Magazine Journal intime

Me voici une licorne

Par Anniedanielle

Depuis l’été 2017 que je me sentais moins bien.
Je me souviens d’avoir dit à plusieurs personnes, plusieurs médecins, que c’était comme si mon Florinef ne faisait plus effet.

En 2010, après mon diagnostic d’hypotension orthostatique (le POTS, ai-je su plus tard), on m’a prescrit de la fludrocortisone pour augmenter mon volume sanguin… et en quelques jours seulement ça a été la jour et la nuit! Je suis passée de ne pas avoir de vie, incapable de rester debout plus que quelques minutes, m’évanouissant même juste à être assise à table… à pouvoir faire quelques cours de danse, conduire, marcher! J’étais loin d’être en santé… mais j’avais une bien meilleure qualité de vie!

Mais au cours de 2017, je me sentais de nouveau comme 7 ans auparavant… je ne pouvais plus trier les vêtements d’un coup sans devoir aller m’assoir, ne pouvait plus préparer un repas. Même pas les bonnes journées… j’en avais moins, d’ailleurs.

J’avais eu des problèmes hormonaux depuis l’automne 2016, avec ma prolactine trop élevée (finalement liée au Domperidone que je prenais pour ma gastroparésie, après avoir eu une grosse frousse).
J’avais des symptômes comme des bouffées de chaleur, des faiblesses, des pré-syncopes, de la fatigue, un gain de poids (alors que j’avais plus de nausées et que je mangeais moins), puis une perte de poids rapide, sans raison (plus de 10 lbs en moins d’un mois! …poids repris par la suite, en quelques semaines aussi), une baisse de ma libido et des règles n’ayant rien de régulier.
Une fois le Domperidone cessé, ma prolactine est retournée à la normale, mais les symptômes ont continué.

Toujours pas mieux

Quand j’ai revu mes médecins, je leur ai fait remarquer que, si j’étais bien sûr très heureuse de ne pas avoir de tumeur… je n’allais toujours pas bien. Alors d’autres tests ont été faits, surtout pour la thyroïde. Qui s’est avérée être à la limite de l’hypothyroïdie… puis normale le mois suivant. Puis encore à la limite de l’hypo… puis normale.
Les médecins ont décidé de ne rien faire et de continuer à surveiller ma thyroïde.

On a aussi testé les hormones en lien avec la ménopause… après tout, j’approchais de la quarantaine, ma mère a eu sa ménopause très jeune… et on ne fait jamais rien normalement quand on a un syndrome d’Ehlers-Danlos, alors pourquoi pas? Mais tout était normal de ce côté.

Puis, à l’été 2018, j’ai eu des symptômes cardiaques.
Principalement des palpitations plus intenses que j’en avais jamais eu, avec une grosse nausée, de la difficulté à respirer et parfois de la douleur à la poitrine (mais avec mes costochondrites à répétition, c’est vraiment difficile à dire).
J’ai même dû me présenter aux urgences en septembre (j’ai raconté la visite et sa suite ici).

Me voici une licorne

En gros, mon cardiologue et le médecin résident de l’urgence avaient des théories semblables : mon coeur réagissait (mal) à l’inflammation causée par ma costochondrite et mon état général, et c’était tout ça ensemble qui causait le problème… la solution était donc de contrôler l’inflammation et la douleur.
La bonne nouvelle était que mon coeur lui-même semblait en bon état, mais il fallait faire attention, car ces palpitations et cette tachycardie le mettaient en danger… comme un élastique qu’on étire trop et qui finit par lâcher… et avec le SED, l’élastique il est déjà pas solide pour commencer!
C’est littéralement l’image qu’a utilisée mon cardiologue.

Avec cette visite à l’urgence et mes rendez-vous en cardiologie, endocrinologie, avec mon médecin de famille et d’autres, j’ai eu beaucoup de prises de sang les derniers 6 mois de 2018.

Le cortisol perdu

Quand j’ai vu mon endocrinologue 27 novembre 2018, j’avais une longue liste de problèmes à discuter avec lui, comme toujours.
Mais nous n’avons discuté de rien de tout ça.

À mon entrée dans son bureau, il a longuement regardé mes résultats sur son écran, sans rien me dire… Après un temps j’ai demandé où était le problème. Il m’a dit « je cherche ton cortisol ».
Son infirmière, que je vois avant chaque rendez-vous, avait rapidement passé mes résultats en revue avec moi et m’avait dit, entre autres, que mon cortisol était beau, en passant par-dessus en tournant les pages.
Alors j’ai dit que, mais oui, il était là mon cortisol, je venais juste de le voir!
J’ai demandé la permission de prendre la pile de feuilles sur le bureau, il me les a données, a dit « c’est à la page 4 ».
Là je comprenais encore moins.
S’il savait où c’était, pourquoi il cherchait?!

Alors il m’a expliqué…
Le résultat indiquait < 22, et ça signifiait que ça pouvait être zéro aussi bien que 22. Mais que c’était tout aussi bien dire que j’en avais pas du tout, la normale étant entre 101 et 536.

L’infirmière n’avait rien vu, parce que ce n’était pas souligné dans le rapport (pas de petit B ou H, pas d’étoile à côté du chiffre, rien).

Après ça on se demande comment ça se fait que des résultats importants sont manqués! On dirait qu’ils font exprès pour ne pas souligner les anomalies…
À mon avis, même les résultats qui ne sont que près de la limite devraient être notés d’un astérisque! Si par exemple, dans ce cas-ci, mon résultat avait été de 100… c’est très proche du 101… on devrait le noter, afin que le médecin porte attention, vérifie le tableau d’ensemble, voire fasse repasser le test bientôt pour confirmer que tout va bien.
Mais non! On laisse ça bien difficile à comprendre, et on s’assure comme ça que ce soit facile à ne pas remarquer…

J’avais passé la prise de sang le 18 octobre. Le docteur a probablement reçu le résultat dès la semaine suivante. Mais ne l’a pas regardé. L’infirmière ou la secrétaire aura passé les résultats en revue rapidement, mais sans indication sur le rapport, rien n’était « à signaler ». Bien sûr, on le voit tout de suite si on prend le temps de vérifier les valeurs de référence, mais qui prend ce temps dans un système débordé? Surtout quand, en général, les anomalies sont indiquées automatiquement. Personne n’a avisé mon médecin non plus. Peu importe les résultats que le laboratoire voit passer, il ne semble y avoir aucun mécanisme pour s’assurer que le patient soit pris en charge.
Je l’ai vu le 27 novembre, je répète… Plus d’un mois après!

L’endocrinologue m’a posé plusieurs questions, pour confirmer les informations qu’il avait… Je ne prenais pas de prednisone? Pas d’opiacés à doses plus élevées que ce qu’il avait au dossier? Je n’avais pas eu d’injection de cortisone récemment? Pas de nouveau diagnostic dont il ne serait pas au courant? Et quelques autres questions comme ça…

Le choc

Il m’a alors dit qu’il était très, très inquiet (je le vois plusieurs fois par an depuis 4 ans : je le connais et je voyais bien qu’il était en mode panique, comme quand il a cru que j’avais une tumeur au cerveau).
Et il m’a annoncé qu’à moins qu’il ne s’agisse d’une erreur du laboratoire (ce dont il doutait fortement), mes glandes surrénales ne produisaient plus de cortisol.

J’ai demandé s’il parlait bien de la maladie d’Addison (mon cerveau en avait un vague souvenir, datant de mes cours de biologie d’université); il m’a confirmé que c’était le cas, et que c’était TRÈS dangereux.

Il m’a dit qu’il allait me faire repasser une prise de sang immédiatement pour confirmer le diagnostic et m’a donné rendez-vous trois jours plus tard, à l’hôpital plutôt qu’à sa clinique, puisque j’y avais rendez-vous avec mon généticien à deux portes de son bureau, afin de m’accommoder et que ce soit plus rapide.

Soudainement, c’était urgent… mais ça faisait deux ans que je n’allais pas bien, et plus d’un mois que le résultat dormait dans mon dossier.
Ce genre de chose me fâche toujours!

Il a été au plus pressé dans ses informations, a même été un peu trop rapidement, ou dirais-je, avec un manque de gants blancs…
Il m’a dit que ma vie était en danger, que je devais à tout prix éviter le stress (…mal parti!), ne pas me blesser, faire TRÈS attention à moi.
En cas d’accident, d’appeler l’ambulance et de les aviser, ainsi que tout personnel médical, que je ne produisais pas de cortisol et qu’il fallait m’en donner…
A insisté pour que je me procure un bracelet d’alerte médicale indiquant que j’avais de l’insuffisance surrénalienne et que j’étais dépendante aux stéroïdes (je venais de me commander un nouveau bracelet même pas 3 semaines plus tôt afin d’avoir des informations à jour!).

Il neigeait dehors, alors il m’a demandé si j’étais venue seule en voiture. M’a dit que je ne pouvais absolument pas avoir d’accident! …ça fait tellement pas de sens, haha! « Mon médecin m’a prescrit de ne pas avoir d’accident, désolée. »
Quand il a su que j’étais avec ma mère, il a été très soulagé, et a voulu lui parler. Il lui a parlé seul, pendant que j’allais mettre mon manteau.
J’ai su par après qu’il lui avait dit que j’étais en danger de mort.
Comme ça : « Votre fille est en danger de mort, madame! ».
Il n’a pas pensé deux secondes à l’effet qu’il lui faisait!
C’est un bon médecin, même s’il est souvent perdu (il est très vieux, pratique depuis plus de 40 ans)… mais pour ça, je lui en veux encore.
Elle a tenu le coup devant moi, mais… Pauvre maman!

Je pense qu’il n’a pas fait attention avec moi, parce que c’était urgent et qu’il s’est dit que je suis habituée… patiente-expert et bachelière en psychologie, il savait que je connais la biologie et il savait qu’il pouvait expliquer clairement sans trop devoir vulgariser.
Mais il a oublié que j’étais aussi une patiente, humaine, et qu’il semblait m’annoncer une nouvelle assez grave.
Je dis « semblait », parce que ça frappait un grand coup et j’étais un peu perdue…
Et puis, après tout, 18 mois auparavant, il m’avait fait une grande peur, convaincu que j’avais une tumeur à l’hypophyse… et finalement ce n’était pas le cas. Il pouvait se tromper encore, non?

Ce que je savais, c’est qu’il m’aurait fallu éviter de conduire ou de marcher sur le trottoir même si j’avais pu, car si je me cassais le bras en tombant, je risquais de mourir.
…si le labo ne s’était pas trompé, bien sûr.
J’avais au moins compris ça!
Nous n’allions évidemment pas prendre de risque.

Nous avons donc été faire les prises de sang à l’hôpital immédiatement.
Et au retour j’ai commencé à m’informer.

Je ne voulais pas trop y passer de temps ou d’énergie, pas trop m’en faire, au cas où le nouveau résultat sanguin serait en contradiction avec le reste et que finalement je n’aie rien, ou complètement autre chose… mais je sentais que ce ne serait pas le cas.
Et plus je lisais sur l’IS, plus j’étais convaincue d’avoir ce nouveau diagnostic. Et j’avais raison.

La confirmation

Le vendredi 30 novembre 2018 j’ai donc été au rendez-vous, ma mère avec moi pour essayer de ne rien oublier (et comme soutien moral!).
J’ai même fait un enregistrement audio du rendez-vous, pour pouvoir m’y référer par après au besoin.

J’ai appris que je produisais encore un peu de cortisol, car au moment de la prise de sang, le 27 novembre, il était à 94… mais c’était sous un très gros stress. Alors qu’il aurait dû être, je le rappelle, entre 101 et 536 (sans stress!).
Chose certaine, ça confirmait que mon corps ne pouvait plus répondre aux situations de stress (que ce soit un choc émotif ou une douleur intense)… et en lisant les informations sur le sujet, j’ai compris que c’était ça, l’explication de mes symptômes cardiaques depuis les derniers mois… et aussi de la détérioration générale de mon état depuis 2016.

Le généticien m’en a aussi un peu parlé (ils en avaient discuté ensemble ce matin-là).
Ils étaient tous deux d’avis que mon insuffisance surrénalienne était d’origine autoimmune ou génétique.
Un pur hasard, une malchance totale.
Et l’IS est, elle aussi, une maladie rare (de 0.015% à 0.028% de la population, selon la National Institute of Diabetes and Digestive and Kidney Diseases – NIDDK, qui a pris ses infos dans cet article médical), on serait donc entre 1 200 et 2 250 au Québec.

Après maintenant un an avec la maladie, je peux dire que c’est encore moins connu, moins bien compris que les SEDs… et que les conséquences de cette ignorance en sont beaucoup plus graves (du moins que le SEDh)…

C’est donc en cette dernière semaine de novembre 2018 que j’ai réalisé que je n’étais plus un zèbre (la mascotte des maladies rares), mais bien une licorne… le rare, parmi les rares!

😂

Me voici une licorne

Bien sûr, je dis ça à la blague… je demeure un zèbre, triple zèbre présentement, avec le syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile, l’ectasie cornéenne et l’insuffisance surrénalienne. Un trio de maladies rares.
Mais ajouter cette touche d’humour et de fantaisie aide à mieux passer au travers!

Les premières infos

L’endocrinologue m’a donné peu d’informations, ce jour-là.
Il m’a dit en gros que c’était très grave et dangereux, mais qu’une fois que j’aurais commencé à prendre la médication (l’hormone de remplacement, un type de stéroïde, soit de l’hydrocortisone dans mon cas), je me sentirais vite mieux…
En parlant avec ma mère, il lui avait d’ailleurs dit que sûrement la majorité de mes symptômes disparaîtrait après même pas une semaine! Vous inquiétez pas, je n’y avais pas cru.

Il m’a indiqué que je devrais avoir avec moi en tout temps une seringue en cas d’urgence, car si j’avais un accident d’auto ou que je me cassais une jambe, je devrais m’injecter (même si l’ambulance s’en venait, je ne pourrais pas attendre).

Me voici une licorne
Trousse d’urgence IS

Il m’a aussi précisé que j’allais devoir prendre la médication religieusement, ne jamais tomber à zéro, car une crise surrénalienne (manquer de cortisol) pouvait être rapidement mortelle.
M’a donné comme instruction que si je vomissais je devais m’injecter, puis appeler le 911. De faire très attention si j’avais la diarrhée. D’augmenter ma consommation d’électrolytes (sodium, potassium)… alors que je devais déjà le faire pour ma dysautonomie! Et de faire très attention à la déshydratation.
Il m’a rappelé que je devais me commander un bracelet d’alerte médicale IMMÉDIATEMENT. Et qu’il voulait me revoir le mois suivant.

Et c’était tout.
J’avais les prescriptions pour la médication et une injection d’urgence. Mais il n’y a pas de trousse, pas d’auto-injecteur. On ne rencontre pas d’infirmière pour nous expliquer quoi que ce soit (c’est moi qui a expliqué l’IS à son infirmière le mois suivant). Il n’y a pas de groupe de soutien local, pas d’association québécoise, de clinique spécialisée. Il n’y a rien du tout.
Encore une fois, seul le Regroupement québécois des maladies orphelines est là pour nous aider et représenter les personnes atteintes.

J’ai commencé la médication et à m’informer.
Pendant presque deux semaines je n’ai fait que ça. Je n’arrivais pas à me concentrer sur quoi que ce soit d’autre de toute façon.

J’ai trouvé les associations réputées en ligne, lu des articles médicaux (une bonne vingtaine), de la documentation d’information provenant d’universités et d’hôpitaux et je me suis jointe à un groupe de soutien sur Facebook (Living with Addison’s Disease), qui a d’ailleurs une mine d’or de documents d’information de qualité.
Évidemment, tout ça uniquement en anglais, sauf rares exception, comme quand j’ai commencé à chercher de l’information sur le SED.

😔

L’insuffisance surrénalienne

L’explication rapide, c’est que l’IS ressemble beaucoup au diabète. Sauf qu’au lieu de l’insuline, c’est le cortisol que mon corps ne produit plus (il en produisait encore un tout petit peu il y a un an, mais plus assez et je serais morte sans traitement… maintenant mes glandes surrénales ne produisent plus du tout).

Le rôle principal du cortisol est d’aider le corps à répondre au stress.
Il joue aussi un rôle dans beaucoup d’autres choses, du niveau de sucre et de sodium dans le sang au métabolisme, en passant par la pression sanguine et les fonctions cardiovasculaires (via l’équilibre des électrolytes et des fluides), l’inflammation et même la mémoire!

En situation de stress (que ce soit le petit stress de rater le bus, le gros stress d’apprendre le décès d’un proche, mais aussi le stress physique d’une blessure ou d’une infection), le corps produit plus de cortisol pour répondre à cette demande supplémentaire.
Quand le corps ne le produit pas, le sodium et le potassium, par exemple, seront en déséquilibre… et ça peut très vite débouler et finir en arrêt cardiaque.

C’est là que j’ai vraiment commencé à comprendre.
Et à avoir vraiment peur.
Et à me sentir vraiment dépassée…

Je vous reviens très vite avec un article sur la suite des choses et comment j’ai apprivoisé ce nouveau diagnostic…


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