Assez fan de Joy Division et de Factory Records, je me souviens avoir acheté ce disque avec l’appétence d'un petit soldat post-punk et en tous les cas sans vraiment me méfier. Avec sa pochette à la texture granuleuse1 qui rappelait celle d' Unknown Pleasures, un nom pareil et sur ce label-là cela devait forcement être du post-punk raide et de bon aloi. Évidemment, je me fourvoyais dans l'erreur, j'avais choisi ce disque par réflexe envers mes goûts un peu au « doigt mouillé » et sans même le regarder. En le regardant vraiment ou tout du moins en regardant sa pochette de plus près j'aurais constaté qu'au-delà du granuleux un esprit dégourdi (en l’occurrence le très arty Peter Saville) y avait reproduit trois petites aquarelles complètement impressionnistes de l'ami Raoul Dufy. Rien de vraiment joy disionesque en somme 2. La musique gravée sur la galette de celluloïd était comme ça elle aussi : complètement impressionniste. Pas grand chose de raide, des instrumentaux plutôt rêveurs et occasionnellement désolés soulevés par les arpèges en spirale d' une guitare pas vraiment sommaire et assez bien jouée. Parfois une boite à rythmes ou des percussions un peu barloncantes dans le fond et le tour était joué. La production de Martin Hannett (le fou furieux toxicomane responsable du son de Joy Division) donnait à l’ensemble un éclat juste et mystérieux et pour tout dire, même si je m'étais trompé sur la marchandise, cette marchandise eut tout pour me ravir. Pour preuve quelques semaines après l'avoir acheté, ce disque ne quittait plus ma platine. Comme rien ne va jamais sans rien et que tout va surtout par capillarité, je sus assez vite qui était Raoul Dufy (un peintre qui n'en se faisait pas trop) et Buenaventura Durruti (avec deux R et un T). Par contre, j'ignorais encore tout de Viny Reilly, le « responsable » de ce discret chambard. Personne ne parlait de lui et surtout pas Best et Rock & Folk. C'est à la faveur d'un entrefilet paru dans le NME que j'appris deux trois choses sur le bonhomme. A priori, c'était un grand type légumineux et vaguement autiste, un rescapé punk ami du « fraîchement » pendu Ian Curtis et un guitariste très conséquent. Une sorte de Bert Jansch after-punk, ou quelque chose d'approchant. Je ne savais pas qui pouvait bien être ce foutu Bert Jansch mais ma petite lumière était tout de même un peu éclairée et je pouvais écouter The Return of Durutti Column tout en me disant que mon doigt mouillé et mes œillères ne m'avaient finalement pas si trompé que ça. Un disque post-punk pouvait donc oublier un peu la raideur être assez impressionniste et finalement de bon aloi
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La « vraie » pochette originale composée de papier de verre endommageait le disque et fut un gouffre financier pour le label Factory.2 Les experts me crieront que la seconde face de Closer est globalement impressionniste et ils auront raison de crier.