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Small Sister

Publié le 15 août 2008 par Tt9

01

Déjà une demi-heure qu’il attendait. « Les contrôles peuvent prendre beaucoup de temps ici » dit son voisin d’attente, d’une voix monocorde. Bzzzzzit. Le scanner s’activa encore. Ogba continuait de transpirer. L’humidité de l’air augmentait encore. Une fournaise doublée d’une étuve. Soudain, la petite diode devint verte, et d’un coup, sans bruit, la porte s’ouvrit.
Une jeune femme lasse, en combinaison noire, lui fit signe de passer le sas. Lui ordonna de s’immobiliser devant elle. « Ouvrez la bouche, senior » dit la frêle vigile de seize ans à peine. Ogba, mâchoires ouvertes, se fit déposer par la fillette un minuscule buvard électronique. « Avalez, déglutissez » commanda t’elle. Sur l’écran à ses cotés, elle put vérifier la lente progression du mouchard dans le corps d’Ogba. « C’est fait, bonne visite et passez une agréable journée Misieur ».

02

Le secteur Etoile / Champs-Elysées était devenu uniquement piéton. De fait, la surveillance s’en trouvait accrue. Muhe arriva par le sas 8/47. La place de l’Etoile était noire de monde. Mais silencieuse. Depuis la construction d’une des principales entrées de la ville souterraine au pied de l’Arc de Triomphe et l’ouverture d’une gare intermodale, l’endroit avait déjà connu douze attentats suicides et deux attaques biologiques. Le quartier était constamment survolé de  nanodrones de détection intégrée et parsemé de check points draconiens. Muhe le savait, en était saoulé et blasé, mais devait y passer chaque jour. Son dealer avait ses bureaux sous la Seine, niveau –12, bloc 445 ouest, et il était hors de question de ne pas lui faire un debrieffing quotidien, et de visu. Les réseaux étaient devenus de vrais passoires.

03

Ogba arriva enfin dans le centre commercial. Un panneau volant le rassura en indiquant « Silicium Elyseum Market ». Il espérait y trouver ce pourquoi il avait fait tout ce putain de voyage. L’indic lui avait bien dit, «  le système est très au point, mais il n’y a aucune vente à distance, tu comprends bien, c’est du sur-mesure et évidemment, ça doit rester discret, alors… ». Des magasins d’électroniques, indiens, chinois, brésiliens, de plus en plus aussi de viet et de thai, des bureaux de change trafiqués, des restos, des chaînes de massages érotiques, des club, des automates indicateurs, des flics en civil, des putes multicartes, des travs, des dealers. Bref, la faune habituelle.

04

La nuit tombait sur Paris. Il était déjà 17h. Les moustiques allaient arriver. Dehors, les piétons remontaient leur capuche. Les fenêtres des immeubles de la rue de la Roquette se paraient de leurs traditionnelles moustiquaires. Sur le trottoir les lampions s’allumaient. Le vent faisait virevolter les détritus de la journée et n’arrivait pas à apporter un peu de frais à cette satanée chaleur. Les néons grésillaient, les écrans s’allumaient, les rames de métro aérien se faisaient plus nombreuses sur le toit des immeubles. Les gens partaient travailler. Leopold remonta la rue en se frayant un chemin parmi les vélos, pousse-pousses, mendiants, poubelles, chats, chiens, gamins errants pour arriver devant la résidence d’Audrey.

05

Cela faisait maintenant presque cinq ans jour pour jour que le commandement européen avait pris la décision d’inverser le rythme biologique. Les gens sortaient et travaillaient la nuit, se reposaient et dormaient la journée. La productivité avait, en quelques années  seulement, fait un bond considérable. La température du plein jour n’était plus supportable. La lumière trop aveuglante, les accidents trop nombreux. Perte de connaissance, agressivité, aveuglement, déshydratation. La décision avait été prise un jour de novembre, au nord de la Norvège, là où la commission européenne avait désormais installé son quartier général.

06

Au bout d’une impasse, une devanture indiquait en lettres électroluminescentes « Serguei Protobody Concept Shop ». Il y était. Un chien trafiqué le renifla quant il franchit le seuil, lécha avec envie sa nike chinoise et reparti devant son écran. Un petit homme en blouse blanche et monté sur rollerblade s’approcha. « Bonjour, je suis Hector ». Ogba le suivi.
07

Muhe s’engagea dans l’ascenseur géant, lequel dix secondes plus tard le déposa au niveau –12. Il descendit dans la bousculade, héla un taxi, lui indiqua l’adresse et dix minutes plus tard salua son dealer. Moussa était grand et peu engageant. Un colosse en costume noir et système respiratoire assorti. Sa sixième overdose lui avait été quasi fatale. Il fonctionnait depuis sous assistance artificielle. Son cerveau était irrigué de sang coréen de mauvaise qualité, qui s’auto renouvelait en permanence. En résultaient de constantes sautes d’humeur qui faisaient de lui un être absolument ingérable. Mais Moussa était le dealer et Muhe son client.

08

- « Léo ? ».
- « Oui, chérie, c’est moi ».
- « Le code ? ».
- «  Gibraltar S6 Parapluie ».
Un dépôt de salive au réceptacle de contrôle des entrées et la baie vitrée s’ouvrit pour le laisser passer.
La vue sur Paris depuis le living d’Audrey était étonnante. Les cheminées fumantes du onzième arrondissement, la Seine engorgée de navires de toute taille, les métros zébrant le ciel de la capitale, les affiches volantes, les flux de la cité étaient étourdissants depuis ce soixante deuxième étage. Audrey était là à l’accueillir. Elle était belle. Il l’aimait et s’embrassèrent.

09

« Je viens pour l’armure » livra Obga au vieil homme à roulettes. « Suivez moi… ». Ogba sentit l’œil des caméras le pister jusqu’au bureau du patineur ridé. « assoyez vous, je vous en prie ». L’endroit, petit, sombre, baignait dans une lueur bleue. Un banc de vieux Macintosh tapissait le fond de la pièce. Le bureau, en bois, était encombré de sacs plastiques puants. Le tout dégageait une odeur de chien sale. Deux, des fois trois droïdes volants naviguaient dans cet espace réduit.   

10

« Alors ? » émit Moussa dans un soupir de pompe biomécanique.
« Tout est OK, ça arrive demain à Tel Aviv ».

11

« T’as l’air crevé Léo » dit Audrey.



TT9


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