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"Gomorra" : l'anti-"Parrain"

Par Vierasouto
J'avais déjà vu ce film à Cannes le dimanche de fermeture du festival, avec 4 films enchaînés en séance de rattrappage et je m'étais endormie au bout d'une heure... J'en avais gardé le souvenir d'un film gris et crade avec des personnages lointains n'inspirant aucune sympathie, aucune empathie. Non seulement, ce n'est pas faux mais c'est voulu et revendiqué. D'abord, ce qui frappe, c'est cette absence de volonté de séduction : il semble que le nouveau cinéma ait depuis quelque temps réduit la séduction au minimum syndical, ou du moins, en a cassé les codes : on filme à présent la fiction, fut-elle insiprée de faits réels (comme c'est le cas ici), comme un documentaire vu en immersion, où le spectateur serait au coeur du film, un peu reporter, témoin lui-même de l'action, au plus proche de la réalité. Reproduire fidèlement la réalité, c'est l'objectif de "Gomorra", adapté d'un roman de Roberto Saviani qui dénonce les activités illégales de la Camorra napolitaine : un  mort tous les trois jours, un chiffre d'affaires insensé, les chiffres du générique de fin donnent froid dans le dos qu'on avait déjà glacé par le film... (depuis la parution de son livre, l'écrivain est condamné à mort par la Camorra, se déplaçant en voiture blindée, se cachant.)
La première scène est pourtant stylisée, cédant un peu à l'esthétique, c'est la seule, la faute aux UV qui colorent l'image, le portrait obèse, déformé d'un truand barraqué, trop musclé, trop bronzé, chaîne en or autour du cou, se faisant rôtir dans une cabine d'UV avec deux comparses dont l'un fait une manucure à côté, du violet, on passera au bleu et, soudain, le rouge, la tuerie... Mais, comme tout au long du film, les cadavres des types qu'on vient de descendre seront aussi peu glamour que ceux que peuvent voir un médecin légiste à la morgue, ça fait plus vrai que vrai.
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© Le Pacte Galerie complète sur AlloCiné


Deux ados, Franco et Roberto, un gamin, Toto, sont les presque héros, anti-héros de ce film où on enchaîne les scènes, les situations sur lesquelles on ne revient pas toujours, ce serait même le bémol du film : cet enchaînement des scènes isolées comme procédé risque, à la longue pour le spectateur, de devenir un peu fastidieux. Ils jouent à Tony Montana, ils veulent posséder le monde, et même Miami, comme coup d'essai, ils volent de la drogue au clan colombien, le caïd italien, patron du quartier, furieux qu'ils foutent le bordel dans ses arrangements avec les autres clans,  convoque les deux jeunes pour les engueuler, leur faire peur. Le type, torse nu, pas rasé, ne les regarde pas, il menace, il ordonne, quand les deux ados sortent, ils en déduisent que si un type aussi crade et nul peut commander, ils le peuvent aussi... Le caïd ne ressemble pas à Tony Montana, leur héros, loin s'en faut. Vers la fin du film, la bande des dirigeants est montrée comme elle est dans la réalité : pas de costumes élégants, de chemises en soie et de montres de prix, encore moins de Borsalino, le mythe de la représentation du truand au cinéma explose : trois types en t.shirt déformé par leur bedaine, short de plages et sandalettes, cheveux gras et visage graisseux, viennent de tuer froidement, les trois dirigeants du clan sont ces trois hommes qui ont l'air de beaufs au camping, très loin des fastes de la famille Corleone...

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Trafic de drogue, rackets permanents (le personnage du comptable Don Ciro, sorte de fonctionnaire du crime organisé), ateliers clandestins de contrefaçons de vêtements avec son lot d'ateliers chinois, comme partout en Europe, main mise d'entrepreneurs véreux en combine avec les politiques sur l'évacuation des ordures de Naples, produits toxiques qu'on déverse dans des champs, des carrières, empoisonnant les campagnes, les gens (voir aussi le documentaire "Biutiful cauntri"***). Dans cette sinistre banlieue avec ses barres d'immeubles gris, son ciel bas, ses logements lugubres, les personnages évoluent dans les dédales des immeubles, des couloirs, des passages, des arrières-salles, des vestiaires, des tunnels, du béton. Hors champ, des coups de feu, des sirènes de police, une arrestation dont on voit quelques images en alternatif, une situation qu'on vit de l'intérieur de l'appartement d'un des protagoniste, ce qui donne une idée du quotidien dans cette zone. Les favellas sans le soleil, sans la solidarité entre les habitants, sans la pauvreté extrême qui pourrait justifier qu'on vole, qu'on tue. Ici, le profit roi n'est jamais assez... Quoique les deux ados, Franco et Roberto, castés ni beaux ni laids, des physiques ordinaires, n'ont pas tellement le choix de leur vie : une seule valeur connue, l'argent, pour acheter des motos et de la drogue, un seul rêve, le pouvoir. Pas de femmes dans ce film sauf un personnage secondaire, Maria, courageuse, victime de refuser d'être expulsée, et quelques prostituées dans un bar.

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