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Mariee Sioux, Faces in the rocks

Publié le 24 juillet 2008 par Bertrand Gillet


Terrence Malick explore habituellement des contrées sauvages en adoptant une posture formelle contemplative, filmant le monde qui s’éveille sous un fugace rayon de soleil, palpitant alors comme porté par un souffle ancestral. Un monde vierge de toute présence humaine où l’homme serait en toute logique une émanation de la nature, non une aberration. Malick devient alors un poète naturaliste, un photographe obsédé par l’idée de capter le vent, un envol de papillon, un trait de lumière, de restituer la vie dans son ensemble avec un minimum d’effets, de comprendre la terre et ce qu’elle porte en elle d’histoire, de contraction, d’instants ébahis. On retrouve aussi cette beauté quasi minérale dans les tableaux de George Catlin ou ceux de Frederic Remington, ces visages de chefs indiens, ces pleines balayaient par le vent, beauté cuivrée d’une scène de vie figée dans le temps. Malick a dû beaucoup scruter ces paysages imaginaires pour en restituer l’essence même, son regard quasi photographique a emmagasiné l’Histoire de l’Amérique, à l’époque où elle n’était qu’une terre des possibles, un hémisphère nu.  On imagine l’ascétisme d’une existence mue par une vision précise pour cataloguer dans un seul esprit autant d’images empruntées aux grands peintres de l’Ouest américains, aux écrivains, et aux poètes du XIXe siècle.  Toute son œuvre s’inscrit dans cette fascination pour les grands mouvements naturels, Malick serait d’ailleurs à ce titre à l’image des Natives. La balade sauvage, Les moissons du ciel, la ligne rouge et bien entendu Le nouveau monde témoignent de cette intransigeance mystique, de cette nature spirituelle. Mais ce qui est frappant dans le cinéma de Terrence Malick c’est le respect du rythme du temps, la patience qui l’amène à se poser devant un paysage, d’attendre que de nouvelles couleurs s’épanouissent à l’horizon et d’en filmer ainsi l’expansion. Pour ultime enluminure, il ne faudra que quelques mots, quelques lignes de dialogues, points imaginaires sur la carte du monde selon Malick. Cet authentique impressionniste aurait pu exercer son art au temps du muet, seul compte la force de l’image. Sans doute en est-il de même avec Mariee Sioux qui parle la langue folk avec la clarté des premières heures de la terre, comme un ruisseau qui échapperait au temps ou qui en serait plutôt la source. Son premier disque est d’une telle pureté qu’elle échappe à toute forme stérile de classification. La production sans fioriture en révèle la profonde et ancestrale beauté. Une flûte indienne en est le pouls et confère à chaque tableau une puissante singularité. Ces chansons folk plutôt longues semblent alors se soustraire au temps pour construire une réflexion intérieure si intense qu’elle dépasse les clivages, les tendances, les conjectures et les discours. Malicieuse et ingénue, comme innocente devant tant de splendeurs déployées, Mariee Sioux se place naturellement dans la tradition des grands folk singers comme Buffy Sainte Marie, Karen Dalton mais arrêtons là les citations qui sont l'apanage des chroniqueurs de salon. Avec humilité, dans une posture formelle contemplative. Ainsi va Faces in the rocks.

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