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Frontier Line Manga

Par Ledinobleu

manga, Yoshihisa Tagami

Couverture de l'édition américaine du manga Frontier Line
 

Sur la planète Sodom, une colonie nouvellement établie s’est vite séparée en deux factions aux intérêts divergents. Une guerre de plus éclate, où prennent une place prépondérante les Dragoons – ces machines anthropomorphes conçues à partir d’artefacts laissés jadis par une civilisation disparue. À travers six histoires courtes, Frontier Line nous raconte comment des hommes et des femmes luttent jour après jour dans cet enfer fratricide : six histoires qui sont autant d’illustrations de la vie en temps de guerre.

Six histoires, donc. Et six thèmes éternels dans ce type de récit : vengeance, perte de son humanité, sacrifice de soi, sens du devoir véritable, désespoir et folie, mort de l’innocence. Yoshihisa Tagami ne prétend pas ici révolutionner le genre mais plutôt en illustrer les aspects fondamentaux, à travers des histoires courtes et plutôt simples dans leur synopsis mais néanmoins souvent sophistiquées dans leur facture – notamment par l’intermédiaire d’une narration décousue et de graphismes complexes qui, par le malaise qu’ils suscitent chez le lecteur, illustrent très bien la confusion des personnages pris dans un combat qui les dépasse et leur vole une autre part de leur âme à chaque nouveau jour au front.

Il ne prétend pas inventer quoi que ce soit non plus, aussi y retrouvera-t-on des hommages plus ou moins assumés à certains des classiques du genre mecha : Armored Trooper Votoms – et précisément son spin off Armor Hunter Mellowlink – pour le premier récit, Maschinen Krieger ZbV 3000 pour le troisième, et puis bien sûr Mobile Suit Gundam pour le ton général de guerre fratricide ainsi que pour l’aspect « réaliste » de l’ensemble… Car aucun des personnages n’est ici un héros, à peine un soldat et donc – surtout – une victime de plus. Les guerres ne laissent ni gagnants ni perdants, juste des survivants couturés d’un genre de cicatrices qui ne se voit pas toujours avec les yeux. Vous en trouverez quelques exemples ici.

À une exception près, il n’y a pas de personnages récurrents d’une histoire à l’autre et chacune peut se lire indépendamment ; tout au plus des clins d’œil permettront au lecteur attentif d’établir des liens – ténus – entre les récits. On y trouve assez peu d’action aussi, au moins dans le sens le plus « explosif » et racoleur du terme, ce qui surprend davantage : Frontier Line est assez « bavard » dans le sens où le texte joue beaucoup dans les introductions et les conclusions de chaque épisode, mais pour poser l’ambiance du récit, du reste de manière assez froide et objective, sans jugement ni morale, en encourageant ainsi le lecteur à se faire sa propre idée.

Mais l’aspect le plus intéressant reste la description de l’histoire globale, car l’auteur ne prend le parti d’aucun camp : chaque récit présente le point de vue d’une des factions, en alternance, sans donner de primauté à aucune des deux – trois épisodes pour l’une, autant pour l’autre. Ce procédé narratif permet ainsi une distanciation supplémentaire, un brouillage des pistes qui empêche tout jugement subjectif : en fin de compte, il ne reste plus que des hommes et des femmes qui tâchent de faire ce qui leur semble juste – comme tous les autres.

Avec une facture plutôt inhabituelle et des thèmes certes communs mais néanmoins présentés avec adresse et sans fioritures inutiles pour aller directement à l’essentiel, Frontier Line s’affirme comme une excellente introduction à ce qui reste encore à ce jour la branche la plus aboutie et la plus mûre du genre mecha. Plutôt pour profanes, donc, mais les aficionados du genre n’y bouderont pas leur plaisir non plus…


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