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Jojo Rabbit. Quand la satire nie l’Histoire

Par Balndorn
Jojo Rabbit. Quand la satire nie l’Histoire
Pourquoi Jojo Rabbit connut-il autant de succès alors que, formellement, il n’apportait rien de bien neuf aux représentations cinématographiques du nazisme ? Peut-être parce que la satire, portée à outrance, évitait un écueil de taille : la question du consentement et de l’adhésion de la population au régime.
Certes, il est vrai que Taika Waititi, auteur du génial Thor: Ragnarok (2017) et de quelques épisodes parmi les plus brillants de The Mandalorian – deux œuvres qui s’amusent à déconstruire des mythes cinématographiques –, a le sens de la mise en scène. Jojo Rabbit multiplie les clins d’œil et les saillies humoristiques : de l’ouverture par une reprise des Beatles en allemand sur fond du Triomphe de la Volonté aux vaillants soldats de la Wehrmacht apprenant le combat en piscine, tout est là pour souligner l’exubérance du nazisme. Uniformes ridicules, Jeunesses hitlériennes brutales, paranoïa collective autour des Juifs… : comme sur une carte postale de vacances, on expose les moindres faits et gestes du régime.Sauf qu’à force de les présenter sous un angle comique, Jojo Rabbit finit par les dé-réaliser. Les personnages et les situations sont si absurdes qu’on peine à croire qu’ils aient eu lieu. C’est bien le problème majeur du film. En réduisant tout à un décor de cinéma fantaisiste avec lequel s’amuser à outrance – le meilleur exemple étant la représentation caricaturale d’Adolf Hitler, joué par Taiki Waititi lui-même –, on transforme l’Histoire en simple jeu de l’esprit et, de ce fait, on évite de se poser les questions qui fâchent : comment une telle horreur a-t-elle pu se produire ?Même une satire, même du côté allemand, aurait pu s’efforcer d’analyser un tant soit peu les ressorts de l’adhésion au régime et ses crimes de masse. Mais là encore, le film reproduit un schéma manichéen bien connu. D’un côté, les gardiens du nazisme, fous à lier et dont les discours sur les Juifs démoniaques sont si tortueux qu’ils paraissent invraisemblables, à l’image de la terrible Fraulein Rahm (Rebel Wilson). De l’autre, les sceptiques, les seuls humains dans ce monde de brutes : le capitaine Klenzendorf (Sam Rockwell), officier des plus pessimistes quant à la survie de l’Allemagne ; la mère de Jojo (Scarlett Johansson), résistante et désireuse de voir le régime s’effondrer ; enfin, le petit Jojo lui-même (Roman Griffin Davis), exclu par les autres enfants pour son handicap. Ces trois personnages offrent un terreau déjà fertile pour la sédition. Comme si, au sein même de l’Allemagne hitlérienne, personne n’avait jamais pu se laisser embrigader, et donc commettre les atrocités que l’on sait.
Jojo Rabbit. Quand la satire nie l’Histoire
Jojo Rabbit, Taika Waititi, 2020, 1h48
Maxime
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