraît-il...


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