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L'OMC en échec : Attention à la résurgence des protectionnismes !

Publié le 29 juillet 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
Mardi, 29 Juillet 2008 22:19

Par William PETITJEAN

L'OMC en échec : Attention à la résurgence des protectionnismes !
Echec. Le mot est tombé, ce mardi soir,  de toutes les lèvres. Gravement. Sur les vingt points qui restaient à régler à l'OMC à Genève, 18 avaient trouvé une solution, ou presque. Le 19 ième  s'est soldé par un « accord impossible » . Comme ce type de « paquet » (qui aurait du être soumis à 135 pays de l'OMC) doit être accepté en bloc ou refusé, c'est bel et bien l'échec.

Le cycle de Doha qui aurait du être achevé en ...2004  se termine donc en que de poisson. Et personne ne se hasarde à faire un pronostic sur une reprise éventuelle des discussions. Pas de Plan B avant les élections américaines, de toutes manières ...Avec une menace à l'horizon : la résurgence d'un protectionnisme qui aggraverait la situation au lieu de l'améliorer.La responsabilité est sans doute collective, comme le souligne Mandelson, le Commissaire européen. Mais la facture ne sera pas également partagée...  

Sans doute, l'absence d'accord est-elle préférable à un mauvais accord. Mais cela n'est en rien une consolation. La proposition finale de Lamy(notre photo) n'était d'ailleurs pas un « mauvais accord ». L'analyse publiée à la suite de cette note le montre bien : l'Union aurait pu et du en tirer profit et parti

L'OMC en échec : Attention à la résurgence des protectionnismes !

Surtout,  l'impasse met fin aux espérances de  ceux qui rêvent d'une « globalisation » maîtrisée et non laissée aux  forces contradictoires, mais également nocives, de l'hypercapitalisme déchaîné, du protectionnisme sélectif et des vues à court terme d'égoïsmes pernicieux. C'est une occasion de mettre un peu d'ordre dans le commerce international qui est manquée. Ou du moins de faire un progrès qui aurait pu en appeler d'autres dans cette direction ?

Pour l'Europe, il s'agit d'un triple échec, sans compter que la non réussite personnelle de Pascal Lamy est aussi d'un certaine manière un mauvais signe pour elle: L'Union a affiché sa désunion. Elle a montré qu'elle ne pèse pas très lourd politiquement sur le cours des choses essentielles (le constat d'échec final s'est fait en dehors d'elle). Et elle risque de payer très cher l'occasion manquée...Ne serait-ce que parce que c'était elle qui (avec les moins développés) avait le plus à gagner dans cette affaire, en dépit des analyses contraires faites ici et là par des avocats d'une « Europe forteresse » qui oublient que les bénéfices réelles tirés de la libéralisation des échanges (mam médiatisés)  sont nettement supérieurs aux inconvénients (dramatisés médiatiquement)

C'est une  impasse entre les Etats-Unis d'un coté, la Chine et l'Inde de l'autre coté sur les importations qui a fprovoqué l'échec d'aujourd'hui. . Les négociations ont achoppé sur une clause de «sauvegarde spéciale» sur les importations de produits agricoles qui permet aux pays en développement d'appliquer des tarifs exceptionnels sur ces produits face à une forte hausse des importations ou une baisse des prix. Le tout afin de protéger leurs propres producteurs. Cette double intransigeance a été nourrie par quelques belles arrières pensées. Les Américains avaient peur pour leur coton. Et Indiens et Chinois  ne sont en fait pas pressés de rompre avec une situation dont ils peuvent encore tirer parti...

New Delhi, rejointe par les pays du G33 (pays en développement très dépendant de quelques produits agricoles), souhaitait que le seuil de déclenchement soit placé assez bas mais Washington s'y est opposé, estimant que le mécanisme pourrait dans ce cas devenir un outil protectionniste.

Après ces  neuf jours de discussions très ardues et serrées, Pascal Lamy dit ne pas vouloir jeter l'éponge. Le but à atteindre reste un objectif indispensable : trouver un terrain d'entente sur la baisse des subventions agricoles et des droits de douane sur les produits agricoles et industriels.
  « Je vais continuer à m'investir pour un meilleur système commercial mondial » Le cycle de Doha avait déjà connu un échec en septembre 2003 lors de la conférence de Cancun, au Mexique, qui s'était transformée en affrontement Nord-Sud autour de la question agricole. Il est clair que la crise alimentaire actuelle et la conjoncture marquées par les crises énergétiques, financières et géopolitiques n'ont pas favoriser les choses...

La désunion des Européens va sans doute, aussi,  marquer longtemps les esprits. Même si l'Union européenne n'est pas liée directement à cet échec de ce multilatéralisme tant prôné à paris et ailleurs... Le moins que l'on puisse dire, c'est que les attitudes françaises ont « surpris » nos partenaires, Allemands en tête.

Schizophrénie, dédoublement de la personnalité, jeux de rôles intenables ? En porte-à-faux le gouvernement français. Dans un grand écart difficilement tenable, Sarkozy.

Paris a refusé les dernières formules de compromis de Pascal Lamy dans le round final  de l'OMC. Soit. Mais Paris se devait (présidence du Conseil de l'UE oblige !) favoriser une position unique des Européens. Or  qu'a-t-on vu ?  Paris depuis des jours a fait tout non pour aboutir à une accord acceptable par les 27 mais pour rallier à « sa  cause » le maximum de pays de l'Union. Huit, ont suivi  la France qui, de l'aveu même de ses négociateurs « mène une fronde »...

Un présidence frondeuse, ce n'est pas exactement ce dont l'Union a besoin en cette période... A Genève, on a pu seulement confirmé qu'une Europe désunie ne pèse pas lourd sur les dossiers qui engagent l'avenir. Une leçon à tirer ?

William PETITJEAN

Sélection RELATIO sur Le Monde

Quand L'Europe aurait pu être gagnante...

Dans son édition du 12 juillet 2008, Le Monde a publié un article signé Lionel Fontagné  qui avait le grand mérite d'éclairer les enjeux de la réunion de l'OMC de Genève sous un angle rarement pris en compte. Nous  le reprenons partiellement ici en document de référence. Ce que l'Europe aurait pu gagner à un accord si... D'autres économistes ne partagent pas cette analyse, mais c'est une pièce à ne pas oublier dans les débats qui vont sans aucun doute se dérouler, en dépit de la trêve estivale...

« Un chiffrage fin démontre que le projet d'accord est avantageux pour l'UE »

(...) L'Union européenne a-t-elle intérêt à favoriser le bouclage de ce cycle ou bien à le torpiller ? (...)

Pour l'essentiel, les négociations s'organisent autour de trois dossiers : l'agriculture, l'industrie, les services. L'accord étant global, un pays peut accéder à des demandes de libéralisation de son agriculture, pour peu qu'il obtienne des avancées en termes d'accès aux marchés de l'industrie ou des services chez ses partenaires. Tel est l'enjeu pour l'Europe, dont certains membres trouvent que l'équilibre entre concessions et gains n'a pas été trouvé.

(...) Il est difficile de juger des conséquences de cet accord sans évaluation quantitative. Dans un travail récent, nous avons chiffré l'impact économique de cet accord par pays et par secteurs. Nous considérons l'horizon de long terme, lorsque les ajustements sont réalisés ; mais la moitié des gains seraient obtenus au bout de trois ans seulement.

En pourcentage du revenu mondial, ces gains sont limités, ce qui ne signifie pas que conclure le cycle soit inutile : les coûts de non-signature seraient un multiple de ces gains, la perte de crédibilité de l'OMC favorisant alors le régionalisme et les conflits commerciaux. Environ 70 milliards de dollars (44,5 millions d'euros) d'augmentation du revenu mondial sont à attendre.

La répartition Nord-Sud des gains est primordiale s'agissant du « cycle du développement ». En termes relatifs, le Sud gagne plus que le Nord ; mais le pourcentage d'accroissement s'applique au Nord à une taille économique sans commune mesure, de telle sorte qu'en termes absolus, le Nord gagne plus. L'UE obtiendra la part du lion : 28 milliards de dollars à elle seule. Notons enfin qu'aucun pays ne perd, même si les gains de certains sont très limités, comme l'Afrique.

Le bien-être est un autre critère utilisé par les économistes pour juger d'une politique économique ; il intègre en particulier les évolutions des prix respectifs des exportations et importations ou encore la variété des biens consommés. Selon ce second critère, le Canada, l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne voient leurs modestes gains annulés. Le commerce ne sortira pas à lui seul l'Afrique du sous-développement, faut-il le rappeler. Et surtout le commerce devra s'accompagner de financements et de politiques visant à faciliter les échanges.

Quels ajustements internes faut-il consentir pour obtenir ces gains ? La production agricole européenne baisse en moyenne de 1,9 %. Toutes les productions ne sont pas affectées au même degré. L'élevage, très protégé, sera plus affecté, par exemple. En termes d'emploi agricole, nous prévoyons un recul de 1,6 % dans l'UE. Mais surtout, des emplois sont créés dans l'industrie et les services, pour générer ces 28 milliards de dollars de revenu supplémentaire.

Au final, la piste d'atterrissage des négociations est bien choisie : il n'y a pas de perdants en termes de revenu. Elle est idéale pour l'UE, qui récupère une grande partie des gains. Enfin, les systèmes de sécurité disséminés dans l'appareil sont assez puissants pour le choc soit bien amorti à l'atterrissage. La question subsiste de savoir si l'on doit atterrir ou non. Le problème est que l'OMC n'a plus de kérosène. Avec le crash du système multilatéral, la porte serait ouverte à la résurgence du protectionnisme.

Lionel Fontagné

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